2. L'apport des éditions

L'identité et la filiation des différentes éditions du GDFL ayant été établies dans le premier chapitre, nous tournons maintenant au texte du dictionnaire pour y examiner en détail, par rapport aux annonces des pièces liminaires [1], l'apport de chaque édition.

2.1. Stoer

2.1.1. Stoer 1593

Il y aurait en tout deux alinéas nouveaux d'ajoutés au texte de 1573 et une augmentation de deux autres : emploi métaphorique s.v. Enchevestrer, addition à la nomenclature de galbe « Pourpoinct » et marquisat (plus long commentaire étymologique), discussion d'équivalents/étymons grecs, turcs et « Orientaux » s.v. Trucheman [2].

2.1.2. Stoer 1599

2.1.2.1. Archaïsmes

Il y a, dans tout le texte du dictionnaire de 1599, 138 occurrences de la croix renversée [3]. Certains des mots ainsi marqués sont qualifiés par Stoer de vieux :

Pour d'autres, Stoer propose des synonymes de remplacement :

Les synonymes plus usuels peuvent avoir été déjà donnés par Nicot-Dupuys 1573 :

Nicot-Dupuys 1573 a pu trouver le mot marqué dans un vieux texte :

Le statut archaïque d'un mot est très souvent indiqué par la seule croix renversée : adenerer, guever, tempremeure, etc. Dans trois cas, l'addition d'une définition non marquée donne au mot une apparence synchronique :

Une autre marque – non signalée dans la préface – qui indiquerait aussi des archaïsmes est l'astérisque ; il y en a 17 dans Stoer 1599, tous vers le début du dictionnaire (14 sous la lettre A, trois sous C) [6]. Par exemple :

Stoer 1603 ajoute au texte 18 croix renversées, Stoer 1606 encore sept autres. L'addition éventuelle, par Stoer 1606 surtout, de la prononciation du mot donne à celui-ci, comme dans le cas d'une définition non marquée (voir ci-dessus), une apparence partiellement synchronique : ribauld (la croix renversée et la prononciation sont de 1606), accort (la croix renversée est de 1599, la prononciation de 1606).

Les items qualifiés par Stoer 1599 d'archaïsmes ne sont pas tous signalés par un signe liminaire. Par exemple :

2.1.2.2. Ajouts français

Une croix se trouve préfacer 180 items dans Stoer 1599 (plus encore deux autres dans Stoer 1603 et 13 dans Stoer 1606). La nature d'un ajout est souvent différente de ce que Stoer donne à entendre dans la préface ; outre un mot (avec sa signification) :

nous trouvons une acception seule :

ou une définition seule :

un exemple d'emploi :

une locution proverbiale :

un ou plusieurs synonymes :

voire un item bilingue donné en fonction du latin (le mot-adresse manque à la séquence française) :

L'addition au dictionnaire d'éléments concernant le français – mots, acceptions, définitions, exemples, remarques d'usage, prononciations, étymologies, etc. – dépasse en fait de beaucoup le nombre de signes marqueurs (croix, croix renversées ou astérisques) : près de 700 alinéas ou compléments d'alinéas sont ajoutés sans signalement ; la grande majorité de ces ajouts concerne au premier chef le français. La typologie en est faite plus loin [7].

2.1.2.3. Ajouts latins

Presque 600 alinéas sont préfacés dans Stoer 1599 d'un trait double. Dans la très grande majorité des cas, un ou plusieurs équivalents latins viennent effectivement compléter un item qui n'en avait pas ; le latin s'ajoute, dans un petit nombre de cas, à une équivalence latine héritée de Nicot-Dupuys 1573. Pour une vingtaine d'occurrences du trait double, enfin, aucun équivalent latin n'est ajouté ; il s'agit plutôt, pour certaines de ces dernières occurrences, de l'ajout d'une définition ou d'un synonyme, par exemple :

Ni Stoer 1603, ni Stoer 1606 n'ajoute d'autres traits doubles ; les deux, ainsi que Stoer 1599, mettent beaucoup d'équivalents latins sans les marquer.

2.1.2.4. Latinismes

Il s'agit de signifiants et non de signifiés. Stoer propose de remplacer nombre de latinismes par des mots de bonne souche française ; par exemple :

Le travail d'épuration se poursuit en 1603 et 1606 [8].

2.1.2.5. Noms de lieu

Cet appendice, intitulé « LES NOMS DES PEVPLES, REGIONS, VILLES, MERS, MONTAIGNES, Riuieres, & autres lieux disposez par ordre Alphabetique auec leur interpretation en Latin », occupe quinze pages. Stoer distingue ainsi entre le dictionnaire de mots et le dictionnaire de choses en regroupant à part les noms propres qui étaient dans le corps du dictionnaire de Dupuys-Nicot. La séparation n'est pas totale, cependant, quelques noms se trouvant dans les deux nomenclatures : Aca et Acarnanie, par exemple, quoique l'article du second, comme bien d'autres, soit remanié dans l'appendice.

2.1.3. Stoer 1603

2.1.3.1. Ajouts français

Stoer 1603 offre à peu près la même variété de types d'ajouts que Stoer 1599, mais les additions sont plus de deux fois moins nombreuses que dans l'édition précédente [9].

2.1.3.2. Ajouts latins

Stoer poursuit la tâche de fournir des équivalents latins pour les items de Dupuys-Nicot 1573 qui en manquaient, ou même d'en ajouter à des alinéas qui en avaient déjà.

2.1.3.3. Essai de proverbes

Ce recueil anonyme de 30 pages est préfacé vraisemblablement par Stoer – l'auteur probable – qui prie le lecteur d' « Accepte[r] ce petit essay ou eschantillon de Prouerbes françois [...] qui vous fera voir beaucoup de richesses de nostre langue Françoise, abondante en courtes sentences morales, & neantmoins communes entre le menu peuple, de la bouche duquel tout ce qui sensuit est recueilli ». Les proverbes sont accompagnés d'une explication morale [10] ; le premier servira d'exemple :

2.1.4. Stoer 1606

2.1.4.1. Ajouts

En effet, les ajouts sont relativement nombreux : presque autant que dans Stoer 1599 [11].

2.1.4.2. Essai de proverbes

Le nombre de pages en est porté de 30 à 46. Dans l'avis au lecteur, Stoer dit que « Ceste deuxiesme edition d'Essay de Prouerbes est augmentée de beaucoup » – ainsi, à l'article ABAYER [12] sont joints les dictons Laissez le abayer, en fin il se taira, Ne iettez pierre à chien qui abaye, Abayer & blesser sont deux, Chien qui abbaye ne mord pas, L'Aboy du mesdisant, à lui seul est nuisant mais que « Nous auons expressément obmis les prouerbes peu honnestes & qui doyuent estre enseuelis en perpetuelle oubliance » : Stoer, puriste à l'égard de la langue [13], l'est aussi envers les concepts.

2.1.5. L'apport de Stoer : 1593-1599-1603-1606

2.1.5.1. Mesure quantitative [14]

2.1.5.2. Types d'informations

Les types les plus fréquents sont : synonymes (plus de 600), prononciations (près de 600), définitions (plus de 200), exemples (près de 200), variantes et remarques d'usage (plus de 100 chacune).

2.1.5.2.1. Nomenclature, domaines lexicaux

Sous la lettre B, sont ajoutées les adresses et sous-adresses suivantes :

Stoer, vraisemblablement compilateur d'un lexique de termes juridiques [17], ajoute, presque exclusivement dans l'édition de 1606 [18], plusieurs dizaines de vocables et d'expressions relevant du droit :

Le genevois Stoer s'intéresse aussi à la religion :

Mentionnons aussi le traitement des termes de mesure lieuë (1606), livre, philippe daller, pistolet, sextier, tournois (tous 1599) [20] et l'addition par S 1606, malgré l'existence depuis S 1599 d'un appendice de noms propres [21], de 35 noms de golfes (s.v. Golfe) et de 38 noms de lacs (s.v. Lac).

2.1.5.2.2. Variantes

Sous la lettre S, sont ajoutées les variantes suivantes :

Sous B :

Une variante peut être donnée comme offrant un choix :

ou – implicitement ou explicitement – comme étant la forme qui doit être préférée à la forme-adresse :

2.1.5.2.3. Prononciation et orthographe

Stoer s'occupe progressivement de plus en plus de la prononciation des mots : S 1603 donne plus de deux fois plus de prononciations que S 1599, S 1606 presque trois fois plus que S 1603.

L'information est largement codifiée. D'une part, la copule prononcez est très souvent abrégée et, en même temps, il y a alternance typographique romain/italique :

Dans S 1606, il y a un effort de donner une valeur absolue au type de caractère : sur les 445 occurrences des formes abrégées p./pr./pro./pron./pronon., la copule est imprimée en italique et la transcription phonétique en romain 354 fois. Ce travail de révision comprend donc des cas d'inversion de l'alternance de S 1603 :

D'autre part, Stoer peut, dans le premier article d'une série dont les adresses partagent un même trait, énoncer une règle globale :

Certaines de ces remarques dépassent le cadre des cas particuliers pour s'appliquer au système de la langue (voir APPAISER ci-dessus) :

Stoer consacre plusieurs commentaires à l'euphonie de la langue :

Stoer porte son attention sur les lettres et sons individuels, la syllabe, les oppositions de genre et de nombre, la prononciation dans le temps, l'espace et la fréquence d'usage, et la motivation :

La copule « prononcez » a parfois un tout autre sens, signifiant alors « dites » et introduisant un ou plusieurs synonymes de remplacement :

Du fait que, dans le dictionnaire imprimé, les mots sont signifiés par leur forme graphique (donc non marquée), l'information sur l'orthographe n'a pas besoin, la plupart du temps, d'une copule explicite. Plusieurs cas de figure s'offrent au lexicographe (nous reprenons ici, sous une forme plus analytique, la section précédente consacrée aux variantes) :

Comme c'est le cas de plusieurs exemples cités ci-dessus à propos de la prononciation, les formes orale et écrite peuvent aller de pair :

2.1.5.2.4. Ordonnateurs sémantiques

Stoer utilise un certain nombre d'ordonnateurs sémantiques :

2.1.5.2.5. Définitions, dénominations, équivalents

Pour définir le sens de mots pour lesquels Nicot-Dupuys 1573 n'avait par fourni de paraphrase définitoire, Stoer, dont la plupart des définitions ajoutées remontent à 1599, emploie différents procédés standards :

La dénomination (Sé -> Sa), démarche inverse de la définition (Sa -> Sé) et caractéristique du dictionnaire analogique, est bien représentée chez Stoer :

Plusieurs articles font état des espèces d'un genre :

Dans ce Grand Dictionaire françois-latin, le latin est une langue de traduction non marquée, sauf exception ; il est marqué lorsqu'il est qualifié de moderne : « qui tient l'estrief, que les modernes Latins nomment Stapho » S 1603 s.v. Estafier. Stoer donne aussi un certain nombre d'équivalents dans des langues autres que le latin. Comme il se plaît à discourir d'étymologie et de cognates, tantôt antérieurs au français, tantôt contemporains du mot-adresse, ces équivalents sont explicatifs plus qu'ils ne sont traductifs :

2.1.5.2.6. Synonymes et antonymes

Une grande partie du travail de révision effectué par Stoer est consacrée à la mise à jour du lexique. Puisque, comme chez tous les réviseurs du Dictionaire françois-latin et du GDFL, la nomenclature de l'édition précédente est gardée plus ou moins en entier, ce renouvellement, qui touche plusieurs centaines de mots – et nous ne parlons pas ici de l'augmentation de la nomenclature –, se fait essentiellement par l'adjonction de synonymes aux mots-adresses. Dans certains cas, il s'agirait bien de synonymie synchronique ; pour un très grand nombre d'occurrences pourtant, le mot-adresse est considéré comme vieilli ou vieux et les mots adjoints constituent des synonymes de remplacement [30]. En l'absence d'un commentaire de la part du lexicographe – usez de, croix renversée, etc. –, il est souvent difficile de classer les cas particuliers. Plusieurs exemples de mise en synonymie ayant déjà été donnés [31], nous offrons ci-dessous une sélection d'items dans lesquels Stoer marque une restriction d'usage concernant le volume d'usagers, le registre, le temps ou le champ d'application.

L'antonymie est très peu traitée par Stoer. Les exemples suivants sont les seuls que nous avons trouvés. D'une part, il y a les vrais antonymes d'opposites :

D'autre part, les antonymes de différence :

2.1.5.2.7. Syntagmes

Les syntagmes – sous-adresses, tours de construction et exemples –, ajoutés en majeure partie par S 1599, concernent normalement le mot (syntagmes lexicalisés ou semi-lexicalisés), mais peuvent exceptionnellement illustrer la chose (exemples encyclopédiques) :

a) syntagmes (semi-)lexicalisés (dont syntagmes figés, proverbes et locutions) :

b) exemples encyclopédiques :

2.1.5.2.8. Remarques d'usage

Stoer fait plus d'une centaine de remarques au sujet de l'usage des mots. Elles concernent le niveau de langue ou niveau social (poétique, familier, commun, vulgaire), le domaine d'application, la distribution sociale (sexe) ou géographique, l'utilisation dans le temps, la fréquence, l'idiomaticité, la connotation et la situation d'emploi.

1. Mots poétiques :

2. Usage commun, familier, vulgaire :

3. Marque d'usage populaire doublée d'un commentaire sur la distribution géographique :

4. Sexe du locuteur :

5. Régionalismes/dialectalismes [37] :

6. Domaine :

a) religion :

b) profane :

c) scholastique :

d) physique, astrologie :

7. Utilisation dans le temps :

a) présent :

b) passé :

c) passé opposé au présent :

8. Fréquence :

9. Idiomaticité :

10. Connotation ou situation d'emploi :

2.1.5.2.9. Étymologies

Nous avons trouvé plus de soixante discussions étymologiques, dont la plupart sont le fait de S 1599 ou S 1606. Les langues sources comprennent :

L'étymologie peut concerner :

La plupart des étymologies offertes par l'édition de Stoer sont empruntées. La clé du statut d'emprunt est donnée le plus souvent par des connecteurs tels que « aucuns disent que », « on estime que », etc. Par exemple :

Lorsque le commentaire de Stoer vient s'ajouter à une discussion héritée du Dictionaire françois-latin, le désaccord des hypothèses étymologiques peut être plus prononcé :

2.1.5.3. Sources

2.1.5.3.1. Typologie

S 1593, dont les quatre ajouts concernent des termes historiques, cite Nicétas à propos du mot grec , Pausanias sur le celtique marcisia, Sabinus au sujet de marchiae et Suétone sur le mot galba.

S 1599 s'intéresse tout particulièrement aux auteurs latins classiques, faisant appel à Cicéron, Horace, Ovide, Plaute, Sénèque, Térence, Tite-Live et Virgile, pour des items latins dont la traduction française constitue l'entrée ; ex. : « Qui s'entend bien à cognoistre ce qui est beau & ce qui ne l'est pas : Elegans formarum spectator. Terent. » s.v. Beau. La séquence phraséologique latine peut aussi précéder le français : « Farci de morceaux, Frustulentus Si aqua frustulenta est, da obsecro : hercle absorbeam : Si la soupe est grasse & bien garnie, donne m'en : ie la humerai. Plaut. » s.v. Morceau = 1) séquence-exemple français, 2) équivalent-dénomination latin, 3) exemple signé du mot latin, 4) traduction française de l'exemple latin. Les auteurs latins sont aussi sources d'informations encyclopédiques :

Stoer a recours aux modernes, soit comme témoins d'informations historiques – Du Haillan sur le roi des ribauds (s.v. Ribauld), Vigenere sur les machines de guerre (s.v. Bricoles) –, soit comme modèles d'usages linguistiques :

S 1603 ne cite qu'une source, Joinville, en tant qu'individu porteur du titre de « Sire » au sens de « seigneur » (s.v. Sire).

Les sources nommées de S 1606 sont plus résolument historiques. Tout comme le Thresor de la langue françoyse, tant ancienne que moderne de Nicot, paru la même année, cette édition s'intéresse aux origines du français. L'ancien français angarier (lat. angariare) est attesté chez S. Matthieu, arramir/adrhamir et ban chez Charlemagne ; les formes latines balationes (s.v. Bal), cogciones (s.v. Coquin), muffulae (s.v. Moufles), et pagenses (s.v. Paisan) chez Charlemagne toujours, bannus (s.v. Ban) chez Grégoire de Tours. Pasquier est cité pour l'étymologie de tintamarre. Dans un long commentaire étymologique sur pape, sont proposés comme autorités Arianus et Hérodote sur l'usage du grec sicilien , SS. Cyprien, Ambroise, Jérôme et Augustin sur celui du latin papa, Codinus l'emploi du grec . De nouveau Du Haillan est rapporteur d'une information encyclopédique – les fonctions du Grand Queux de France (s.v. Queux) –, Du Bartas atteste une coutume perse (s.v. Royne). Ce dernier autorise également l'usage en synchronie de sepulchral et de serener la tempeste (s.v. Serener).

La principale source des ajouts de S 1606 n'est pas une seule fois désignée pourtant. Il s'agit de François Ragueau, à qui l'on doit un Indice des droicts roiaux et seigneuriaux (1e éd., 1583 ; 2e éd., 1600 [48]), qui devint par la suite le Glossaire du droit françois. La confrontation du texte de Stoer avec l'édition Laurière du Glossaire [49] révèle que Stoer aurait emprunté à Ragueau un nombre assez considérable d'items et de commentaires, soit en les recopiant textuellement, soit en les remaniant ou résumant. Qu'on en juge :

Bon nombre de sources à fonction encyclopédique mentionnées par S 1606 le sont donc par l'intermédiaire non avoué de Ragueau [50].

Stoer fait plusieurs fois des synthèses qui lui font nommer des sources génériques :

2.1.5.3.2. Bibliographie [52]

Nombre d'auteurs/textes : 70
Nombre de mentions total : 124

1. /ambroise/ (S 1606 : 1)
« S. Ambroise » ; = IVe s. ; BN : AMBROISE (Saint)

2. /amiot/ (S 1599 : 2)
« Amiot en Plutarque » (1) ; = humaniste français, XVIe s. ; BN : PLUTARQUE : Opuscula Plutarchi ; trad. en fr. : Les OEuvres morales et meslées de Plutarque, translatées du grec en françois, par Messire Jacques Amyot, 1572 + 1574, 1575, 1579, 1587, etc.

3. /arianus/ (S 1606 : 1)
BN : ARIANUS (Candidus) : De generatione divina, 1540

4. /augustin/ (S 1606 : 1)
« S. Augustin » ; = IVe-Ve s. ; BN : AUGUSTIN (Saint)

5. /bartas/ (S 1599 : 1 ; S 1606 : 3)
« Du Bartas au 7, liu. de sa seconde semaine » (S 1606 : 1) ; = poète français, XVIe s. ; BN : DU BARTAS (Guillaume de Saluste, seigneur) : La Sepmaine, ou Creation du monde, 1578 + 1582, 1584, 1589, 1593, etc.

6. /cesar/caesar/ (S 1606 : 2 (dont 1 = Ragueau))
« commencement du 7. liu. des Commentaires de Caesar de la guerre des Gaules » (1) ; = Ier s. av. J.-C. ; BN : CÉSAR (Caius Julius Caesar) : De bello gallico

7. /charlemagne/caroli/ (S 1606 : 7 (dont 1 = Ragueau))
« Capitulaires », « ordonnances » ; = VIIIe-IXe s. ; BM : GERMANY, Charles I, Emperor : Praecipuae Constitutiones Caroli Magni [...] a Lothario Nepote [...] collectae, 1545 ; LOMBARDS : Leges Longobardorum seu capitulare diui ac sacratissimi Caroli magni imperatoris, 1512 + 1537

8. /ciceron/cic/ (S 1599 : 10 ; S 1606=Ragueau : 1)
« en sa 2. Philipp. » (S 1606) ; = Ier s. av. J.-C. ; BN : CICÉRON (Marcus Tullius Cicero) : Philippicae orationes in M. Antonium

9. /col/ (S 1599 : 1)
= agronome latin, Ier s. ; BN : COLUMELLE (Lucius Junius Moderatus)

10. /curopalates/ (S 1606 : 1)
« Curopalates [...] Catalogue des charges ou offices de l'Empire, & de la grande Eglise de Constantinople » ; = CODIN ou CODINUS (Georges), curopalate ou maître du palais à la cour des derniers empereurs de Constantinople, XVe s. ; BN : CODINUS (Georgius) : Sapientissime curopalatae (Georgii Codini), de officialibus palatii Constantinopolitani et officiis magnae ecclesiae libellus, graece et latine, 1588, 1596

11. /cyprian/ (S 1606 : 1)
« S. Cyprian » ; = évêque, IIIe s. ; BN : CYPRIEN (Saint), de Carthage

12. /gregorius/ (S 1606 : 1)
« Gregorius Turonens. » ; = historien, VIe s. ; BN : GRÉGOIRE de TOURS

13. /haillan/ (S 1599 : 1 ; S 1606 : 1)
« Du Haillan au 4. liure de l'estat des afaires de France », « du Haillan en son discours des Estats de France » ; = historien, XVe-XVIe s. ; BN : DU HAILLAN (Bernard de Girard, seigneur) : De l'estat et succez des affaires de France [...] depuis Pharamond, premier roy des Francs, Francons ou Françoys, jusques au roy Loys unziesme, 1570 + 1571, 1572, 1573 ; De l'Estat et succez des affaires de France, oeuvre despuis plusieurs precedentes editions augmenté de plusieurs belles recherches, contenant sommairement l'histoire des roys de France, 1594 + 1595

14. /herodote/ (S 1606 : 2 (dont 1 = Ragueau))
= historien grec, Ve s. av. J.-C. ; BN : HÉRODOTE d'HALICARNASSE

15. /hesychius/ (S 1606 : 1)
prob. BN : HÉSYCHIUS d'ALEXANDRIE = grammairien et lexicographe grec, prob. IVe s.

16. /horat/ (S 1599 : 2)
= poète latin, Ier s. av. J.-C. ; BN : HORACE (Quintus Horatius Flaccus)

17. /jerosme/ (S 1606 : 1)
« S. Jerosme » ; = docteur de l'Église latine, IVe-Ve s. ; BN : JÉRÔME (Saint)

18. /joinville/ (S 1603 : 1)
« la gentile Chronique de Iean, Sire de Ioinville » ; = XIIIe s. ; BN : JOINVILLE (Jean, sire de) : L'Histoire et chronique du tres-chrestien roy S. Loys IX, 1547 + 1595, 1596

19. /josephe/ (S 1606 : 1)
« liures de Iosephe » ; BN : HERBERAY (Nicolas de), sieur des Essars : Les Sept livres de Flavius Josephus de la guerre et captivité des Juifs traduicts de grec et mis en françoys, 1553

20. /liu/ (S 1599 : 2)
= historien latin, Ier s. av./apr. J.-C. ; BN : TITE LIVE

21. /matthieu/ (S 1606 : 1)
« S. Matthieu »

22. /montagne/ (S 1599 : 1)
= écrivain français, XVIe s. ; BN : MONTAIGNE (Michel Eyquem de)

23. /nicetas/ (S 1593 : 1)
« Nicetas historien Grec » ; = historien grec, XIIe-XIIIe s. ; BN : NICÉTAS ACOMINATUS ou CHONIATAS

24. /ouid/ (S 1599 : 1)
= poète latin, Ier s. av./apr. J.-C. ; BN : OVIDE (Publius Ovidius Naso)

25. /pasquier/ (S 1606 : 2 (dont 1 = Ragueau))
« Pasquier [...] recerches de France » ; = poète, jurisconsulte et magistrat français, XVIe-XVIIe s. ; BN : PASQUIER (Etienne) : Les Recherches de la france, à partir de 1560

26. /pausanias/ (S 1593 : 1)
= historien et géographe, IIe s. ; BN : PAUSANIAS

27. /plaute/plaut/ (S 1599 : 3)
« Plaute [...] en son Asinaire » (1) ; = poète comique latin, IIIe-IIe s. av. J.-C. ; BN : PLAUTE (Titus Maccius Plautus)

28. /plin/ (S 1599 : 3)
= Pline l'Ancien, naturaliste et polygraphe romain, Ier s. ; BN : PLINE l'Ancien

29. /sabin/ (S 1593 : 1)
« Sabin. lib. de appellatione, situ, moribus ac populis Marchiae Brandeburgensis. » ; = littérateur et historien allemand, XVIe s. ; BN : SABINUS (Georg Schuler, dit Georgius) : voir REINECCIUS ; REINECCIUS (Reinhard Reynete connu sous le nom de Reinerius) : Origines illustriss. stirpis Brandeburgicae [...] e germanica lingua in latinam conversae. Item commentarius de marchionum et electorum Brandeburg. [...] Accessit in fine historia de vita Hugonis et Theodorici, 1581

30. /seneque/senec/ (S 1599 : 1 ; S 1606=Ragueau : 1)
« 3. liu. de Ira, en Seneque » (S 1606) ; = philosophe latin, Ier s. ; BN : SÉNÈQUE (Lucius Annaeus Seneca) : De Ira

31. /suetonio/ (S 1593 : 1)
« Suetonio in Galba cap. 2. » ; = historien latin, Ier-IIe s. ; BN : SUÉTONE (Caius Suetonius Tranquillus) : De XII Caesaribus

32. /terent/ter/teren/ (S 1599 : 5)
= poète comique latin, IIe s. av. J.-C. ; BN : TÉRENCE (Publius Terentius Afer)

33. /titinnius/ (S 1606 : 1)
« en l'ancien Comique Titinnius » ; BM : TITINIUS : Fragmenta in ESTIENNE (R.) : Fragmenta Poetarum veterum Latinorum, 1564

34. /vigenere/ (S 1599 : 2)
« Vigenere en ses Commentaires sur Caesar » (1) ; = littérateur français, XVIe s. ; BN : VIGENERE (Blaise de) : trad. et comment. César, Les Commentaires [...] des guerres de la Gaule, 1584

35. /virg/ (S 1599 : 2)
= poète latin, Ier s. av. J.-C. ; BN : VIRGILE (Publius Virgilius Maro)

Sources citées par S 1606 tirées de Ragueau

36. /aimoin/aimonius/ (4)
« es Chron. du temps de l'Empereur Martian, en l'addition à l'hist. d'Aimonius, liu. 5. cha. 34. » (s.v. Purger) ; = Xe s. ; BM : AIMOINUS, Monachus Floriacensis : Historiae Francorum lib. V [...] multo emendatories, 1567

37. /arrest/edit/edictum/ (3)
« arrest de parlement, l'an 1279. & 1364. », « En l'ancien stile du Parlement de Paris [...] en l'edit du roy Philippe le Bel l'an 1302 », « edictum Regis Philippi Pulchri, anno 1302 » ; NU : FRANCE, Parlement (Paris) : Les olim ou registres des arrêts rendus par la Cour du roi, sous les règnes de Saint Louis, de Philippe le Hardi [...]

38. /athenee/ (1)
« Athenee au 1. [liu.] » ; = rhéteur et grammairien grec, IIe-IIIe s. ; BN : ATHÉNÉE, de Naucrate

39. /burchard/burchardo/ (2)
« in decret. ex Burchardo » ; = jurisconsulte et canoniste allemand, Xe-XIe s., évêque de Worms ; BN : BURCHARD de WORMS : D. Burchardi [...] Decretorum libri XX., 1548, 1549, 1550

40. /chronique/ (1)
« au ch. 94. de l'ancienne Chronique de Flandres » ; BM : FLANDERS : Cronique de Flandres anciennement composée par auteur incertain, et nouvellement mise en lumiere par D. Sauvage, 1562

41. /cod/ (1)
« Cod. de Compensat. » ; BN : JUSTINIEN Ier, empereur : Corpus juris civilis (Codex, Pandectes [...])

42. /coustume/coustumes/coustumiers/ (4)
« coustume d'Auuergne », « coustume de Chaalons », « coustumes de France », « diuers coustumiers » [+ cf. ci-dessus section sur remarques d'usage régional] ; = les différentes coutumes de France furent publiées début XVIe s.

43. /cujas/ (1)
« Cuias en son Commentaire de Feudis » ; = jurisconsulte fr., XVIe s. ; BN : CUJAS (Jacques) : Opera Jacobi Cujacii [...] [t. 4 :] De feudis libri quinque et in eos commentarii, 1577

44. /curtio/ (1)
« Q. Curtio » ; = historien latin, Ier s. ; BN : QUINTE-CURCE

45. /ferronus/ (1)
« Arnoldus Ferronus ad art. 3. tit. 12. consuetud. Burdigal. » ; = conseiller au Parlement de Bordeaux, historien, XVIe s. ; BN : LE FERRON (Arnoul) : Arnoldi Ferroni [...] In consuetudines Burdigalensium libri II [...] secunda hac editione aucti et locupletati, 1540 + 1565, 1585

46. /gratian/ (1)
« Gratian. Can. Mennam. C. Omnib. C. Consuluisti. 2. quaest. 5. » ; = (BM :) GRATIANUS, the Canonist ; (LarXIX) : canoniste italien, fin XIe - c. 1150 ; BN : GRATIEN : Decretum Gratiani, seu verius Decretorum canonicorum collectanea, 1471 etc., 1500 etc., 1550 etc.

47. /gregor/ (1)
« Niceph. Gregor. lib. 6. cap. 1. » ; = historien byzantin, XIVe s. ; BN : GRÉGORAS (Nicéphore)

48. /hotoman/ (1)
« F. Hotoman au 44. ch. de sa dispute de Iure Feudali » ; = jurisconsulte fr., XVIe s. ; à Genève 1570-9, 1584-9 ; BN : HOTMAN (François) : Franc. Hotomani [...] de feudis commentatio tripertita : disputatio de iure feudali, 1573 + 1576, 1586

49. /isidore/ (S 1606 : 1)
= prob. BN : ISIDORE de SÉVILLE (Saint) = théologien, chroniqueur, érudit espagnol, VIe-VIIe s.

50. /ius/ (1)
« Ius canonicum » ; BM : ROME, Church of, Corpus Juris Canonici : Corpus Iuris Canonici emendatum et notis illustratum, 1591

51. /ivo/ (1)
« Ivo Carnotensis episcopus epist. 78. 91. » ; = prélat français, XIe-XIIe s. ; BM : IVO, Saint, Bishop of Chartres : Ivonis episcopi carnotensis epistolae, 1584

52. /laert/ (1)
= philosophe et historien grec, IIe-IIIe s. ; BM : DIOGENES, Laertius

53. /lampridius/ (1)
= historien latin, IVe s. ; BN : LAMPRIDIUS (AElius)

54. /lege/ (1)
« lege Angl. & Thuringorum tit. 15. » ; = c. VIIIe s. ; NU : Lex Angliorum et Werinorum, hoc est Thuringorum

55. /lege/legis/ (2)
« ex lib. 3. legis Francicae, cap. 47. », « lege Francica, lib. 4. cap. 57. » ; = Ve s. ; cf. BALON (Joseph), Traité de droit salique, 1965, t. I, p. 9 : Loi salique = loi des Francs saliens ; autre titre = Leges Francorum Salicae

56. /lege/ (1)
« Lege Ripuaria tit. 31. 32. 33. » ; = loi des Francs ripuaires premièrement rédigée déb. VIe s. ; BM : RIPUARII : Leges Riboariorum Baioariorumque, 1530 ; Lex ripuariorum – voir ECKHARDT, Leges Francorum Salicae et Ripuariorum, 1720

57. /louys/ (1)
« Es ordonnances Latines du roy Louys IX. » ; = les Ordonnances des rois de France furent éditées plusieurs fois au XVIe s.

58. /lud/ (1)
« Hist. Lud. Pij, lib. 5. cap. 13. » ; = histoire de Louis le Pieux

59. /marcellin/marcellinus/ (3)
« Ammian Marcellin », « Ammianus Marcellinus » ; = historien latin, IVe s. ; BN : AMMIEN MARCELLIN

60. /pline/ (1)
« Pline second [...] au 2. liu. de ses epistres » ; = Pline le Jeune, écrivain latin, Ier-IIe s. ; BN : PLINE le Jeune

61. /polydore/ (1)
« Polydore Virgil. au 8. liu. de son hist. d'Angleterre » ; = érudit italien, XVe-XVIe s. ; BM : VERGILIUS, Polydorus : Anglica historia

62. /quintil/ (1)
« Quintil. declamat. 341. » ; = rhéteur romain, Ier s. ; BN : QUINTILIEN (Marcus Fabius Quintilianus) : Declamationes

63. /rheginon/ (1)
= IXe-Xe s. ; BN : RHEGINO : voir RÉGINON ; RÉGINON, abbé de Prüm

64. /rhenanus/ (S 1606 : 1)
« Rhenanus docte Aleman » ; = philologue alsacien, XVe-XVIe s. ; BN : RHENANUS (Beatus Bild von Rheinau)

65. /rom/romae/ (3)
« in statutis Rom. », « in statutis vrbis Romae » ; BM : ROME, Statutes of the City : Statuta et novae reformationes urbis Romae, 1523 ; Statutorum almae urbis Romae, 1567 + 1580, 1590

66. /sicile/siciliae/ (4)
« lib. 3. Constit. Siciliae, tit. 26. », « Fridericus II. Imperator, rex Siciliae, lib. 2. tit. 32. », « Ordonnances de Frederic 2. roy de Sicile » (2) ; BM : NAPLES, Laws : Constitutiones Regni Siciliae, 1533 + 1552, 1580, 1590

67. /sigonius/ (1)
« Sigonius au 5. & 7. liu. de regno Italiae » ; = archéologue italien, XVIe s. ; BN : SIGONIO (Carlo) : Caroli Sigonii Historiarum de regno Italiae libri quindecim, 1574 + 1575, 1580, 1591

68. /symmachus/ (1)
« Symmachus au I. liu. epist. 37. » ; = orateur et homme d'état romain, IVe-Ve s. ; BN : SYMMAQUE (Quintus Aurelius Symmachus) : Epistolarum ad diversos libri decem, 1580, 1587, 1598, 1601, 1604

69. /tillet/ (1)
« du Tillet au 2. liu. de ses memoires » ; = historien français, XVIe s. ; BN : DU TILLET (Jean), sieur de la Bussière : Les Mémoires et recherches de Jean Du Tillet, 1578

70. /vegece/ (1)
« Vegece au 2. liu. De Militia Rom. » ; = latin, IVe s. ; BN : VÉGÈCE (Flavius Vegetius Renatus) : De re militari

2.1.5.4. Typologie de l'oeuvre et du lexicographe

2.1.5.4.1. Le lexicographe comme rapporteur

La lexicographie a toujours reconnu pour certains domaines linguistiques la possibilité de l'existence d'un choix. Au niveau du système de la langue, le dictionnaire indiquera pour certains lexèmes des variantes de graphie ou de prononciation, pour certains signifiés des variantes d'expression ; en parlant de l'histoire de la langue, il pourra être amené à indiquer, au moins implicitement, l'existence de plusieurs hypothèses concernant l'étymologie d'un mot (« X vient peut-être de Y »). Comme l'ont montré les sections précédentes, Stoer prête son attention aux variantes graphiques, aux synonymes et – trait révélateur de l'état des connaissances de son temps – aux hypothèses étymologiques. Dans ce dernier cas, l'emploi des formules « aucuns estiment que [...] les autres [...] », etc. [53], paraît tout à fait normal. Il y a pourtant d'autres contextes – ils concernent le sens d'un mot – où le choix offert par Stoer trahit plutôt une certaine incompétence de la part du lexicographe :

Dans l'histoire du Dictionaire françois-latin, il y a ce qu'on peut considérer comme les auteurs de première main – Robert Estienne, Jean Thierry et Jean Nicot [55] – et les éditeurs plus en retrait, ou 'gérants de boutique', dont Jacques Dupuys et Jacob Stoer [56]. Le rôle de rapporteur des dires d'autrui se double, dans l'édition de 1606 avec ses longs extraits tirés de Ragueau [57], d'un souci de donner au lecteur le maximum d'informations raisonnable ; témoin quelques remarques métalexicographiques :

2.1.5.4.2. Le lexicographe comme critique

L'attitude objective que nous venons de noter contraste avec le ton critique qu'adopte parfois le lexicographe envers les ineptes, les ignorants et les infidèles. Le peuple vulgaire peut être taxé d'ineptie ou d'ignorance :

Les moeurs sont attaquées :

Cependant c'est surtout en matière de religion que Stoer exprime sa désapprobation, opposant ce qui est propre – « On n'vse proprement de ce mot, qu'en parlant en toute reuerence entre Chrestiens du sainct & incomprehensible mystere des trois personnes en l'essence diuine, asçauoir Pere, fils & S. Esprit, vn seul vray Dieu » S 1599 s.v. Trinité – à ce qui va à l'encontre du christianisme [58] :

Stoer personnel n'est pas toujours critique pourtant : « les practiciens sont gens actifs, peu contemplatifs, qui n'ont pas la langue liée, ni les deux pieds en vn soulier, qui cerchent tousiours nouuelle besongne & practique pour gaigner » S 1606 s.v. Praticien.

2.1.5.4.3. Le lexicographe comme organisateur de ses matériaux

Stoer a, du moins dans le domaine de la prononciation, une conscience assez développée de la structure du texte dictionnairique et de celle de la langue : formules codées, regroupements des unités de la macrostructure, observations sur les tendances générales du français [59]. Les synthèses sont fréquentes aussi dans les discussions étymologiques et les mentions de sources [60]. Ailleurs elles sont rares [61]. Les articles construits à la Nicot sont également rares : rappelons PERSONNIER (S 1606) [62] et citons TRAIN (S 1603) :

qui donne trois acceptions dans une structure récurrente : définition + exemple + équivalent latin de l'exemple. Une autre façon de construire l'article est de faire précéder un nombre d'alinéas-items d'un tour de présentation : « Le mot de Cens, Censif, Censiue, auec ses adioincts se dit diuersement en françois, comme » S 1606 s.v. Cens ; « Il a d'autres significations qui se voyent es manieres de parler suyuantes » S 1603 s.v. Entretenir. Le renvoi joue le même rôle : « Autre est le droit de Seigneuriage, dont sera parlé en la lettre S. » S 1606 s.v. Brassage.

On observe chez Stoer une explicitation embryonnaire, exprimée par l'alternance romain/italique, des niveaux du texte dictionnairique. L'outil est très imparfait puisqu'il doit servir en premier lieu, comme depuis Estienne, à distinguer le français (italique) du latin (romain). Nous avons déjà étudié l'alternance romain/italique pour différencier, dans la séquence sur la prononciation, la copule et l'information [63]. Notons aussi la séquence suivante, dans laquelle la copule charnière est imprimée en romain :

2.1.5.4.4. Le statut du latin en langue et en métalangue

Quoiqu'en général, dans l'édition de Stoer, la langue cible soit le français, le sujet de l'énoncé lexicographique – comme nous avons déjà pu le constater au sujet de l'utilisation que fait S 1599 de ses sources latines [64] ou à celui des syntagmes [65] – est parfois le latin. Ainsi, Stoer pourra commenter du latin :

a) le sens :

b) l'antonymie :

c) l'étymologie ou la motivation sémantique :

Certains items sont construits autour d'une dénomination latine :

Le latin, qui dans la plupart des syntagmes phraséologiques, ou exemples, est subordonné au français – presque tout syntagme illustratif français est suivi d'un ou de plusieurs équivalents latins –, doit être parfois considéré, dans S 1599, comme constituant la source, voire la cible d'un item. Ceci est frappant dans les cas où il s'agit d'une citation latine signée :

ou encore ceux auxquels il manque le mot-adresse français :

Stoer continue la tradition, héritée du Dictionaire françois-latin, qui consiste à penser l'énoncé lexicographique indifféremment en français ou en latin. Dans la séquence définitionnelle, nous trouvons, par exemple : « Genus vasis aquam continens ad ablutionem manuum, vel ad vinum diluendum » S 1599 s.v. Aiguiere, à côté de « sorte de sargette pour vestemens » S 1599 s.v. Droguet ; « certa terrae mensura » S 1606 s.v. Bonniere, mais également « s'entend de diuerses mesures de choses seiches & liquides » S 1606 s.v. Sextier. La métalangue de base est tantôt monolingue (français ou latin), tantôt bilingue :

2.1.5.4.5. Terminologie

Stoer utilise un certain nombre de termes linguistiques ou lexicographiques dont quelques-uns étaient courants de son temps, d'autres moins :

2.1.5.5. Correction et révision

Stoer parle deux fois explicitement de la correction de son dictionnaire : « I'ay mis peine de le rendre le plus correct qu'il m'a esté possible » (1593, préface) ; « Reueu, corrigé » (1606, titre). En dehors des items ajoutés, on observe de nombreuses modifications apportées au texte hérité de Jacques Dupuys, voire des changements faits d'une édition à l'autre de l'ouvrage de Stoer. Par exemple :

a) Vocabulaire (en mention ou en usage) : « Negligence & paresse d'accoustrer [...] » 1573 s.v. Accoustrer -> « Nonchalance [...] » 1599 ; « Aimer folement » 1573 s.v. Aimer -> « [...] ardemment » 1599 ; « à Nou, Natando, Natatu » 1573 s.v. Nou -> « Nouer, Nager, Natare » 1599 ; « Penser d'aucun, c'est prendre soing de luy » 1573 s.v. Penser -> « Penser à aucun [...] » 1599 ; « brasser vne alliance » 1573 s.v. Alliance -> « traiter [...] » 1603 ; « Pommes de Boncrestien, Poma panchresta » 1573 s.v. Boncrestien -> « Poires de Boncrestien, Pyra panchresta » 1603 ; « locution » 1573 s.v. Ca -> « maniere de parler » 1603 ; « terme coarcté à certaine maniere de compaignie » 1573 s.v. Compaignon -> « [...] restreint à [...] » 1603 ; « voyez Perturber » 1573 s.v. Pertroubler -> « Voyez Troubler » 1603 ; « l'obsidion d'une ville » 1573 s.v. Siege -> « l'assiegement [...] » 1603 ; « Vn cheual qui ha le corps & les iambes allegres » 1573 s.v. Taille -> « [...] gresles » 1603 ; « Affriolement » 1573 sub voce -> « Affriandement » 1606 ; « Banc d'argentier » 1573 s.v. Banc -> « Banc de changeur » 1606 ; « le Corpus Domini és eglises » 1573 s.v. Ciboire -> « l'hostie » 1606 ; « religieux » 1573 s.v. Conventuel -> « moines » 1606 ; « Aquilo » 1573 s.v. Faner -> « La Bise » 1606 ; « se potager & gouuerner » 1573 s.v. Hubir -> « venir à bout » 1606 ;

b) Forme : « Oiseliere, Aucupium, Aucupatio » 1573 s.v. Oiseliere -> « Oiselerie [...] » 1593 ; goulard, goularder 1573 sub voce -> gouillart, gouillarder 1599 [71] ; « Curation de playe » 1573 s.v. Curation -> « Cure [...] » 1603 ; « Delicateté » 1573 sub voce -> « Delicatesse » 1603 ; « Applanir » 1573 s.v. Esplanade -> « Esplaner » 1603 ; « Du Liarre » 1573 -> « Du Liarre [...] l'Hierre » 1603 -> « Du Liarre [...] Hierre » 1606 ; « Reaument » 1573 -> « Reaument [...] Pr. Realement » 1603 -> « Reaument [...] pron. Reellement » 1606 ; « Aruc, [sic] ou deuenir ari » 1573 s.v. Ari -> « Arir, ou deuenir ari » 1606 ; « Regardure » 1573 sub voce (deux occurrences) -> « Regard » 1606 ;

c) Graphie des mots sub voce : arcon 1573 -> archon 1593 ; doulx (x 20), doulce, doulcet, doulcelet, doulceastre, doulcereux (tous x 1), doulceur (x 10), doulcement (x 8) 1573 -> doux, douce, doucet, douceastre, doucereux, douceur, doucement 1593 [doulcelet supprimé] ; grammarien 1573 -> grammairien 1593 ; almandes 1573 -> almadies 1599 ; antimonium 1573 -> antimoine 1599 ; assaisinateur [sic] 1573 -> assassin 1599 ; assasinement [sic] 1573 -> assassinat 1599 ; cadaver 1573 -> cadavre 1599 ; « Eneuche » 1573 -> « Enuche, ou Eunuque » 1599 ; estropiat 1573 -> estropié 1599 ; cavailler 1573 -> cavallier 1603 ; desgaigner (x 3) 1573 -> desgainer 1603 ; fustiguer 1573 -> fustiger 1603 ; gonfanon («  de l'eglise ») 1573 -> gonfanonier 1603 ; palemaille 1573 -> palemail 1603 ; araignee/araignée (x 5) 1573 -> araigne 1606 ; cerche 1573 -> recerche 1606 s.v. Cerch... ; fraiz (« , Fraischement ») 1573 -> frais 1606 ; fraiz («  & despens ») (x 9) 1573 -> frais 1606 ; hirundelle 1573 -> hirondelle 1606 ;

d) Graphie des mots sub voce, changements progressifs : adresser/addresser : les cinq occurrences vont progressivement de adresser (1573 x 5) à addresser (1603 x 5) en passant par des étapes mixtes en 1593 et 1599 ; adresse/addresse : de même, adresse (1573 x 3) devient finalement addresse (1606 x 3) ; arain/airain : arain (1573 x 11) -> airain (1606 x 11) -> cf. « Arain [...] pron. Airain » (1599) ; besoing/besoin : besoing (1573 x 21, dont adresse), besoin (x 3) -> besoin (1606 x 24) -> cf. « Escriuez & prononcez, besoin sans g. » (1603) ; doleur/douleur : doleur (1573 x 36) -> douleur (1599 x 36) ; prain/preigne/praigne : « Prain [...] vne ourse prain » 1573 -> « Prain, ou Preigne [...] vne ourse prain » 1599 -> « Prain, ou Preigne [...] vne ourse praigne » 1603 ;

e) Graphie, cas divers : voirriere 1573 s.v. Vitre -> verriere 1599 ; soldart 1573 s.v. Ban -> souldart 1603 ; « Glazon Francis » 1573 s.v. Ouazon -> « Gazon [...] » 1603 ; « cerchez Souspeçon » 1573 s.v. Soubson -> soupçon 1606 ;

f) Lexicalisation : « du Bausme » 1573 -> « Bausme » 1603 ; « vne Anime » 1573 -> « Anime, f. » 1606 ; « vn Bac » 1573 -> « Bac » 1606 ; « vn Balay » 1573 -> « Balay » 1606 ; « vne Baleine » 1573 -> « Baleine » 1606 ; « vne Borne » 1573 -> « Borne, f. » 1606 ; « vne Cerise » 1573 -> « Cerise, f. » 1606 ; « des Coquerez » 1573 -> « Coqueret, m. » 1606 ; « Des coquerettes » 1573 -> « Coquerettes, f. » 1606 ; « Scier vne Gerbe de blé » 1573 -> « Gerbe de blé » 1606 ; « toute sorte d'Humeur » 1573 -> « Humeur » 1606 ;

g) Catégorie grammaticale : « Mentiri » verbe, 1573 s.v. Mensonger -> « Mendax, Menteur » subst./adj., 1603 ;

h) Type d'information : « Medecine minoratiue » exemple, 1573 s.v. Minoratif -> « bruuage medecinal » définition, 1603 ; « Soubtraire » 1573 sub voce -> « Soubtraire [...] Soutraire » variante, 1599 -> « Soubtraire [...] pron. Soutraire » prononciation, 1606 ; « Soubz, ou Soub » variante, 1573 -> « Soubz [...] Sous, ou dessous » 1599 -> « Soubz [...] pron. Sous. ou dessous » prononciation, 1606 ; « id est, Meschef & infortune » définition, 1573 s.v. Meschance -> « pron. Méchance » prononciation, 1606 ;

i) Étymologie : « Semble qu'il vienne de » 1573 s.v. Cueur d'une eglise -> « il vient de » 1599 ; « Semble qu'il soit diminutif de ville » 1573 s.v. Villebrequin -> « Les autres disent Vibrequin, à vibrando, ou plustost, à vertendo » 1606 ;

j) Usage [72] : « aucuns dient Eppeller » 1573 s.v. Appeler -> « le vulgaire dit Eppeller » 1599 ; « Autres prononcent Foible » 1573 s.v. Flebe -> « Autres prononcent (comme il faut) Foible » 1599 ; « Aucuns escriuent & prononcent Renouille » 1573 s.v. Grenouille -> « Les Sauoyards & autres [...] » 1599 ; « Cubiculaire, ou Vallet de chambre » 1573 -> « Cubiculaire, dites Vallet de chambre » 1599 ; « Aucuns prononcent Abeille » 1573 s.v. Aveille -> « La pluspart [...] » 1606 ; Ronsard 1573 s.v. Sepulchral, Serener -> Bartas 1606 ; entre gens ecclesiastiques 1573 s.v. Sire -> par le vulgaire 1606 ; « Crucier, & tormenter » 1573 -> « Crucier [...] vsez du mot, Tormenter » 1606 ;

k) Définition : « Miauler, c'est le cri d'un chat » 1573 -> « Miauler, c'est crier comme vn chat » 1599 ; « C'est villain, pourry, & par consequent oyseux, fayneant » 1573 s.v. Pouacre -> « C'est villain, pourry, qui ne fait que cracher & se moucher sans respect d'aucun » 1599 ;

l) Sens : « Occiant, Occidens » 1573 s.v. Occire -> « Occiant, Occidens, Couchant » 1599 -> « Occiant, Occidens, Tuant » 1606 ;

m) Formulations diverses : « Ce veu que les anciens faisoyent au diable, Deuotio » 1573 s.v. Vouer -> « Ce veu que les Payens faisoyent à leurs Dieux, auec grand serment : & la protestation extraordinaire en fait de religion, Deuotio » 1599 ; « le bas de toutes choses & soustenement » 1573 s.v. Bas -> « le bas & soustenement de toutes choses » 1603.

À travers les exemples donnés ci-dessus, on observe le désir de la part de l'éditeur de corriger, préciser, améliorer, moderniser. Dans ce même but, il lui arrive de supprimer ce qu'il juge hors de propos ; par exemple :

a) Articles : ARTIS « en langage de iargon » supprimé en 1599 ; CABO (espagnol) 1599 ; CAPO (italien) 1599 ; CONCHIER 1599 ; DESACRER, DESAVENTURE, DESADVOUER (« voyez Desauouer »), DESAGENOUILLER (4 articles de suite, d'une ligne chacun) 1599 ; PRESAGIEUX 1599 ; ANGOISSEUX 1603 ; FORNIQUER 1603 ; CORPORAIL, CORPORALIER 1606 ;

b) Sources [73] :

c) Variantes, synonymes : astronomien 1599 s.v. Astronome ; bouticle 1599 s.v. Boutique ; taverneur (« hanteur de cabarets ») 1599 s.v. Cabaret ; « vous pouuez vser des locutions de Accointer » 1603 s.v. Achalander ; « Mieux elire » 1603 s.v. Eslire ; « Vn babillard, Vn rapporte nouuelle, Vn deceleur de secrets » 1606 s.v. Babillard ;

d) Mot-adresse : grenouilliere (« Grenouiller, Grenouilliere ») 1606 ;

e) Sens, syntagme : « Appariteur aucunesfois signifie autant que Bourreau » 1603 ; « Harenc bouffi » 1603 s.v. Bouffi ; « L'escroue du geolier » 1606 s.v. Geolier ;

f) Équivalents espagnols : s.v. Accueil, Acheminer (1599) ; l'équivalent italien s.v. Acheminer est gardé pourtant.

Les diverses modifications apportées au texte ou, au contraire, le manque de révision peuvent résulter en un certain nombre d'inconséquences ; par exemple :

Parmi d'autres erreurs, notons :

Il y a, enfin, quelques rares cas où l'édition de 1603 rejette le texte de 1599 pour revenir à celui de 1593 ; exemples :

Les quelques petites modifications, corrections et fautes faites à Paris par Jean Du Carroy en 1605 (« Reueu & corrigé de nouueau, en ceste derniere Edition ») n'ont d'intérêt que pour établir la filiation avec les éditions de Baudoin et de Poille. Plutôt que de regarder les corrections apportées par Du Carroy et qui auraient pu être faites indépendamment dans les éditions de Baudoin et de Poille, nous examinerons quelques fautes et modifications introduites par Du Carroy et maintenues par Baudoin et Poille. Quelques exemples suffiront à la démonstration : « Baillé en garde, Commendatus » 1603 s.v. Bailler -> « [...] Commodatus » 1605 ; « Le Languedoc dict Baile [...] par ce que [...] » 1603 s.v. Bailli -> « [...] pource que [...] » 1605 ; « Accroistre d'vn an le labeur » 1603 s.v. Labeur -> « [...] de labeur » 1605 ; « Laisser aller le cordage d'vne nauire » 1603 s.v. Laisser -> « [...] d'vn nauire » 1605 ; « grandes trainées de flot » 1603 s.v. Lame -> « [...] flots » 1605.

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