2.3. Voultier

2.3.1. Augmentation

2.3.1.1. Mesure quantitative

Ajouts de Voultier (excepté ceux dérivés de Nicot) [82]

2.3.1.2. Nicot : principale source de l'édition de Voultier

La majeure partie du texte ajouté par Voultier à l'édition de Baudoin vient, sans que cela soit dit nulle part, du Thresor de la langue françoyse, publié en 1606. Sans compter l'ajout d'équivalents latins, nous avons trouvé plus de 300 alinéas (articles ou parties d'articles) empruntés, au moins en partie, au Thresor ; ils sont surtout nombreux vers le début du dictionnaire [83].

Cependant Voultier se contente rarement de copier Nicot mot à mot. Il en modifie l'expression, souvent l'améliorant, le simplifiant ; il en omet souvent des informations qu'il juge probablement secondaires, moins appropriés au GDFL qu'au Thresor ; il y apporte parfois des précisions. Citons quelques cas typiques ; nous donnons aussi, pour les deux premiers exemples détaillés, le texte de la source commune qu'est le DFL de 1573 et les additions ou modifications éventuelles apportées à celle-ci par Stoer ou Baudoin.

Beaucoup plus rares sont des alinéas comme ESTATS, où Voultier ne retient que 14 lignes sur la colonne et demie du Thresor, ou EXCOMMUNIEMENT et FAIX, dont le premier alinéa – 18 lignes pour le premier, 21 pour le second – est copié intégralement mot à mot du Thresor. Ceci amène Voultier à inclure exceptionnellement l'indication du genre du mot français, des informations encyclopédiques sur les druides et les premiers chrétiens et un témoignage de Jules-César (pour EXCOMMUNIEMENT) ; des informations sur la société romaine, une attestation d'emploi d'un mot latin chez Virgile et des cognates languedociens et italien (pour FAIX).

2.3.1.3. Lexique français

2.3.1.3.1. Synonymes

L'apport majeur de Voultier à la description du lexique français réside dans les nombreux synonymes ou parasynonymes qu'il ajoute à la nomenclature du dictionnaire. Nous avons trouvé un total d'environ 430 items affectés de synonymes pour un total de 511 synonymes. La plupart des synonymes sont donnés sous forme de renvois ; sous les lettres Af- à Al-, Voultier donne :

La fréquence des renvois donne lieu, à partir de la lettre E, à plus de vingt occurrences de la formule abrégée « V. » comme variante de « Voyez ». Dans quelques cas, la copule revêt une autre forme ; par exemple :

Voisins des renvois-synonymes, il y a quelques renvois à une variante graphique, du type :

et environ 160 renvois à la forme racine, signifiant que le sens du dérivé serait la somme de ses parties (préfixe + racine) :

Exceptionnellement, le texte renvoie d'une forme de base à un dérivé ; par exemple :

Le choix de certains synonymes semble avoir pu être dicté par leur parenté avec le latin :

L'interprétation « voyez = voyez les synonymes » est confirmée par un certain nombre de cas où Voultier modifie le texte existant ; par exemple :

À l'opposé de Stoer [86], Voultier ne cherche pas, par l'addition de synonymes, à moderniser le vocabulaire, mais simplement à l'accroître. Il ne fait aucune remarque sur le vocabulaire français vieux ou vieilli. Il lui arrive, au contraire, de changer une information diachronique en item synchronique :

En fait, chez Voultier, voyez a tendance à devenir un tic :

2.3.1.3.2. Autres ajouts

Ils sont peu nombreux. Mentionnons : faire accroire « persuader » ; anphore « à Rome est vne certaine mesure » ; bois, six exemples d'emploi (dont – espés, le fin fond ou le bout du –, – taillis) ; se comporter, mélioratif et péjoratif ; concoction, usage technique ; confus « troublé [...] meslé » ; consonance en musique ; cube ; esbaucher, usage technique ; joindre « attraper ». Pour quelques autres mots, Voultier explicite le sens – porté jusque là le plus souvent par un équivalent latin ou un exemple français – en ajoutant une définition :

2.3.1.4. Étymologie

C'est Nicot qui fournit à Voultier la plus grande partie de ses étymologies. Cependant, maints items empruntés à Nicot ne contiennent pas d'étymologie (par exemple, s.v. Achet, Adveu, Alier, Assembler, Assiette) ; de plus, il arrive que Voultier enlève le commentaire étymologique à ce qu'il prend dans Nicot sans rien mettre à la place (par ex., s.v. Arrerage, Arriere, Attraire). Ailleurs les étymologies sont rares : provenance latine s.v. Conclave ; française et latine s.v. Couster ; française s.v. Remond ; grecque s.v. Atomes, Canceler ; flamand s.v. Holande – c'est à peu près tout.

2.3.1.5. Distinction des sens

Cet emploi du pied-de-mouche pour distinguer les acceptions des mots polysémiques avait été instauré dans le Dictionaire françois-latin par R. Estienne, chez qui les articles étaient des listes d'items-alinéas et la fonction du pied-de-mouche variable [88]. Dans l'édition de Voultier, le pied-de-mouche sert également à marquer les différents sens d'un mot à l'intérieur d'un article-paragraphe construit ; seule une partie des mots polysémiques est ainsi traitée. Voultier peut utiliser ce signe :

a) dans un paragraphe hérité ; par exemple :

b) en réunissant en un paragraphe plusieurs alinéas existants ; par exemple :

c) pour ponctuer un paragraphe copié dans le Thresor (cas le plus fréquent) [89] ; par exemple :

d) dans les rares développements polysémiques nouveaux ; par exemple :

2.3.1.6. Sources nommées

Les quelques mentions d'auteurs viennent surtout appuyer un mot latin ou grec ou une information encyclopédique : César s.v. Orleans, Verdun ; Diogène de Sinope s.v. Cyniques ; Dioscoride s.v. Ache ; Justin s.v. Agathocles, Amazones ; Pline l'Ancien s.v. Cutylie. Pour le français on trouve :

2.3.1.7. Typologie

L'apport majeur de Voultier est, d'une part, les plusieurs centaines d'équivalences synonymiques, et, d'autre part, la mise en relief typographique des divisions sémantiques des articles construits consacrés à des mots polysémiques. Pour ce qui est de la méthodologie, nous pouvons ajouter les observations suivantes : a) emploi, dans la définition, de copules explicites telles : en use pour, se prend pour, pour, c'est quand, signifie ; b) sens propre signalé par proprement (nous avons noté neuf occurrences) ; c) emploi de quelques termes linguistiques : antiphrase s.v. Parque ; proverbialement s.v. Mosquette ; signification s.v. Devenir, Joindre.

2.3.2. Le latin et le grec

L'édition de Voultier accorde beaucoup d'attention au latin et au grec. En plus des accents latins et des équivalents grecs (voir ci-dessous), elle ajoute bon nombre d'équivalents latins et parfois des définitions ou exemples d'emploi de mots latins ; de même, pour le grec, quelques définitions ou discussions de parasynonymes.

2.3.2.1. Accents

Il s'agit, non de mots français, mais de mots latins donnés comme équivalents de mot-vedettes ; par exemple :

2.3.2.2. Mots grecs

Bon nombre de mots-vedettes, têtes de macro-article, sont suivis d'un équivalent grec – d'où le titre de l'édition, Le Grand Dictionaire françois, latin, et grec. Par exemple :

2.3.3. Révision

Sous cette rubrique, il conviendrait de mentionner d'abord la distinction et le regroupement des acceptions de mots polysémiques dont il a déjà été question ci-dessus [90]. À la place de l'utilisation du pied-de-mouche devant chaque acception, Voultier peut donner une formule globale telle que « le mot a plusieurs significations, comme : » s.v. Devenir. Autre cas du remaniement de l'ensemble d'un article : tous les items de POIDS (auparavant POIX), PESER, PESANTEUR, PESEUR et PESON, qui étaient auparavant regroupés s.v. Poix (entre POIVRETTE et POIX « Pix »), sont reclassés s.v. Poids (après POICTRON). L'on remarque quelques corrections (c.à-d. par rapport à B 1607-8) ; par exemple : basilie (sub voce x 2) -> basilic ; esmeutiment (sub voce) -> esmeutement ; cher (s.v. Orphe) -> chair ; iver (s.v. Pagel) -> hyver ; doctourat (s.v. Sorbonne) -> doctorat. Mais également un certain nombre de fautes d'imprimerie : descoulper (sub voce) -> descoupler ; descoupler (sub voce) -> descoulper ; babtizé (s.v. Empoule) ; endenter (sub voce) -> endeter ; festiere (s.v. Enfestau) -> testiere ; crantif (s.v. Malhardi) ; venez pour voyez (s.v. Trondeler). Et des fautes de classement : AMALTHEE après AMAN ; ARDRES (nom propre) au milieu de ARDRE ; ANPHORE classé à Anf... ; la variante ennuyer ajoutée dans le premier item de CHEMIN au lieu de s.v. Chémer ; les 26 premières lignes de la p. 613, col. 1, sont la reproduction des 26 premières de la p. 612, col. 1, concernent MENER et se trouvent remplacer autant de lignes des articles MENTIR et MENTION.

2.3.4. Noms propres

Après qu'en 1599 Stoer eut extrait du dictionnaire de langue les noms propres de lieux et de peuples pour les rassembler dans un appendice à part [91], Morillon entreprend la démarche inverse treize ans plus tard, en puisant largement aussi dans le Thresor de la langue françoyse. Certains articles reçoivent des développements : CALAIS, CHARTRES, DIJON, LIEGE, MARSEILLE, NEIMES, ORLEANS, TOULOUSE, VERDUN, entre autres ; d'autres sont entièrement neufs : ACADEMIE, ALEXANDRIE, ANTICYRE, ATELLES, CUTYLIE, GADES, GRECE, ILERDE, LYON, PARIS, PUY EN VELLAY.

Au début de l'alphabet, sont ajoutés aussi quelques anthropnymes : AGATHOCLES, AGIS, AGRIPPA, AGRIPPINE (trois articles), AJAX, AMALTHEE, AMAZONES, AMPHION.

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