Synthèse

Parmi les plusieurs dizaines d'auteurs français de la Renaissance cités par les dictionnaires, les lexicographes marquent leurs préférences: Ronsard abondamment cité par Thierry, Marquis et Poille; l'Amadis de Gaule par Nicot (f des mentions explicites: 139 dans DFL 1573, plus 11 dans TLF 1606) et Poille (f 135); Du Fouilloux par Nicot et Poille; Amyot par Marquis et Poille; La Popeliniere (f 392), Du Bartas (f 115) et Vigenere par Marquis; Belleau, Du Bellay et le «Triomphe de Henry» (f 354) par Poille. D'autres sont négligés: Rabelais, par exemple, n'est mentionné que quatre fois (par Poille s.v. ESCORT, IMPRECIABLE, MARRE, PIOCHEUR)21, de même que Montaigne (une fois chez Stoer s.v. HOM, trois fois par Marquis s.v. GALIMAFREE, POLTRONISER, TOMBER).

Tous les domaines lexicaux sont représentés; il a été question ici de la langue littéraire, des néologismes, des italianismes et des vocabulaires de l'architecture, de la vénerie, de l'alchimie et de la marine.

Les pratiques citationnelles varient selon le lexicographe et le texte ou l'auteur cité. En règle générale, les dictionnaires se contentent d'une attestation de mot ou de syntagme dans le cas d'un poète (Ronsard22, Belleau, Du Bellay), mais donnent une citation, textuelle ou normalisée, dans celui d'un récit ou d'un traité (Vitruve, Du Fouilloux, Vigenere, «Triomphe de Henry», La Popeliniere). Les éventuels index et tables peuvent servir de moyen d'approche des textes (cf., supra, l'utilisation faite par Poille des commentaires de Muret sur Ronsard). Le degré de dictionarisation, c'est-à-dire de traitement métalinguistique et d'intégration dans le discours lexicographique, varie selon le lexicographe: faible ou moyen chez Estienne (DFL), Thierry, Marquis et Poille, élevé chez Nicot, qui, très souvent, incorpore ses citations et attestations dans de longs alinéas construits contenant toutes sortes d'informations linguistiques, philologiques et encyclopédiques23. Il n'est pas surprenant, par conséquent, de constater que le degré d'exactitude des citations24 tend à être en rapport direct avec le degré de dictionarisation25.

Outre les questions des textes choisis, du vocabulaire recensé et des procédés citationnels, l'appréciation de l'exploitation des textes dans les dictionnaires doit tenir compte de plusieurs autres facteurs: les fautes d'identification, la non-identification et le type de dépouillement qui a été fait (cf. section 4 supra).

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Note 21. Même anonymement, il est presque entièrement absent du DFL et du TFL: cf. Wooldridge 1995.

Note 22. Il faut noter à part le procédé exceptionnel de Marquis compilant des items-concordances pour les substantifs chez Ronsard (cf. supra).

Note 23. Voir, par exemple, dans le domaine du vocabulaire de la vénerie, l'article BAUDS dans DFL 1573 et TLF 1606.

Note 24. Cf. FONCER chez Poille, cité supra.

Note 25. Sur la question des pratiques citationnelles chez les lexicographiques de notre corpus, voir Wooldridge 1977, 1992, 1993, 1995 et à paraître.