Les formes marquées, qui dans les dictionnaires modernes ne constituent des adresses autonomes que quand elles se distinguent sémantiquement de la forme canonique, sont représentées parmi les vedettes et les sous-vedettes du Thresor et du Dictionaire françois-latin, le plus souvent sans acception particulière.
2.2.1.4.1. En vedette
Le classement alphabétique renferme un certain nombre de substantifs
pluriels et de formes verbales marquées. Le substantif peut s'employer
au singulier et au pluriel et avoir deux signifiés distincts:
ARMES. f. & pluriel (ND 1573) [127]
Pour ce qui est du verbe, on rencontre des formes de l'indicatif:
TACHE, penac. Est ores la premiere & tierce
personne du verbe,
Mentionnons, enfin, un type de "flexion préfixale" [129] formée a l'aide du
mot tres:
2.2.1.4.2. En sous-vedette
Le féminin de l'adjectif est parfois donné en sous-vedette
à la suite du masculin:
BON, m. ... //
BRVN, m.adiectif. ... //
2.2.1.5. Situation et statut dans le texte
La suppression, dans E 1549, des en-têtes de E 1539 [130] compromet dans une
certaine mesure la
consultabilité du dictionnaire, et du point de vue de l'accès
aux articles et de celui des informations que l'on peut en dégager.
2.2.1.5.1. Situation
Trois cas peuvent se présenter:
a) l'en-tête de E 1539 disparaît à l'exception de
l'entrée-vedette, qui est imprimée en grands romains et
placée devant la première sous-entrée:
Les sous-vedettes et les exemples d'emploi, ne bénéficiant pas
d'une retention des en-têtes de E 1539, se voient bien plus souvent
accompagnés d'un antécédent dans toutes les
éditions. Cependant, comme pour les vedettes, N 1606 en ramène
parfois la présentation à une forme plus abstraite. Ainsi, dans
l'échantillonnage 'ABLT', sur les 44 sous-entrées
commençant par un article défini ou indéfini pour
lesquelles une réduction serait possible, N 1606 en traite 11
("L'aage qui de iour en iour s'appesantit ..." > "Aage qui de
iour en iour s'appesantit ...", "Vne table faicte en forme de
croissant ..." > "TabIe faite en forme de croissant ...", etc.).
2.2.1.5.2. Statut
La vedette fonctionne sur trois plans. Sur celui de l'ordre
alphabétique, elle signifie "item de nomenclature", au niveau du
classement dérivationnel, elle signifie "chef de famille" et à
celui du micro-article, "sujet d'énoncé lexicographique". Dans
les trois cas, elle jouit d'un statut d'autonymie et constitue un type. Dans
les sous-entrées de son micro-article, elle apparaîtra
normalement comme un cas particulier (ex: "Aire //
L'aire d'une granche ... // Longues aires es iardins ..." (E
1539)). Dans E 1539, le type est clairement séparé des cas
particuliers, [134]
mais, dès la
suppression, dans la deuxième édition, des en-têtes, la
vedette est souvent à la fois item autonyme et typique, et
élément de sous-entrée. Lorsque la première
sous-entrée du micro-article de E 1539 coïncide avec la vedette,
la suppression, dans E 1549, de l'en-tête ne crée pas
d'équivoque. Par exemple, quand "Ais //
Ais, Asser, Axis" devient "Ais, Asser, Axis", la
virgule après AIS sert de marque
métalinguistique de séparation. [135] Mais, dans le cas
contraire, il y a ambivalence. Par
exemple, lorsque "Auantage. Auantagé. //
D'auantage, Ad hoc ..." devient "d'Auantage, Ad
hoc ...", il faut interpréter la nouvelle présentation comme: a)
vedette: AVANTAGE; b) premier exemple d'emploi de AVANTAGE: D'AVANTAGE (suivi plus loin dans
l'article de L'AVANTAGE, SON AVANTAGE, etc.).
L'énoncé lexicographique explicite serait: "Le mot
AVANTAGE s'emploie dans le syntagme d'avantage
qui se dit en latin ad hoc". [136] Il reste
à mentionner un type de contexte trompeur dans lequel le mot-vedette ne
peut guère être considéré comme le sujet autonome
de la phrase. Il s'agit des items bilingues retournés du
Dictionarium latinogallicum dans lesquels le français sert de
métalangue définitionnelle du latin. Ainsi, dans "La
Tasche ordinaire que par chasque iour ou doibt
faire, Iusta", tasche n'est en fait qu'un élément de
définition d'un mot latin. [137]
2.2.1.6. Accidents
Puisque les accidents sont légion (par exemple: la double existence de
"Accouteur, m.acut. Auscultator" (N 1606), le classement de ALFONSE sous Alo... (T 1564), le changement, dans ND 1573 s.v.
Approprier, de "Approprier à soy ..." en "Approché
à soy ...", la disposition en retrait de la vedette DARTRE, etc), contentons-nous d'en signaler les plus graves.
A. Erreurs de classement. Dans N 1606, le texte compris entre "Instrumentum"
et "Tradere" s.v. Baillet appartient à l'article BAIL; [138] "Toutesfois ...
nouitiorum" s.v. Besant appartient à l'article BERNAGE.
B. Omissions. L'oubli, dans ND 1573, du premier paragraphe de l'article ARROY subordonne "Sans arroy, Nullo ordine" à la
vedette ARROUTER. [139]
Cependant, une omission bien plus sérieuse est celle, dans T 1564, de
tous les items de DISPENSE à DISSIMULER, qui, présents dans E 1539 et E 1549, sont
absents non seulement de T 1564 mais encore de ND 1573 et de N 1606.
Il s'agit très probablement de fautes d'imprimerie.
[Suite] -- [Table des matières]
BARRE, f.pen. Est en general vne piece de bois
//
ou qui se recoupent:
BARRES, en pluriel se prend ores pour exceptions
& defenses ...
se prend aussi pour l'endroit de la maschoire du
cheual où ... (N 1606)
La fin de quelque chose que ce soit, Meta, Finis,
Le pluriel peut masquer le singulier: "ARRIERAGES, Reliqua" (E 1549) est suivi des deux
sous-entrées "Demeurer en arrierage, ou en reste, Reliquari //
Celuy qui est en reste & arrierage, Reliquator", tandis que, s.v.
Arrerage, le singulier ne sert qu'à introduire le pluriel:
"Arrerage singul. & arrerages plur. m.penac. Sont restats
... Reliqua" (N 1606). Le singulier peut ne pas être nominal:
Terminus //
Fins & limites, Regiones, Fines (E 1539 s.v. Fin
et Fins) [125]
ARS, m. En singulier est particip. qui est
fait du verbe
ou peut ne pas s'employer:
Ardre
... Et en pluriel, les Ars signifie les
espaules
d'vne beste cheualine (N 1606)
Archifs [fausse sous-vedette [126]],
m.acut. En pluriel (car
ne se trouue vsité au nombre singulier) est
... (N 1606)
ARS ... aussi est verbe ... & est la
seconde
personne du present de l'indicatif
(N 1606) IRA, IRAY, cerchez Aller //
Il n'en ira ... pas ainsi ... //
Ie m'en iray d'auec toy ... (E 1539)
duquel l'infinitif est Tacher
(N 1606 -- cf. TASCHE)
ainsi que des formes participiales: ARS, AYANT, BATANT,
GISANT. [128]
TRES, Est vne partie indeclinable, laquelle
ores est preposee
Suivent 47 vedettes (vedettes et fausses sous-vedettes typographiques)
commençant par TRES- (superlatif): TRESACERTES, TRESBIEN, TRESCHER, etc.
au positif, forme le degré superlatif, n'ayants
les François
Doctior, & Tres pour
le superlatif,
les terminaisons comparatiues & superlatiues ainsi que les
Grecs, Latins,
Italiens & Espagnols: ains preposent au positif ceste diction
indeclinable,
plus pour le comparatif, plus docte,
tresdocte, Doctissimus (N 1606)
AAGÉ, m.acut.adiectif ... //
Aagée, f.adiectif.penac. Est vsurpé és
mesmes
significations que Aagé, masculin adiectif
... (N 1606)
Bonne, f.penac. Se prend és mesmes deux
sortes que Bon
... (N 1606)
ou en fausse vedette:
BLAFFART, m.acut. Qu'on deuroit escrire
Blasphard ...
Les pronoms et déterminatifs, lorsqu'ils sont donnés dans la
nomenclature, sont souvent regroupés pour un traitement d'ensemble,
explicitement comparatif chez Nicot. CELLE-LA et CEUX sont donnés en début d'alinéa s.v.
Celuy; CETE, CETE CI, CETE LA, CETUY, CESTUY CY, CESTUY LA,
CESTE...LA, CESTUY-CI, CESTUY-LA sont tous en début
d'alinéa s.v. Cet, la plupart suivis d'une marque
métalinguistique et ayant donc le statut de sous-vedette plutôt
que celui de simple forme flexionnelle. Un item polymorphe peut être
classé soit comme sous-vedette (CELLE-LA s.v.
Celuy) soit dans l'ordre alphabétique (CELLE).
L'habitude de Nicot de construire des articles développés a pour
résultat d'y engager bon nombre de termes subordonnés qui, de ce
fait, sont perdus pour le classement dérivationnel. Si, dans le cas des
mots outils polymorphes, on considère les différents termes d'un
paradigme comme autant de formes flexionnelles, on peut admettre que SA (s.v. Son) et DE L' (s.v. Du), par
exemple, appartiennent à la nomenclature. Parfois, un terme est
à chercher à deux endroits differents: LE
(s.v. La) et TOY (s.v. Moy) sont donnés
également dans l'ordre alphabétique; CETTE / CETE est donné s.v. Ce et
Cet. Cependant, au
niveau du classement dérivationnel, ce sont les formes participiales
qui sont données en assez grand nombre depuis la première
édition du dictionnaire. En effet, E 1539 les annonce dans
l'en-tête aussi bien que par la typographie dans le corps du
macro-article:
BLAPHARDE, f.penacut. ... (N 1606)
BRVNE, f.penac. Tantost est adiectif ...
//
BRVNETTE, f.penac. Tantost est adiectif ...
(N 1606 -- de 1549 à 1573 BRUNETTE est
correctement
imprimé, de même que BRUNE en
1573)
Parfois le seul en-tête leur donne statut de sous-vedette (ABBREVÉ, ACCOMPAIGNÉ, ACCOURCI, ANIMÉ) ou,
au contraire, la seule typographie (ACCORDANT, ACCOUSTRÉ,
AFFOIBLI, ASSEMBLÉ en saillie; ACCOSTÉ signalé d'un pied-de-mouche). La
suppression, dans E 1549, des en-têtes, suivie de celle, dans T 1564,
des distinctions typographiques a pour résultat de faire perdre
à un certain nombre de participes leur statut d'unité de
traitement. Ainsi, ACCOURCI n'est plus sous-vedette dans
E 1549; en revanche, en plaçant la sous-entrée "Tout
abbreué ..." en saillie, Estienne compense en 1549 la perte de
l'en-tête ABBREVÉ. Dans le macro-article, la
première occurrence du participe-sous-vedette est ou autonyme
("Abandonné, Desertus", "Absouls, Absolutus", etc.) ou
engagée dans un item autonyme plus large (les exemples d'emploi: ABBREVÉ dans "La terre n'est point abbreuee de
pluyes, ou mouillee ...", ACCABLÉ dans
"Estre accablé de quelque chose qui chet sur nous ...", etc.).
Dans le premier cas, la perte, dans T 1564, des distinctions typographiques
n'entraîne pas celle du statut de sous-vedette; en revanche, dans le
second cas, rien ne distingue ces items des sous-entrées de la forme
canonique, et, de la sorte, le participe devient un simple exemple d'emploi de
celle-ci. Ainsi, sont exclus de la nomenclature dérivationnelle de T
1564, entre autres, les participes suivants: abbrevé,
accablé, accompli, accosté, affermi,
etc. Abbrevé, accompli, accosté et
affermi le seront encore en 1606. Cependant, ND 1573 et N 1606, en
extrayant bon nombre de vedettes et de sous-vedettes des sous-entrées
dans lesquelles elles se trouvaient imbriquées, refont de plusieurs
participes des unités de traitement et en créent d'autres
nouvelles, surtout les féminins; ainsi, on trouve dans le
Thresor: "Accablé, m.acut. Obrutus //
Accablée, f.penac.", etc.
Abbaisser, Deprimere ...
ABBAISSER. ABBAISSE.
ABBAISSEMENT.
Abbaisser, & fouler ...
Abbaissé, Deiectus ...
Abbaissement de ...
Abbaissement de ...
b) on garde la vedette de l'en-tête et on la fait suivre d'un
commentaire étymologique:
Bride.
Brider.
Vne bride, ou la reine d'une bride ...> Bride. Vne bride ou la
reine d'une bride ...
c) l'en-tête disparaît complètement et la première
occurrence du mot-vedette est imprimée en grands romains:
Abbaisser.
Abbaissé. Abbaissement.
Abbaisser, Deprimere, Recellere. > Abbaisser. Semble que
Bas uienne de ce mot Grec ...
Abbaisser, Deprimere, Recellere, Demittere ...
Aborder.
Abordement.
Aborder, Appellere.> Aborder, Appellere, Applicare
Accabler.
Accablé.
Accabler quelcun, Opprimere aliquem.> Accabler quelqu'ung, Opprimere
aliquem, Obruere.
C'est le dernier cas ("Vng homme Lay") qui nuit
à la consultation de la nomenclature, puisque la vedette n'est plus en
début de ligne. Ce type se rencontre 99 fois pour les 1269 vedettes
typographiques des lettres A, B, La et Ta de E 1549. T 1564 ajoute un certain
nombre d'exemples (pour un total de 131 sur 1689 vedettes typographiques),
tandis que ND 1573 (109 sur 1745) et N 1606 (87 sur 1822) en suppriment
quelques-uns. L'antécédent [131] est
le plus souvent un déterminatif: "Vng Lac"
(1549), "Le Talon" (1549), "De la Laine" (1549), "nos Antecesseurs"
(1564) -- ou un pronom: "s'Annonchalir" (1549), "il Appert" (1549). Un adjectif peut être
précédé d'un nom: "Homme Adestre" (1564) -- d'une relative: "Qui est Tard" (1549) -- ou d'un adverbe: "Si Adueillé" (1564). Outre un déterminatif,
l'antécédent d'un nom peut être une préposition:
"En Bloc" (1564) -- ou une séquence
métalinguistique: "Vne herbe qu'on appelle du Laceron" (1549), "Vne beste qu'on appelle Taisson" (1549).
Le jeu des caractères romains et italiques et des lettres majuscules et
minuscules permet trois types de présentation conformes au
système:
Lay.
Vng homme lay qui n'ha nul degré de clericature,
Laicus, Profanus.> Vng homme Lay qui n'ha nul
degré de clericature,
Laicus, Profanus.
et deux types non conformes:
a) antécédent Vedette ex:
l'Astour (en 1549) b) Antécédent Vedette
ex: Vng Laquay (en 1549) c) antécédent Vedette
ex: vn Animal (en 1564)
De la sorte, l'antécédent peut, lorsqu'il est imprimé en
caractères romains, faire partie de l'adresse typographique. C'est la
pratique la plus fréquente dans E 1549 et T 1564, quoique rare dans ND
1573 et N 1606. Voici un tableau du nombre d'exemples, dans les lettres A, B,
La et Ta de chaque édition, des différents types de
présentation des entrées-vedettes à
antécédent:
d) Antécédent vedette ex:
Les alpes (en 1549 et 1564) e) Antécédent Vedette ex:
Vn Buffet (en 1564)
Lorsque l'antécédent est imprimé en italique, le
début de la phrase lexicographique semble être senti comme
coïncidant tantôt avec l'antécédent
("Antécédent"), tantôt avec la vedette
("antécédent"). [133]
Type E 1549 T 1564 ND 1573 N
1606 a) 55 62 8
8 b) 38 52 43 59
c) 0 13 56 17
d) & e) 2 4 2
3 [132] Total 95 131 109 87