NEF - Le Livre 010101 de Marie Lebert - Entretiens 1998-2001 - Naomi Lipson

Naomi Lipson (Paris & Tel-Aviv)
Ecrivain multimédia, traductrice et peintre


Entretien du 13 décembre 2000

Comment vous présenter en une phrase?

A cheval entre plusieurs cultures et plusieurs pays, une jeune peintre, écrivain et traductrice a posé ses valises dans une nouvelle contrée, le cyberespace, qu'elle parcourt en tous sens...

Et un peu plus longuement?

Je m'appelle Naomi Lipson. Et même Lipson-Korenfeld - mais ceci est une longue histoire. Et puis, je vais en décevoir certains : non, je ne suis pas anglaise! Par contre je parle parfaitement américain, espagnol, hébreu et français. J'ai des connaissances en latin, grec ancien, hébreu biblique, ancien français, italien moderne et... j'apprends le japonais en ce moment! Bref, j'adore apprendre... toujours plus. Il serait presque plus court d'énumérer les sujets qui ne m'intéressent pas (s'il en existe) que les domaines qui me passionnent.

Je suis tombée dans la poésie quand j'étais petite. Devenue grande, je suis (dans cet ordre) traductrice (Bruno - Ze BD), écrivain multimédia (le personnage de Mona Bliss, soleil de la galaxie websoap) et peintre (exposition personnelle chez Nozart, 9 rue de l'Etoile, 31000 Toulouse).

Pouvez-vous décrire votre site web?

C'est une vitrine volontairement fragmentaire (pour préserver le mystère, hum) de mon talent d'écriture... Je l'ai créé en quinze jours de mise en page intensive, il y a presque deux ans, quand j'ai commencé à "habiter" la toile de manière régulière. La version actuellement en ligne est environ la cinquième. Le site contient notamment une partie de textes de fiction ("La fiction"), un journal plus qu'intime en français ("La vie") et un autre journal en anglais ("E is for English").

J'ai aussi un site perso sur 00h00 (incidemment, cet éditeur en ligne a créé un de mes sites préférés, celui qui m'a ouvert toutes grandes les portes d'internet). L'interface est un peu compliquée...Sur la page d'accueil, vous trouverez une bannière supérieure. Cliquez sur "lecteurs" puis dans le "frame" de gauche, il vous sera proposé un classement par ordre alphabétique du nom des lecteurs. Cliquez sur "L" (première lettre de "La chimère") ou sur "M" (comme Mona Bliss, mon personage de fiction). Et surtout... enjoy!

En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Exactement ? Cela varie souvent. ;-) La traduction est une constante. Quant à l'art, j'ai travaillé dans le cinéma (montage), la photo, avant de me fixer sur la peinture (médium traditionnel de l'huile sur la toile) et l'écriture (par et pour les médias informatiques).

En quoi consiste exactement votre activité liée à l'internet?

En plus de traduire de l'américain vers le français le site Bruno, je suis à l'initiative d'un projet d'écriture hypertextuelle conçue spécifiquement pour internet. Aux côtés d'Olivier Lefèvre, qui est le concepteur du projet, j'ai créé le personnage principal, Mona Bliss, autour duquel gravitent une galaxie d'autres personnages, tous doués d'une vie propre, c'est-à-dire, sur la toile, d'un site personnel et d'une boîte aux lettres électronique dont le contenu est accessible à tous sur le Blue Mailer.

Les possiblités offertes par l'hypertexte ont-elles changé votre mode d'écriture?

Je dirais même qu'elles ont en permis l'existence! J'ai toujours baigné dans l'écriture, mais je n'ai produit de textes dignes de ce nom que grâce à l'ordinateur, qui a profondément modifié ma façon d'écrire et de penser. Quand il m'arrive par hasard de retourner au stylo et au papier, je suis perdue, mon écriture, comme intrinsèquement hypertextuelle, part (apparemment) dans tous les sens sur la page blanche. La structure n'est plus la même. Bien sûr, avec ma formation classique (hypokhâgne, latin-grec) je pourrais rapidement retrouver l'écriture linéaire, mais franchement, je n'en ai plus envie. Je me sens en parfaite adéquation avec l'hypertexte, tout simplement. Peut-être parce que j'ai l'esprit d'escalier... ;-)

Comment voyez-vous l'avenir?

Je fais aujourd'hui des choses dont j'ignorais jusqu'à l'existence il y a un an et demi. Et pourtant, d'une certaine manière, je rejoins ma vocation première, qui est l'écriture. Mon activité présente me semble à la fois novatrice et profondément ancrée dans une culture, la rigueur des "humanités". J'espère contribuer à ma modeste échelle à une toile de qualité, mais bien fol qui peut dire ce qu'elle deviendra... Pour l'avenir, deux directions principales m'intéressent. D'une part l'édition, qu'elle soit papier ou numérique. D'autre part, la mise en scène d'expositions d'art contemporain, pour mes propres oeuvres et surtout celles des autres.

Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?

Mes yeux réclament le papier! Je suis une maniaque du mèl, que je lis sur écran, pour tout le reste, je garde un grand plaisir à lire sur papier. Un de mes éditeurs préférés, José Corti, publie des livres dont il faut encore ouvrir les pages au coupe-papier. Le plaisir qui en découle est pour moi immense, mais une page web bien mise en page, une graphie claire m'en procurent aussi. Je ne distingue pas les anciens et les nouveaux médias, pour moi, la beauté prime.

Les jours du papier sont-ils comptés?

Mes yeux fragiles espèrent que le papier survivra, même si j'ai des doutes là-dessus... Il paraît que les nouveaux médias ne vont pas éradiquer les anciens, mais se superposer à eux. Ce sera une possibilité de plus, un choix. Dans ce cas-là, tant mieux.

Que pensez-vous des débats relatifs au respect du droit d'auteur sur le web?

En tant qu'auteur, j'aimerais que mes droits soient protégés, bien sûr. Mais rien ne semble plus difficile aujourd'hui...

Quelles sont vos suggestions pour un véritable multilinguisme sur le web?

Je crois que c'est un problème que je ne me posais, très égoïstement, pas. Ceci dit, je contribue au multilinguisme aussi bien en traduisant Bruno qu'en écrivant de la fiction en français pour le websoap. C'est toujours ça de pris.

Comment définissez-vous le cyberespace?

J'aime la métaphore du labyrinthe. Le média se nourrissant lui-même, le cyberespace contient une infinité de sites sur les labyrinthes. Et j'ai écrit ma propre fiction hypertextuelle en songeant à un labyrinthe littéraire, volontairement situé au 19e siècle, alors que cet hypertexte évoque bien sûr la situation on ne peut plus contemporaine de la toile.

Et la société de l'information?

Je ne saurais en donner une définition. Par contre, j'ai la claire conscience d'être une privilégiée. Je ne crois pas du tout au "click and play". C'est un mirage. Je suis sûre que je suis à même de me frayer un chemin sur la toile grâce à un solide bagage culturel et linguistique, qui compense ma faiblesse (temporaire) en informatique. Vivre dans la société de l'information, ça s'apprend. Et il y aura des laissés pour compte, des illettrés. :-/

Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Pour moi, le réseau est un vivier de gens exceptionnels. J'ai fait des rencontres réelles et virtuelles absolument incroyables en deux ans. Ces gens préexistaient au réseau, bien sûr, mais sans lui, et surtout sans le mèl, je ne les aurais jamais contactés!

Et votre pire souvenir?

J'ai eu beaucoup de chance. En restant très courtoise aussi, je crois avoir évité les désagréments les plus courants de la vie sur la toile. C'est aussi simple que ça. Et avec un peu de prudence, on évite très bien les virus.


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