2.2.1.4. Formes flexionnelles [124]

Les formes marquées, qui dans les dictionnaires modernes ne constituent des adresses autonomes que quand elles se distinguent sémantiquement de la forme canonique, sont représentées parmi les vedettes et les sous-vedettes du Thresor et du Dictionaire françois-latin, le plus souvent sans acception particulière.

2.2.1.4.1. En vedette

Le classement alphabétique renferme un certain nombre de substantifs pluriels et de formes verbales marquées. Le substantif peut s'employer au singulier et au pluriel et avoir deux signifiés distincts:

ou qui se recoupent: Le pluriel peut masquer le singulier: "ARRIERAGES, Reliqua" (E 1549) est suivi des deux sous-entrées "Demeurer en arrierage, ou en reste, Reliquari // Celuy qui est en reste & arrierage, Reliquator", tandis que, s.v. Arrerage, le singulier ne sert qu'à introduire le pluriel: "Arrerage singul. & arrerages plur. m.penac. Sont restats ... Reliqua" (N 1606). Le singulier peut ne pas être nominal: ou peut ne pas s'employer: Pour ce qui est du verbe, on rencontre des formes de l'indicatif: ainsi que des formes participiales: ARS, AYANT, BATANT, GISANT. [128]

Mentionnons, enfin, un type de "flexion préfixale" [129] formée a l'aide du mot tres:

Suivent 47 vedettes (vedettes et fausses sous-vedettes typographiques) commençant par TRES- (superlatif): TRESACERTES, TRESBIEN, TRESCHER, etc.

2.2.1.4.2. En sous-vedette

Le féminin de l'adjectif est parfois donné en sous-vedette à la suite du masculin:

ou en fausse vedette: Les pronoms et déterminatifs, lorsqu'ils sont donnés dans la nomenclature, sont souvent regroupés pour un traitement d'ensemble, explicitement comparatif chez Nicot. CELLE-LA et CEUX sont donnés en début d'alinéa s.v. Celuy; CETE, CETE CI, CETE LA, CETUY, CESTUY CY, CESTUY LA, CESTE...LA, CESTUY-CI, CESTUY-LA sont tous en début d'alinéa s.v. Cet, la plupart suivis d'une marque métalinguistique et ayant donc le statut de sous-vedette plutôt que celui de simple forme flexionnelle. Un item polymorphe peut être classé soit comme sous-vedette (CELLE-LA s.v. Celuy) soit dans l'ordre alphabétique (CELLE). L'habitude de Nicot de construire des articles développés a pour résultat d'y engager bon nombre de termes subordonnés qui, de ce fait, sont perdus pour le classement dérivationnel. Si, dans le cas des mots outils polymorphes, on considère les différents termes d'un paradigme comme autant de formes flexionnelles, on peut admettre que SA (s.v. Son) et DE L' (s.v. Du), par exemple, appartiennent à la nomenclature. Parfois, un terme est à chercher à deux endroits differents: LE (s.v. La) et TOY (s.v. Moy) sont donnés également dans l'ordre alphabétique; CETTE / CETE est donné s.v. Ce et Cet. Cependant, au niveau du classement dérivationnel, ce sont les formes participiales qui sont données en assez grand nombre depuis la première édition du dictionnaire. En effet, E 1539 les annonce dans l'en-tête aussi bien que par la typographie dans le corps du macro-article: Parfois le seul en-tête leur donne statut de sous-vedette (ABBREVÉ, ACCOMPAIGNÉ, ACCOURCI, ANIMÉ) ou, au contraire, la seule typographie (ACCORDANT, ACCOUSTRÉ, AFFOIBLI, ASSEMBLÉ en saillie; ACCOSTÉ signalé d'un pied-de-mouche). La suppression, dans E 1549, des en-têtes, suivie de celle, dans T 1564, des distinctions typographiques a pour résultat de faire perdre à un certain nombre de participes leur statut d'unité de traitement. Ainsi, ACCOURCI n'est plus sous-vedette dans E 1549; en revanche, en plaçant la sous-entrée "Tout abbreué ..." en saillie, Estienne compense en 1549 la perte de l'en-tête ABBREVÉ. Dans le macro-article, la première occurrence du participe-sous-vedette est ou autonyme ("Abandonné, Desertus", "Absouls, Absolutus", etc.) ou engagée dans un item autonyme plus large (les exemples d'emploi: ABBREVÉ dans "La terre n'est point abbreuee de pluyes, ou mouillee ...", ACCABLÉ dans "Estre accablé de quelque chose qui chet sur nous ...", etc.). Dans le premier cas, la perte, dans T 1564, des distinctions typographiques n'entraîne pas celle du statut de sous-vedette; en revanche, dans le second cas, rien ne distingue ces items des sous-entrées de la forme canonique, et, de la sorte, le participe devient un simple exemple d'emploi de celle-ci. Ainsi, sont exclus de la nomenclature dérivationnelle de T 1564, entre autres, les participes suivants: abbrevé, accablé, accompli, accosté, affermi, etc. Abbrevé, accompli, accosté et affermi le seront encore en 1606. Cependant, ND 1573 et N 1606, en extrayant bon nombre de vedettes et de sous-vedettes des sous-entrées dans lesquelles elles se trouvaient imbriquées, refont de plusieurs participes des unités de traitement et en créent d'autres nouvelles, surtout les féminins; ainsi, on trouve dans le Thresor: "Accablé, m.acut. Obrutus // Accablée, f.penac.", etc.

2.2.1.5. Situation et statut dans le texte

La suppression, dans E 1549, des en-têtes de E 1539 [130] compromet dans une certaine mesure la consultabilité du dictionnaire, et du point de vue de l'accès aux articles et de celui des informations que l'on peut en dégager.

2.2.1.5.1. Situation

Trois cas peuvent se présenter:

a) l'en-tête de E 1539 disparaît à l'exception de l'entrée-vedette, qui est imprimée en grands romains et placée devant la première sous-entrée:

b) on garde la vedette de l'en-tête et on la fait suivre d'un commentaire étymologique: c) l'en-tête disparaît complètement et la première occurrence du mot-vedette est imprimée en grands romains:

C'est le dernier cas ("Vng homme Lay") qui nuit à la consultation de la nomenclature, puisque la vedette n'est plus en début de ligne. Ce type se rencontre 99 fois pour les 1269 vedettes typographiques des lettres A, B, La et Ta de E 1549. T 1564 ajoute un certain nombre d'exemples (pour un total de 131 sur 1689 vedettes typographiques), tandis que ND 1573 (109 sur 1745) et N 1606 (87 sur 1822) en suppriment quelques-uns. L'antécédent [
131] est le plus souvent un déterminatif: "Vng Lac" (1549), "Le Talon" (1549), "De la Laine" (1549), "nos Antecesseurs" (1564) -- ou un pronom: "s'Annonchalir" (1549), "il Appert" (1549). Un adjectif peut être précédé d'un nom: "Homme Adestre" (1564) -- d'une relative: "Qui est Tard" (1549) -- ou d'un adverbe: "Si Adueillé" (1564). Outre un déterminatif, l'antécédent d'un nom peut être une préposition: "En Bloc" (1564) -- ou une séquence métalinguistique: "Vne herbe qu'on appelle du Laceron" (1549), "Vne beste qu'on appelle Taisson" (1549). Le jeu des caractères romains et italiques et des lettres majuscules et minuscules permet trois types de présentation conformes au système: et deux types non conformes: De la sorte, l'antécédent peut, lorsqu'il est imprimé en caractères romains, faire partie de l'adresse typographique. C'est la pratique la plus fréquente dans E 1549 et T 1564, quoique rare dans ND 1573 et N 1606. Voici un tableau du nombre d'exemples, dans les lettres A, B, La et Ta de chaque édition, des différents types de présentation des entrées-vedettes à antécédent: Lorsque l'antécédent est imprimé en italique, le début de la phrase lexicographique semble être senti comme coïncidant tantôt avec l'antécédent ("Antécédent"), tantôt avec la vedette ("antécédent"). [133]

Les sous-vedettes et les exemples d'emploi, ne bénéficiant pas d'une retention des en-têtes de E 1539, se voient bien plus souvent accompagnés d'un antécédent dans toutes les éditions. Cependant, comme pour les vedettes, N 1606 en ramène parfois la présentation à une forme plus abstraite. Ainsi, dans l'échantillonnage 'ABLT', sur les 44 sous-entrées commençant par un article défini ou indéfini pour lesquelles une réduction serait possible, N 1606 en traite 11 ("L'aage qui de iour en iour s'appesantit ..." > "Aage qui de iour en iour s'appesantit ...", "Vne table faicte en forme de croissant ..." > "TabIe faite en forme de croissant ...", etc.).

2.2.1.5.2. Statut

La vedette fonctionne sur trois plans. Sur celui de l'ordre alphabétique, elle signifie "item de nomenclature", au niveau du classement dérivationnel, elle signifie "chef de famille" et à celui du micro-article, "sujet d'énoncé lexicographique". Dans les trois cas, elle jouit d'un statut d'autonymie et constitue un type. Dans les sous-entrées de son micro-article, elle apparaîtra normalement comme un cas particulier (ex: "Aire // L'aire d'une granche ... // Longues aires es iardins ..." (E 1539)). Dans E 1539, le type est clairement séparé des cas particuliers, [134] mais, dès la suppression, dans la deuxième édition, des en-têtes, la vedette est souvent à la fois item autonyme et typique, et élément de sous-entrée. Lorsque la première sous-entrée du micro-article de E 1539 coïncide avec la vedette, la suppression, dans E 1549, de l'en-tête ne crée pas d'équivoque. Par exemple, quand "Ais // Ais, Asser, Axis" devient "Ais, Asser, Axis", la virgule après AIS sert de marque métalinguistique de séparation. [135] Mais, dans le cas contraire, il y a ambivalence. Par exemple, lorsque "Auantage. Auantagé. // D'auantage, Ad hoc ..." devient "d'Auantage, Ad hoc ...", il faut interpréter la nouvelle présentation comme: a) vedette: AVANTAGE; b) premier exemple d'emploi de AVANTAGE: D'AVANTAGE (suivi plus loin dans l'article de L'AVANTAGE, SON AVANTAGE, etc.). L'énoncé lexicographique explicite serait: "Le mot AVANTAGE s'emploie dans le syntagme d'avantage qui se dit en latin ad hoc". [136] Il reste à mentionner un type de contexte trompeur dans lequel le mot-vedette ne peut guère être considéré comme le sujet autonome de la phrase. Il s'agit des items bilingues retournés du Dictionarium latinogallicum dans lesquels le français sert de métalangue définitionnelle du latin. Ainsi, dans "La Tasche ordinaire que par chasque iour ou doibt faire, Iusta", tasche n'est en fait qu'un élément de définition d'un mot latin. [137]

2.2.1.6. Accidents

Puisque les accidents sont légion (par exemple: la double existence de "Accouteur, m.acut. Auscultator" (N 1606), le classement de ALFONSE sous Alo... (T 1564), le changement, dans ND 1573 s.v. Approprier, de "Approprier à soy ..." en "Approché à soy ...", la disposition en retrait de la vedette DARTRE, etc), contentons-nous d'en signaler les plus graves.

A. Erreurs de classement. Dans N 1606, le texte compris entre "Instrumentum" et "Tradere" s.v. Baillet appartient à l'article BAIL; [138] "Toutesfois ... nouitiorum" s.v. Besant appartient à l'article BERNAGE.

B. Omissions. L'oubli, dans ND 1573, du premier paragraphe de l'article ARROY subordonne "Sans arroy, Nullo ordine" à la vedette ARROUTER. [139] Cependant, une omission bien plus sérieuse est celle, dans T 1564, de tous les items de DISPENSE à DISSIMULER, qui, présents dans E 1539 et E 1549, sont absents non seulement de T 1564 mais encore de ND 1573 et de N 1606.

Il s'agit très probablement de fautes d'imprimerie.

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