1. Exemple de réalisation linguistique d'un référent métalinguistique

La nomenclature du Thresor renferme un certain nombre de termes de linguistique pour lesquels l'exemplification consiste à présenter des actualisations référentielles – « la séquence B (prédicat) représente un cas du phénomène A (sujet) » :

(*) accent aigu (sur la dernière syllabe) –> ex. banny, baston, foüet, frapper, tuer, etc. ; (sur la penultième syllabe) –> ex. beste, femme, dame, foulée, braire, taire, frire, duyre, escourre
    « Accent aigu, selon lequel la diction est dite aiguë, est assis sur la derniere syllabe de la diction, comme il l'est en tous les noms masculins & infinitifs François, peu s'en faut, comme banny, baston, foüet, frapper, tuer, & autres. / Accent aigu, selon lequel la diction est dite penacuta, est assis sur la penultiesme syllabe de la diction, comme en la pluspart des noms feminins François, beste, femme, Dame, foulée, & en certains infinitifs, braire, taire, frire, duyre, escourre. » (Thresor s.v. ACCENT)

(*) génitif –> ex. à Pierre, de Pierre, (= Petri), de Jean, (= Ioannis)
    « Est le second des six cas, par lesquels les noms, pronoms, & participes sont declinez, Genitiuus. Lequel est de signification, ou plustost de construction possessiue, exprimée en langue Françoise par les prepositions A, & De, comme, La maison à Pierre, ou de Pierre, Domus Petri. La robbe de Iean. Vestis Ioannis. » (Thresor s.v. GENITIF) [15]

(*) rime –> ex. espaisseur/lueur ; livre/vivre ; devots/caos ; choses/rencloses
    « Est consonance en terminaison finale de deux ou plusieurs vers mesurez entiers ou brisez, s'entresuyuans ou interuallez, comme, Des grands forests la frayeuse espaisseur, Toy Dieu deuant, m'estoit claire lueur. &, Aux assaults qu'elle me liure, Ne puis viure, &, Comme en ces temples deuots, & comme si toutes choses, Pesle mesle estoient rencloses Dedans leur premier caos » (Thresor s.v. RIME)

Pour les termes linguistiques, l'exemplification référentielle, issue de la lexicographie latine – voir, par exemple, le Thesaurus linguae latinae 1531 s.v. GERUNDIUM, INFINITIVUS, METATHESIS –, est toujours utile, puisqu'elle précise mieux le sens que l'exemple de mot. Aussi continuera-t-elle à trouver la faveur des dictionnaires postérieurs ; par exemple :

(*) esprit doux –> ex.
    « En Grammaire grecque, Esprit doux, Signe en forme de virgule () qui se place au-dessus d'une lettre, pour indiquer l'absence d'aspiration, comme dans (il est). » (Académie 1835-1932 s.v. DOUX) [16]

(*) participe présent à valeur verbale –> ex. respirant ; participe présent à valeur d'adjectif –> ex. brûlant, brûlante ; participe passé –> ex. ils ont respiré, elle était partie, nous sommes pris ; participe passé adjectif –> ex. un teint coloré ; règle de l'accord du participe passé –> ex. j'ai reçu les lettres / les lettres que j'ai reçues
    « /Définition/ Participe présent à valeur verbale (ex. respirant, de respirer /.../), à valeur d'adjectif, ou adjectif verbal (ex. brûlant, brûlante de brûler). Participe passé /déf./ (ex. ils ont respiré, elle était partie [de respirer, partir], /déf./ (ex. nous sommes pris, de prendre) ; participe passé adjectif /déf./ (ex. un teint coloré). Règle de l'accord du participe passé /déf./ (ex. J'ai reçu les lettres. Les lettres que j'ai reçues). » (Petit Robert 1993 s.v. PARTICIPE) [17]

Le cas de participe dans le Petit Robert illustre le dilemme du dictionnaire de langue qui ne traite, en principe, que les mots mais est constamment amené à renseigner sur les choses – on peut noter l'hésitation sur l'emploi de l'italique (« respirant, de respirer », « respiré [...] de respirer »). Si dans « Participe présent à valeur verbale », « [Participe présent] à valeur d'adjectif », « Participe passé », « participe passé adjectif » et « Règle de l'accord du participe passé » l'italique a le sens normal de "indicateur d'exemple d'emploi du mot", il est clair que ces mêmes syntagmes-exemples fonctionnent à leur tour comme rubriques adresses d'informations grammaticales (cf. « ou adjectif verbal » qui n'a que la seconde fonction) : respirant est un exemple d'un participe, mais non un exemple du mot participe. [18]

2. Exemple d'un trait métalinguistique actuel

Il s'agit essentiellement de traits définitionnels. La classe des traits est toujours implicite ; c'est à la compétence de l'utilisateur du dictionnaire de la déterminer, de circonscrire les limites d'application de la règle.

(*) Trait définitionnel virtuel : en + qualité –> exemples de réalisations : en forces, en dignité, en sçavoir
    « signifie rendre & faire pairs deux ensemble, soit en forces, dignité, sçauoir, ou autres choses » (Thresor s.v. APPARIER)

(*) Trait définitionnel virtuel : distinguée par + caractéristique –> exemples de réalisations : distingué par hymnes, distingué par pseaumes
    « Signifie [...] l'heure Canonique, qui se dit enuiron midi. Selon ce on dit, Prime, Tierce, Sixte, & None, chacune desdictes heures distinguée par temps, Hymnes, Pseaumes, & autres choses. » (Thresor s.v. NONE)

Les dictionnaires généraux postérieurs continuent à pratiquer l'exemplification des traits définitionnels, soit dans la définition proprement dite (exemples 1-2), soit dans le discours sur le signe (exemples 3-4) :

(*) Trait définitionnel virtuel : [obtenir] par + moyen –> exemples de réalisations : par persuasion, par prière
    « Avec la prép. sur : obtenir quelque chose de quelqu'un par persuasion ou par prière, etc. » (Féraud 1787 s.v. GAGNER)

(*) Trait définitionnel virtuel : [devenir possesseur] par + moyen –> exemples de réalisations : par un travail, par des entreprises
    « Gagner de l'argent, devenir possesseur de sommes d'argent par un travail, par des entreprises, etc. » (Littré 1863-72 s.v. GAGNER)

(*) Traits définitionnels virtuels : [particule] de + nom de volition ; pour + verbe de volition –> exemples de réalisations : de souhait, d'imprecation, de commandement, de consentement ; pour souhaiter, pour commander, pour consentir
    « Il est aussi particule de Souhait, d'imprecation, de commandement, de consentement, etc. et alors il s'employe par une maniere d'ellipse en sous-entendant les verbes dont on se sert pour souhaiter, pour commander, pour consentir, etc. » (Académie 1694-1935 s.v. QUE) [19]

(*) Trait définitionnel virtuel : [pour exprimer] nom de volition –> exemples de réalisations : le commandement, la volonté, le souhait, l'imprécation
    « QUE, introduisant une proposition indépendante au subjonctif pour exprimer le commandement, la volonté, le souhait, l'imprécation, etc. » (Robert 1951-64 s.v. QUE) [20]

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Notes

15. Cf. Thresor s.v. ABLATIF : « Les Latins le designent par A preposition, si le mot commence par consonante, comme, A paulo, & par Ab aussi preposition, Si le mot commence par voyelle, comme ab illo. Mais les François le representent par la preposition, De, comme, i'ay cela d'vn tel, Id ab illo accepi. »

16. Cf. « I final est douteux dans les mots latins mihi, tibi, etc. » Académie 1835-1932 s.v. DOUTEUX.

17. Parenthèses diagonales ajoutées ; les crochets sont dans le texte.

18. Cf. Petit Robert s.v. RIME : « Rime riche /.../ (ex. image – hommage). Rime pauvre (ex. ami – pari) /.../ rime pour l'œil (ex. aimer – amer). » ; cf. exemple d'un mot à c cédille dans PR s.v. CÉDILLE cf. exemple d'un énoncé performatif dans id. s.v. PERFORMATIF.

19. Bescherelle 1858 emprunte l'item à Acad 1835 en le modifiant légèrement.

20. Cf. Petit Robert 1993 s.v. QUE : « Introd. une indépendante au subj. (ordre, souhait...) ».