NEF - Le Livre 010101 de Marie Lebert - Entretiens 1998-2001 - Christiane Jadelot

Entretiens en français
Interviews in English


Christiane Jadelot (Nancy)
Ingénieur d'études à l'INaLF (Institut national de la langue française)

Laboratoire du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), l'INaLF a pour mission de développer des programmes de recherche sur la langue française, tout particulièrement son lexique. Les données, traitées par des systèmes informatiques spécifiques et originaux, constamment enrichies et renouvelées, portent sur tous les registres du français: langue littéraire (du 14e au 20e siècle), langue courante (écrite, parlée), langue scientifique et technique (terminologies), et régionalismes. Ces données, qui constituent un matériau d'étude considérable, sont progressivement mises à la disposition de tous ceux que la langue française intéresse (enseignants et chercheurs, mais aussi industriels, secteur tertiaire et grand public), soit par des publications, soit par la consultation de banques et bases de données.

Le domaine de compétence de Christiane Jadelot est la lexicographie informatisée. Elle est actuellement chargée de la mise en ligne de la huitième édition du Dictionnaire de l'Académie française (1932-1935).

Entretien 08/06/1998
Entretien 10/08/1999


Entretien du 8 juin 1998

Quel est l'historique du site web de l'INaLF?

Les premières pages sur l'INaLF ont été mises sur l'internet au milieu de l'année 1996, à la demande de Robert Martin, directeur de l'INaLF. Je peux en parler, car j'ai participé à la mise sous internet de ces pages, avec des outils qui ne sont pas comparables à ceux que l'on utilise aujourd'hui. J'ai en effet travaillé avec des outils sous Unix, qui n'étaient pas très faciles d'utilisation. Nous avions peu d'expérience de la chose, à l'époque, et les pages étaient très verbeuses. Mais la direction a senti la nécessité urgente de nous faire connaître par l'internet, que beaucoup d'autres entreprises utilisaient déjà pour promouvoir leurs produits. Nous sommes en effet "Unité de recherche et de service" et nous avons donc à trouver des clients pour nos produits informatisés, le plus connu d'entre eux étant la base textuelle Frantext. Il me semble que la base Frantext était déjà sur internet (depuis début 1995, ndlr), ainsi qu'une maquette du tome 14 du TLF (Trésor de la langue francaise, dictionnaire en 16 volumes publié par le CNRS entre 1971 et 1994, et dont le 14e volume a été consultable en ligne pendant quelque temps, ndlr). Il était donc nécessaire de faire connaître l'ensemble de l'INaLF par ce moyen. Cela correspondait à une demande générale.

Quel est l'apport de l'internet dans votre vie professionnelle?

J'ai commencé à utiliser vraiment l'internet en 1994, je crois, avec un logiciel qui s'appelait Mosaic. J'ai alors découvert un outil précieux pour progresser dans mes connaissances en informatique, linguistique, littérature... Tous les domaines sont couverts. Il y a le pire et le meilleur, mais en consommateur averti, il faut faire le tri de ce que l'on trouve. J'ai surtout apprécié les logiciels de courrier, de transfert de fichiers, de connexion à distance. J'avais à cette époque des problèmes avec un logiciel qui s'appelait Paradox et des polices de caractères inadaptées à ce que je voulais faire. J'ai tenté ma chance et posé la question dans un groupe de News approprié. J'ai reçu des réponses du monde entier, comme si chacun était soucieux de trouver une solution à mon problème! Je n'étais pas habituée à ce type de solidarité. Les habitudes en France sont plutôt de travailler avec des cloisons étanches.

Comment voyez-vous l'avenir?

Je pense qu'il faut équiper de plus en plus de laboratoires avec du matériel de pointe, qui permette d'utiliser tous ces médias. Nous avons des projets en direction des lycées et des chercheurs. Le ministère de l'Education nationale a promis de câbler tous les établissements, c'est plus qu'une nécessité nationale. J'ai vu à la télévision une petite école dans un village faisant l'expérience de l'internet. Les élèves correspondaient avec des écoles de tous les pays, ceci ne peut être qu'une expérience enrichissante, bien sûr sous le contrôle des adultes formés pour cela. Voilà ma petite expérience. Je me suis équipée maintenant à domicile dans un but plus ludique, en espérant convaincre ma fille d'utiliser au mieux tous ces outils.


Entretien du 10 août 1999

Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

L'INaLF est au coeur des problèmes de droits d'auteur et d'éditeur avec sa base de textes Frantext. Il me semble que les règles devraient s'assouplir, car pour le moment cette base a un accès restreint, ce qui est dommageable pour sa diffusion et la diffusion de la langue française en général.

Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Personnellement je n'ai pas d'état d'âme par rapport à l'usage de la langue anglaise. On doit la prendre comme un banal outil de communication. Cela dit, les sites doivent proposer un accès par l'anglais et par la langue du pays d'origine.

Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Mon meilleur souvenir est celui évoqué en 1998, lorsque, pour mon problème de polices de caractères, qui était très local, j'ai reçu des réponses du monde entier!

Et votre pire souvenir?

Celui d'avoir envoyé un courrier électronique à une personne qui n'était pas destinataire. Ce mode de communication doit être utilisé avec prudence parfois. Il va plus vite que la pensée elle-même, et peut être utilisé de manière très perverse, après coup, par le destinataire.


Christiane Jadelot (Nancy, France)
Researcher at the INALF (Institut national de la langue française - National Institute of the French Language)

The purpose of the INaLF -- part of the France's National Centre for Scientific Research (Centre national de la recherche scientifique, CNRS) -- is to design research programmes on the French language, particularly its vocabulary. The INaLF's constantly expanding and revised data, processed by special computer systems, deal with all aspects of the French language: literary discourse (14th-20th centuries), everyday language (written and spoken), scientific and technical language (terminologies), and regional languages. This data, which is an very important study resource, is made available to people interested in the French language (teachers and researchers, business people, the service sector and the general public) through publications and databases.

Christiane Jadelot is an expert in computerized lexicography. She is currently in charge of putting the eighth version of the Dictionnaire de l'Académie française (Dictionary of the French Academy) (1932-1935) online.

Interview 08/06/1998
Interview 10/08/1999


Interview of June 8, 1998

(original interview in French)

What is the history of the INaLF website?

At the request of Robert Martin, the head of INaLF, our first pages were posted on the Internet in mid-1996. I helped set up these web pages with tools that cannot be compared to the ones we have nowadays. I was working with tools on Unix, which were not very easy to use. We had little practical experience then, and the pages were very cluttered. But the INaLF thought it was very important to make ourselves known through the Internet, which many firms were already using to sell their products. As we are a "research and services" organization, we have to find customers for our computer products, the best known being the text database Frantext. I think Frantext was already on the Internet (since early 1995), and there was also a draft version of volume 14 of the TLF (Trésor de la langue française). So we had to publicize INaLF activities in this way. It met a general need.

How did using of the Internet change your professional life?

I began to really use it in 1994, with a browser called Mosaic. I found it a very useful way of improving my knowledge of computers, linguistics, literature... everything. I was finding the best and the worst, but as a discerning user, I had to sort it all out and make choices. I particularly liked the software for e-mail, file transfers and dial-up connections. At that time I had problems with a programme called Paradox and character sets that I couldn't use. I tried my luck and threw out a question in a specialist news group. I got answers from all over the world. Everyone seemed to want to solve my problem! I wasn't used to this kind of support. The French are more used to working alone, without reaching out.

What do you see the future?

I think we have to equip more and more laboratories with high-tech hardware and software so we can use all these new media. We have got projects for schools and research centers. The French education ministry has promised to give all schools cable line access, which is a pressing national need. I saw a TV programme about a small rural primary school's experience of the Internet. The pupils were communicating by e-mail with schools all over the world. This is very enriching, especially when supervised by specially-trained teachers. So that is how I see the Internet. Now I am equipped at home, more for fun, and I hope to convince my daughter to use all these tools to the fullest.


Interview of August 10, 1999

(original interview in French)

What do you think of the debate about copyright on the Web?

With its text database Frantext, the INaLF is greatly affected by problems of copyright and publisher's rights. I think the rules should be more flexible. At the moment, use of the database is restricted, which reduces its influence and the spread of French in general.

How do you see the growth of a multilingual Web?

Personally I have no problem about the use of English, which has to be regarded as a shared communication tool. But websites should offer access both in English and in the language of their country of origin.

What is your best experience with the Internet?

It was the one I recalled in 1998, when I got responses from all over the world to my very trivial question about type-faces.

And your worst experience?

When I sent an email to someone by mistake. Sometimes this communication tool has to be used carefully. It goes faster than the human brain and can then be used by the recipient in a very ugly way.


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