2.2.1.3.4. Participes
L'appartenance grammaticale des participes est généralement
considérée comme un problème insoluble, même pour
le français moderne. [118] Chez Nicot, le
participe est présenté sous différentes étiquettes
qui témoignent non seulement de sa polyvalence mais aussi de la
confusion terminologique. D'abord, certaines étiquettes sont
partagées avec d'autres formes non participiales. Par exemple,
l'indication de genre s'emploie tout aussi bien pour les participes (GISANT "m. ... participe" (N 1606), CHAUSSÉ "m. ... participe" (ND 1573), CHAUSSÉE "f. ... participe" (ND 1573), etc.) que
pour les adjectifs (BLANC, NOIR, etc.) et substantifs
(BLANC, NOIR, HOMME, etc.). De même, la terminaison
-us est souvent commune à la traduction latine des noms,
adjectifs et participes passés français, ce qui, en l'absence
d'autres marques, peut maintenir l'ambiguïté fonctionnelle
entière. Par exemple, BASTARD ("Nothus,
Adulterinus" E 1539) peut être adjectif ou substantif; CONFEDEREZ ("Foedere iuncti, Foederati" T 1564) est participe,
adjectif ou substantif. LAISARDIN "Lacertinus" (T 1564)
semble à première vue pouvoir être nom ou adjectif,
quoique le suffixe -inus ne soit normalement utilisé, dans le
cas d'animaux, que pour les adjectifs dérivés, [119] et que le Grand
dictionaire
françois-latin de 1603 y ajoute l'expansion analytique "De
laisard". [120]
Pour ce qui est des
indications de fonction grammaticale, celle de nom/nom
substantif/substantif est clairement délimitée:
Abbayant ... tantost est nom, comme, Tu es vn abbayant
(1606)
Gisant ... tantost est nom substantif, & signifie la basse
perche du brancar d'vn chariot (1606)
ABBREGÉ ... Tantost est substantif, &
signifie epitome & reduction sommaire, & vn brief d'vn escrit, Selon ce on
dit, L'Abbregé des Chroniques de France (1606)
De même, celle de gerondif/gerundif:
Abbayant ... Tantost est gerundif, comme, Tu me suis abbayant,
ou en abbayant (1606)
BATANT ... Tantost est gerondif, comme, Il les a
menez batant iusques dans les portes de la ville (1606)
Gisant ... tantost est gerondif, en gisant vous chanterez
(1606)
Entre ces deux extrêmes, la terminologie et les fonctions sont plus
difficlles à analyser. Pour la forme du participe présent, nous
trouvons quelques exemples de l'étiquette participe:
Gisant ... Tantost est participe venant de Gesir, & signifie
celuy qui gist, Iacens. ainsi on dit, Il est gisant malade en son
lict (1606)
MONTANT, m.acut. Est proprement le participe
present du verbe Monter, celuy ou celle ou ce qui tire à-mont,
Quod sursum vergit, Ascendens (1606) [121]
L'utilisation du même terme pour le participe passé ne traduit
pas une même fonction:
Accordé, m.acut.particip. Qui pactionem iniit, comme, Il
s'est accordé auec son ennemy (1606)
ARS, m. En singulier est particip. qui est fait du
verbe Ardre ou ardoir ... & signifie bruslé, comme, Le
palais est tout Ars (1606)
BLASME, m.acut.particip. Est celuy sur lequel le
blasme est mis, Infamia affectus, Cuius existimationi labes allata est
(1606)
Le participe présent, en tant qu'unité de traitement, n'est
généralement admis à la nomenclature qu'à titre
d'adjectif après le traitement du verbe:
Abondant. m. Abundans, Affluens, Huber, Hubertus,
Abondante, f. comme, Abondante nourriture
Homme abondant & riche (1573)
Aimant, Amans, Diligens (1539)
Cependant, ABHORRANT "m.acut. Celuy qui abhorre &
deteste quelque chose, Abhorrens, Abominans. // Ie ne suis trop
abhorrant de ceste opinion" se présente, dans N 1606, plutôt
comme une forme verbale opposée à abhorrente ("lon dit
vne chose estre abhorrente, quand elle est outre la commune & vsitée
facon de faire" caché s.v. Abhorrir), tandis que, dans ND 1573,
l'article ABHORRANT de 1606 était
"Abhorrent. m. Celuy qui abhorre & deteste quelque chose.
Abhorrens, Abominans. // Ie ne suis trop abhorrent de c'este opinion".
Pour sa part, l'article RIMANT cache un emploi
substantif:
Rimant, m.acut. Celuy qui fait des Rimes. Marot ... Car
vois tu bien la personne Rimante. Selon ce on pourroit dire, c'est vn
Rimant, pour vn faiseur de rimes (1606)
Plus fréquent, dans le classement dérivationnel et même
dans l'ordre alphabétique, est le participe passé dont
l'appartenance grammaticale est aussi plus ambiguë. Il est parfois
qualifié de preterit:
ABBREGÉ ... tantost est chascune des trois
personnes du temps preterit parfait, auec adionction de ce verbe, ay,
comme, I'ay abbregé, tu as abbregé, il a abbregé
(1606)
COMMIS, tantost est le preterit de commettre &
signifie ores deleguer, comme Ie suis commis à ceste charge ...
& ores perpetrer, comme Il a commis plusieurs crimes (1573)
- emplois actifs et passlf. L'étiquette la plus usuelle, lorsqu'il en
porte une, est celle d'adjectif/nom participial
adjectif/adjectif de signification passive/passive
signification:
Abysmé, m.acut.adiectif. Est ietté ou
lancé en abysme ...
Le village de Frittole ... a esté
abysmé //
Abysmée, f.penac.adiectif. //
Villes abysmées (1606)
ARMÉ, m.acut. C'est vn nom participial
adiectif, Armatus ...
vn cheual armé ... Il estoit armé de
picque &
corselet (1606)
ABBREGÉ, m.acut. ... est adiectif de
signification passiue,
comme, Son propos est abbregé
(1606)
ESSOYNÉ ... En passiue signification, celuy
qui a force
de coups & battures est rendu impotent
... Est prins pour
impotent (1606)
Acheué, m.acut.passiuè, Qui est, Transactus,
Absolutus,
Liure acheué (1606) [122]
Plusieurs facteurs concourent à faire du participe passé avant
tout une forme. Il peut être classé avant l'infinitif:
ABYSME
Abysmé
Abysmée
Abysmer (N 1606)
| ACHEMES
Achemé
Achemmer (ND 1573) |
Suivant l'infinitif, il peut mériter dans le macro-article la
même attention:
ACCABLER, C'est affouler aucun de coups
pesans, l'aterrer
à force de pesanteur, & de charger sur luy,
Opprimere
aliquem, Obruere.
Accablé, m. Obrutus, Oppressus.
Accablée, f. Obruta, Oppressa. (ND 1573)
ou y jouir d'une indépendance totale:
ACCOMPAGNER
Accompagnable
Accompagné
Accompagnée
Accompagnement (N 1606)
| ACCORDER
Accordant
Accordante
Accordé
Accordée
Accord
Accordable
Accordance
Accordailles (ND 1573) |
Le plus souvent, le statut d'unité de traitement coïncide avec la
première occurrence, dans une entrée de macro-article, de la
forme du participe passé (cf. ACHETÉ,
ASSEMBLÉ, BLASMÉ, COMMIS, etc.). Cela a parfois pour
conséquence de faire interposer entre le verbe et l'emploi actif du
participe un emploi passif de celui-ci:
ABBATRE ...
I'ay tout le cueur abbatu ...
Ils m'ont abbatu ... (E 1549) |
> | ABBATRE ...
Abbatu. m. Deiectus
I'ay tout le coeur abbatu ...
Ils m'ont abbatu ... (ND 1573) |
| > | ABBATTRE ...
Abbatu, m.acut. De signification passiue ...
I'ay le coeur tout abbatu ...
Ils m'ont abbatu ... (N 1606) [123] |
Lorsque le participe-passif-adresse ne coïncide pas avec la
première occurrence du participe-forme, il peut toujours être
suivi d'un emploi actif (ACHEVÉ 1606), être
précédé d'un emploi passif (ACCOURCI
et ACCOURCIE 1573, ACCUSÉ
1549), ou, enfin, constituer le passage de l'emploi actif à l'emploi
passif (ABANDONNÉ 1606). C'est uniquement dans le
dernier cas qu'il est situé d'après sa fonction.
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