L'alinéa le plus long de DLG 1552, 22 lignes, est consacré au mot chelonia. Le développement exceptionnel donné à cet article provient de la synthèse de plusieurs textes parallèles. Les textes concernés sont les suivants [21].
2. Vitruvius, Légende de la figure (f. 174 v°) a. [3g] Sucula. / b. [2b] cheloniæ / c. [10b] fibula. / d. [4b] troclea [4c] seu rechamus. / e. troclea inferior seu rechamus / f. [9c] ferrei forfices. / g. [7b] ductarius funis. / [5b] orbiculi sunt rotule quæ circum [6b] axiculos in trocleis versantur.
3. Martin 1547 "Des machines tractoires, ou [1i] propres a tirer groz fardeaux" [...] Lon prend [1d] trois fustz de Merrien, autant groz & puissans que requiert la pesanteur du fardeau que lon en veult leuer, puis on les [1e] dresse de sorte qu'ilz sont [1f, 10a] ioinctz & serrez par le bout d'enhault auec vne cheuille, [1h] & par embas elargiz en triangle: mesmes afin de les faire tenir droit & ferme, lon passe vn [1l, 7a] Chable atrauers icelluy bout d'enhault, & des Escharpes de [1g] cordage qui en partent tirantes contrebas, & ordonnees enuiron les iambages pour les tenir plus fermement debout. Apres on pend contre sa sommité vne [1j, 4a] Moufle, qu' [4b] aucuns de nous appellent Trochlea, [4c] & les autres Rechamus, en laquelle sont mises deux [1k, 5a] Poulyes tournantes a leur ayse au moyen des [6a] Gouions qui les trauersent. Par vne de celles d'enhault passe premierement [7c] la corde conductrice de toute la besongne, & de la s'en reuient a vne de celles de bas: apres retourne encores a l'autre de hault, d'ou elle vient reprendre la deuxieme de bas: puis on passe [1b] l'vn de ses boutz par un trou faict atrauers de Moulinet, & le reste pend entre les iambages [1c, 11a] de l'Engin qu'on appelle une Cheure. Cela faict, sur le deuant de l'espoysseur des Arboutans, droit au mylieu par ou ilz s'eslargissent, lon y fiche des [1a, 2a] Ammares, Auches, ou Boystes, [2b] que nous disons Cheloniæ, [2c] autrement Tortues, a cause qu'elles sont faictes ala facon de ces bestes lá: & atrauers d'icelles Ammares passe ledict Moulinet, [3f] autrement Fuzee, [3g] aussi nommé entre nous Sucula, signifiant Truyette, pource qu'il est plus gros par le mylieu que par ses extremitez, comme lon veoit que sont ordinairement les Truyes. [3a] Ce Moulinet a aussi [3c] en ses deux boutz qui passent oultre, deux Mortaises [3b, 8a] en quoy lon met des Barres ou Leuiers pour en faire tourner l'Engin plus aysement: & au bout d'embas de la susdicte Moufle on lye vne [1m, 9a] Louue de fer, [9b] dont les dentz entrent dedans les creusures des pierres faictes en bizeau: puis se serrent tant d'vn costé que d'autre, auec des coingz de ce metal. Ainsi par auoir ladicte corde vn de ses boutz lyé a ce Moulinet, [3e] quand on le faict tourner auec les barres mises atrauers ses mortaises, [3d] icelle corde en tortillant se roydit, & [1i] faict soubzleuer les fardeaux iusques a la haulteur des lieux ou lon pretend les appliquer en ouurage. [...] [11b] L'Engin qui a trois Poulies en sa Moufle, al'entour desquelles se va la corde enuironnant, [11c] est dict par les Grecz Trispastos. [12a] Mais quand il y en a deux au bout d'embas contre trois amont, alors [12b] ilz le nomment Pentaspaston. [...]
4. Estienne, Dictionarium latinogallicum 1552
Chelonia, cheloniorum, n.g. Vitruuius. [1] (a) Les ammaires,
auches, ou boites, (b) dedens lesquelles entrent les deux bouts du moulinet (c) d'un
engin nommé une Cheure: (d) lequel engin est faict de trois longues pieces de
bois (e) debout, (f) ioinctes & assemblees au hault par cheuille (g)
& cordage, (h) s'eslargissants par bas en triangle: (i) & sert ledict
engin a leuer en hault grosses pierres, moyennant les (j) moufles, (k) poulies,
(l) chable, & (m) louue de fer qui y sont. [2] (a) Lesdictes
ammaires ou auches ou boites (b) sont appellees Chelonia, (c) pource qu'elles sont faictes
a la facon & semblance d'une Tortue. [3] Et (a) le susdict molinet
(b) trauersé de barres ou leuiers (c) par les bouts, & (d) autour
duquel le chable s'entortille (e) quand on le tourne, est (f) autrement appellé
Fuzee, (g) en Latin Sucula, qui signifie Truyette, pource qu'il est plus gros par le
milieu que par les extremitez, comme lon ueoit que sont ordinairement les Truyes. [4]
(a) La moufle est (b) appellee Trochlea, (c) ou Rechamus. [5] (a)
Les poulies, (b) Orbiculi. [6] (a) Les gouions ou cheuilles qui trauersent
lesdictes poulies, (b) Axiculi. [7] (a) Le chable, (b) Funis ductarius, (c)
c'est a dire corde conductrice de toute la besongne. [8] (a) Les leuiers ou barres
du molinet, (b) Vectes. [9] (a) La louue de fer, (b) dont les dents entrent
dedens les creusures des pierres faictes en bizeau, (c) Forfices ferrei. [10] (a) La
cheuille qui ioinct & serre les trois pieces de bois par le bout d'enhault, (b) Fibula.
[11] (a) Si ledict engin nommé Cheure, (b) ha trois poulies en sa
moufle, (c) il est des Grecs appellé Trispastos. [12] (a) Mais s'il
en ha deux au bout d'embas contre trois amont, (b) il est nommé Pentaspastos.
+ renvois à CHELONIA s.v. DUCTARIUS,
FIBULA, FORFEX, ORBICULUS, RECHAMUS, SUCULA, TROCHLEA; + articles indépendants AXICULI, VECTES ("Vitru.") fondés sur
le latin de Vitruve et le français de Martin.
La dénomination s'enrichit d'un texte à l'autre. Vitruve parle surtout de la chose, ne donnant qu'un cas de synonymie -- "troclea, quam etiam nonnulli rechamum dicunt" -- et ne dénommant que deux référents qui n'auraient pas de nom latin -- "hæc ratio machinationis [...] trispastos appellatur [...] pentaspaston dicitur". En revanche, Martin, lexicographe par souci didactique [22], et Estienne, dictionnariste par profession, traitent autant les mots que les choses.
Les séries à dénominations multiples chez Martin sont les suivantes: a) moufle = aucuns de nous trochlea = les autres rechamus; b) 'engin' = chevre; c) ammares, auches, boystes = cheloniæ = autrement tortues; d) moulinet = autrement fuzee = entre nous sucula 'truyette'; e) 'engin qui a trois Poulies [...]' = Grecs trispastos; f) 'engin qui a deux Poulies [...]' = Grecs pentaspaston.
Elles sont encore plus nombreuses chez Estienne: a) ammaires, auches, boites = chelonia 'tortues'; b) molinet = autrement fuzee = lat. sucula 'truyette'; c) moufle = trochlea = ou rechamus; d) poulies = orbiculi; e) goujons, chevilles qui traversent les poulies = axiculi; f) chable = funis ductarius 'corde conductrice'; g) leviers, barres = vectes; h) louve de fer = forfices ferrei; i) cheville qui joinct et serre = fibula; j) chevre à trois poulies [...] = Grecs trispastos; k) chevre à deux poulies [...] = Grecs pentaspastos.
Si les séries d'Estienne sont plus nombreuses, celles de Martin marquent davantage l'emploi des termes: "aucuns de nous" et "entre nous", "les autres" et deux fois "autrement".
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Notes
21. Gras, crochets et parenthèses ajoutés.
22. Sur Martin philologue et communicateur, voir la communication de J.-C. Arnould.