J.-F. Féraud, Dictionaire critique: Préface de 1787 |
¶ PRONONCIATION
II. La PRONONCIATION est une
chôse, qu'on ne peut bien montrer que de vive voix, et bien
aprendre que par un long usage. En tâchant de la peindre
à l'oeuil, nous n'avons prétendu que
dégrôssir cette partie, et faire éviter les
faûtes les plus grossières et les plus sensibles.
Nous avons borné notre travail (en répétant
les mots entre deux crochets) à suprimer les lettres, qui
ne se prononcent pas; à mettre un équivalent aux
diphtongues, plus raproché de la Prononciation; à
substituer, aux caractères de l'Ortographe, d'aûtres
caractères moins équivoques; enfin à mettre
entre deux tirets, ou divisions, les assemblages de
voyelles, qui ne forment qu'une seule syllabe. Ainsi, dans ACCABLEMENT, par exemple, un des deux
cc ne se prononçant pas, non plus que le t
final, en se prononçant comme an et c
comme k, nous écrivons entre deux crochets
[akâbleman]. Dans ACCÉDER, les deux cc se
prononcent, le 1er. comme k, le 2d. comme un
c doux ou une s forte, l'r est muette et
l'e, qui la précéde, est fermé: nous
écrivons donc [akcédé, ou
aksédé]. Dans CROIRE, oi a le son d'oa dans la
Prononciation soutenûe, et (suivant plusieurs)
d'è dans le discours familier: en
répétant ce mot, nous écrivons donc
[croâ-re ou crère]. Dans ACCOUTUMER, ou ne forme qu'une syllabe:
nous l'avons donc mis entre deux tirets, ou divisions
[A-kou-tumé]. = Il est aussi beaucoup d'accens, qui
se prononcent et ne s'écrivent pas: en
répétant le mot en italique, nous avons
marqué ces accens. AGRESTE,
AIGRETTE, ALERTE, ABBESSE,
ADMETTRE, AISSELLE, en sont des exemples. Nous
écrivons entre deux crochets [agrèste,
égrète, alèrte,
abèce, admètre,
écèle] en avertissant quand
l'è est ouvert, comme dans le 3e., et
quand il est moyen, comme dans les aûtres. = Pour les
règles générales de la Prononciation, on les
trouvera au comencement de chaque lettre, avec leurs exceptions.
Voy. dans ce Volume, A, B, C, D.
¶ PROSODIE
III. Malgré l'excellent
Traité de la Prosodie Française, par M.
l'Abbé d'OLIVET, bien des gens ignôrent encôre
si notre Langue a une Prosodie (5).
Plusieurs observent, en parlant, les longues et les
brèves; mais sans trop savoir pourquoi, et
n'étant guidés que par l'habitude. Un plus grand
nombre, qui n'ont pas eu les mêmes secours du
côté de l'éducation, font, en ce genre, les
faûtes les plus grossières. M. l'Abbé
d'OLIVET a donc rendu au Public un service inapréciable,
en consacrant ses talens et ses veilles à un travail
très-utile, mais non moins ingrat et non moins
pénible. Nous l'avons pris pour guide, et il nous servira
de garant. Nous avons mis à leur place, dans l'ordre
Alphabétique, la terminaison des mots et les règles
générales de la Prosodie Française, telles
qu'elles se troûvent dans le Traité de cet illustre
Académicien; et réfléchissant sur ces
règles, nous en avons conclu quelques principes
généraux pour plusieurs voyelles longues. Ils
serviront à diminuer le travail de la mémoire, et
à généraliser les décisions. On les
trouvera au mot LONG. La grande
utilité de notre travail a été d'apliquer
à chaque mot ces règles générales de
Prosodie. = Nous n'avertissons pas des syllabes, qui sont
brèves: mais le silence est un avertissement dans cette
ocasion. Toutes les syllabes, qui ne sont pas qualifiées
longues, ou douteûses, doivent être
censées brèves. Pour les longues, nous les
marquons le plus souvent d'un accent dans l'Ortographe; et si cet
usage s'établissait, on n'aurait presque plus besoin
d'étudier la Prosodie. Voy. ACCENT, à la fin.
Il est nécessaire, avant que
de terminer cet article, de doner quelques avis, qui servent ou
d'instruction et d'éclaircissement, ou de réponse
aux objections qu'on peut faire. = 1°. Dans les
règles, que nous donons d'après l'illustre
Abbé d'OLIVET, nous ne considérons que la
Prononciation soutenûe, sans toucher aux licences de la
conversation. Cet avis est nécessaire à ceux, qui
ne conaissent leur Langue que par le Langage des
Sociétés polies, qu'ils fréquentent, et dans
lesquelles ils ne retroûvent pas cette exactitude
gramaticale, qui y paraitrait un pédantisme. = 2°.
Parmi les longues et les brèves, il y en a
de plus ou moins longues et de plus ou moins brèves
respectivement. Dans les mots, où tous les
dérivés ont des voyelles longues, celles, qui sont
devant la syllabe féminine (devant l'e muet) sont
plus longues, que celles qui précèdent la syllabe
masculine (c. à. d. toutes les terminaisons
aûtres que l'e muet). Ainsi dans, il
amâsse, il câsse, il
pâsse, etc. l'â est plus long que
dans amâsser, il a câssé, nous
pâssons etc. quoiqu'il soit long dans ceux-ci.
Au contraire, les pénultièmes brèves sont
moins brèves devant l'e muet que devant toute
aûtre terminaison. Ainsi, il éface, a
l'a moins bref qu'éfacer, nous
éfaçons. Dans ceux-ci, il est si bref, que
ces mots forment ce qu'on apèle un dactyle dans les vers
latins. = 3°. C'est surtout sur les
pénultièmes que la diférence de la
quantité se fait le mieux sentir, parce que, comme le dit
si bien d'OLIVET, ce sont les syllabes, qui sont toujours saisies
avec le plus d'avidité par l'oreille; dans notre Langue
surtout, où il y a beaucoup de finales muettes, auxquelles
comme nous l'avons dit, les pénultièmes servent
d'apui. Ainsi, quoique les voyelles nazales, suivies d'une
consone, soient sensiblement longues; dans entendre, par
exemple, le 2d. en, qui est pénultième,
est plus long que le premier, qui comence le mot. = 4°. Les
voyelles, le plus décidément longues, le sont plus
ou moins suivant la position des mots dans la construction. Ainsi
dans âme, grâce, tête,
chôse, mûse, murmûre,
etc. l'â, l'ê, l'ô,
et l'û seront moins allongés dans le cours
de la phrâse, que lorsque ces mots la terminent; parceque
la natûre et la raison nous portent également
à apuyer plus fortement sur les derniers mots des
périodes. = 5°. La même syllabe longue
le parait davantage, quand elle est suivie d'une syllabe
très-brève, que quand elle l'est d'une
syllabe longue, ou moins brève. Ainsi, dans
abandoner, et bondoner, l'an et l'on,
sont plus longs que dans abandon et abondant: le
voisinage de la syllabe brève rend plus sensible la
quantité de la syllabe longue. = 6°. Enfin, il est
des syllabes, qui ne sont brèves ou longues que par leur
position: elles sont brèves dans le cours de la
phrâse: elles sont longues, quand elles la terminent. On
apelle ces syllabes douteûses. Voy. au mot
DOUTEUX. Telle est la
pénultième des Adjectifs terminés en
able: aimable, favorable, etc.
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Notes