3. Exemple d'emploi d'un signe-propriété linguistique virtuel

Il s'agit de l'exemple traditionnel ; [21] pourtant Nicot lui donne une grande extension, exemplifiant à l'occasion, outre le mot-adresse ou un syntagme de celui-ci, une variante, un dérivé, un synonyme, un parasynonyme, un antonyme, un homographe, un équivalent ou un cooccurrent.

3.1. Exemple d'emploi du mot-vedette [22]

(*) re, élément de composition –> composés : ex. reboire, recuire, redire, refaire, etc. ; reintegrer, reiterer, reunir ; radouber, raviser, ramener, rassembler, rembourser, rembrocher, remmancher, remmailloter
    « Re, Composé auec les mots commençeans par consonante, demeure en son entier : comme Reboire, Recuire, Redire, Refaire, &c. Quant il est composé auec les mots commençeans par voyele, aucunesfois il demeure entier : comme Reintegrer, Reiterer, Reunir. Aucunesfois il perd son e : comme Radouber, Rauiser, Ramener, Rassembler, Rembourser, Rembrocher, Remmancher, Remmailloter. » (Thresor s.v. RE)

(*) journée "bataille" –> contextes lexicalisés (c.-à-d. normalisés et définis) : avoir journée contre l'ennemi, livrer journée à l'ennemi, perdre la journée, la journée de Bovynes, la journée de Montlehery, la journée de Ravenne, la journée de sainct Laurens, la journée des Esperons ; –> contextes discursifs glosés : « en cette derniere iournée » (Amadis), la journée a esté pour nous
    « Et ores la bataille mesmes. Ainsi dit-on auoir iournée contre l'ennemi, auoir bataille à luy. Au troisiesme liure d'Amadis, chapitre sixiesme : Or auoit-elle ouy parler de la grande beauté & proüesse de celuy qui portoit l'armet doré, mesmes comme en cette derniere iournée où il s'estoit trouué contre le Roy Aramgne, il auoit fait les plus grandes actes de cheualier, que pourroit faire autre cheualier, c'est à dire, en cette derniere bataille. Et, La iournée a esté pour nous, c'est, nous auons gaigné la bataille, Vicimus. Et, Liurer iournée à l'ennemi, c'est luy liurer bataille, Pugnam hosti inferre. Et, Perdre la iournée, c'est perdre la bataille, Pugna cadere. Et, La iournée de Bouynes, de Montlehery, de Rauenne, de sainct Laurens, & des Esperons, (combien que ce ne fut que rencontre) & semblables locutions, c'est la bataille où les esperons furent chaussez aux François, la bataille aduenuë au lieu & pont de Bouynes, De Montlehery, De Rauenne, & le iour de la sainct Laurens. » (Thresor s.v. JOURNÉE)

(*) rime en proverbe –> proverbe en contexte
    « Rime en ce prouerbe François, Il n'y a rime ne raison, signifie verisimilitude, suyte, illation, ordre, consequence, conuenance, correspondance, comme, Il n'y a rime ne raison en ce que vous dites & faites » (Thresor s.v. RIME)

3.2. Exemple d'emploi d'une variante

(*) immobile, var. non marquée d'immeuble
    « toutesfois le François en cette generale et adiectiue signification, vse plustost du Latin, disant, Il est immobile en son opinion, Il se tient immobile comme vne statue, & non pas Immeuble. » (Thresor s.v. IMMEUBLE)

(*) ribaudequin, var. marquée de ribaulderin
    « Ribaulderin, [...] ou Comme quelqu'vn dit Ribaudequin, Enguerrant de Monstrelet [...] : [...] & tresgrand nombre de Ribauderins (ou Ribaudequins,) ausquels faloit pour les mener, à chacun vn cheual. Et estoient iceux Ribauderins (ou Ribaudequins) habillemens qui se portoyent sur deux rouës [...] » (Thresor s.v. RIBAULDERIN)

3.3. Exemple d'emploi d'un dérivé

(*) guascher, guaschis dérivés de guasche
    « Mais il le faudroit escrire par gua, (comme aussi Guascher, Guaschement, Guachis, qui viennent de Guasche) [...] Guascher pour broüiller parmi l'eauë, comme on dit Guascher du plastre, [...] Et vn guaschis d'eauë » (Thresor s.v. GASCHE) [23]

3.4. Exemple d'emploi d'un synonyme

(*) fin à, syn. de jusques à
    « Iusques à Nismes, Nemansum vsque. Aucunes nations de ce Royaume l'expriment par ces mots, Fin à : comme, Fin à tel temps, Fin à tel lieu, » (Thresor s.v. JUSQUES) [24]

3.5. Exemple d'emploi d'un parasynonyme

(*) paire, parasyn. de couple
    « on ne dira pas vne couple de gants, chausses, souliers, comme on dit vne paire de gants, chausses & souliers. » (Thresor s.v. COUPLE)

3.6. Exemple d'emploi d'un antonyme

(*) prose, antonmye ital. et fr. de rime
    « Rimes en pluriel, se prend pour les vers & poëmes mesmes qui sont faits en rime, ce que l'Italien obserue exactement, disant, Le Rime del Bembo, del firenzuola, [...] mettant à l'opposite ce mot prose, comme Le prose del Bembo, del firenzuola, Par lequel il entend la composition vulgaire qui n'est en Rime, ce que Marot en vne de ses Epistres au Roy a obserué en ce vers, Afin qu'on die en prose, ou en rimant » (Thresor s.v. RIME)

3.7. Exemple d'emploi d'un homographe

(*) vij, homographe de vn
    « c'est abbus de luy donner la lettre g, vng pour euiter l'amphibolie du nombre sept qu'on escrit ainsi vij, [...] comme, Il y a vij combattans, &, ils sont vij qui combattent » (Thresor s.v. UN)

3.8. Exemple d'emploi d'un équivalent

(*) rime, équivalent italien de rimes
    « Rimes en pluriel, se prend pour les vers & poëmes mesmes qui sont faits en rime, ce que l'Italien obserue exactement, disant, Le Rime del Bembo, del firenzuola, » (Thresor s.v. RIME) [25]

3.9. Exemple d'emploi d'un cooccurrent

(*) franc, cooccurrent d'arbre
    « Arbre franc, est le contraire de sauuage, comme si l'on disoit appriuoisé, & par culture, ou par enter rendu domestique, [...] Car cest adiectif franc importe douceur, gracieuseté, souëfueté, & toute amiableté. Ainsi dit on le fruict franc » (Thresor s.v. ARBRE) [26]

C'est le type 3.1 qui devient par la suite l'exemple lexicographique tout court ; les autres types disparaissent, à l'exception des exemples de parasynonymes (3.5) dans certains dictionnaires de synonymes.

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Notes

21. Cf. Langue française n° 106 (1995) et, pour l'exemple traditionnel chez Nicot, R. Wooldridge, Ibid. : 8-20.

22. La typologie des (très nombreux) exemples du mot-vedette en contexte forgé ou cité est étudiée en détail dans Wooldridge 1995 (cf. note 21).

23. Cf. introduction s.v. INTRODUIRE, desbander, desbandée s.v. BANDE.

24. Cf. jour de bataille s.v. JOURNÉE.

25. Cf. s.v. CONTREMONT.

26. Cf. (lict, coup, maladie, hayne) mortel s.v. CHAMP.