La règle générale des rééditions du Dictionaire françois-latin (DFL d'Estienne-Thierry-Dupuys-Nicot, Thresor de Nicot, GDFL) est de tout garder de l'édition précédente et d'y faire des ajouts [1]. Les chiffres suivants donnent une idée approximative de l'apport quantitatif du GDFL en lignes de texte et mots français ajoutés par rapport à son point de départ, le DFL de 1573 [2].
Lignes de texte | Mots français | |
DFL 1573 | 110553 | 486813 |
Stoer 1593-1599-1603-1606 | 4204 | 17229 |
Baudoin 1607 | 449 | 2834 |
Voultier 1612 | 1097 | 4092 |
Poille 1609 | 6514 | 33315 |
Marquis 1609 | 13680 | 68313 |
De Brosses 1614 | 439 | 1598 |
GDFL total | 26383 | 127381 |
% GDFL / DFL | 23,86 | 26,17 |
Selon ces calculs, le GDFL ajoute donc au DFL un peu moins de 25% de lignes de texte [3], un peu plus de 25% mots français, dont plus de la moitié dans la seule édition de Marquis. À titre de comparaison, le Thresor a un total estimé de 112056 lignes de texte (DFL + 1,36%) et un total mesuré de 650973 mots français (DFL + 33,72%) [4].
Dans son ensemble, le GDFL apporte une contribution importante dans plusieurs domaines. Vocabulaires : droit (S 1606, M), religion (S, M), botanique (B), zoologie (B, M, P), vénerie et fauconnerie (M, P), bâtiment (M, P), marine (M, P) [4a], guerre (M), musique (M, P) ; et chez Marquis encore : monnaie, orfèvrerie, alchimie, peinture, poésie, écriture, imprimerie, médecine, chirurgie, cuisine, jardinage, ménagerie rustique. Langue et sources littéraires (M, P). Mots régionaux ou dialectaux (S, M). Archaïsmes et néologismes (M) ; marques d'usage vieilli (S 1599). Variantes (S, M, P) et synonymes (S, M, P, V), en grande partie de formes et de mots vieillissants. Prononciation (S, P) et orthographe (P). Exemples d'usage (M, P). Emplois métaphoriques et proverbiaux (M). Fonctionnement syntaxique (P). Étymologie (S, M). Au niveau de la métalangue, une assez riche terminologie est employée par Stoer, Marquis, Poille et de Brosses.
Bien que chaque édition ne traite qu'une fraction plus ou moins grande du corps commun le texte du Dictionaire françois-latin, plus les additions des éditions sources [5] , un certain nombre d'articles retiennent l'attention de plusieurs éditions, dont les dires peuvent converger. Le macro-article FESTE (d'une maison) est augmenté par Stoer, Marquis et Poille ; celui de FESTE (lat. festum) par les mêmes plus Voultier. Les deux articles globaux, DFL 1573 (items marqués « [D] ») + GDFL (« [S]/[M]/[P]/[V] »), seraient comme suit :
« [FESTE/FAISTE/FEST, FESTIERE/FAISTIERE]
[D] Feste, Le feste d'vne maison, Fastigium, Culmen.
« [FESTE, FESTER, FESTABLE, FESTIER/FESTOYER,
FESTIAGE,
FESTOYEMENT, FESTIN, FESTON]
[D] Feste, Il vient de Festum.
Dans le premier, Stoer 1599 propose une graphie autre pour feste, Marquis ajoute trois situations d'emploi (dont une avec le mot écrit fest), Poille en donne une quatrième. Dans le second, Stoer 1603 corrige l'étymologie de feste, Voultier renvoie au parasynonyme feries (dérivé du latin feria donné dans le commentaire de Stoer), Marquis énumère des épithètes de feste relevées chez Ronsard et ajoute le nom d'une fête (sous deux dénominations et en utilisant le mot regalia plutôt que feste) à la liste des fêtes du calendrier ; Marquis ajoute les mots festable (et son équivalent auvergnat colable) et festiage ; Poille ajoute festoyement ; Marquis et Poille ajoutent indépendamment l'un de l'autre feston (M le cite chez Ronsard, P chez Ronsard et « Triomphe de Henry ») ; Poille signale la forme verbale festier chez Ronsard ; Marquis cite festin chez Ronsard.
Dans un deuxième exemple, nous allons étudier les ramifications des propos du GDFL dans l'ensemble des dictionnaires d'Estienne et de Nicot. À la fin du premier alinéa de l'article PARAGON, Stoer 1606 ajoute : « Toutesfois on vse plus communement du mot Parangon, & du verbe Parangonner. » Indépendamment de Stoer et l'un de l'autre, Marquis ajoute le néologisme parangonne (« Parangonne, noue dixit, Vig. chif. ne les femmes pareillement, &c. Vrayes parangonnes les peut on dire de toute honesteté, courtoisie, bon exemple, & pudicité. ») et le verbe parangonner (« [Parangon, voyez Paragon.] Parangonner. ») et Poille un item sur parangon (« Parangon, pour égal, semblable pareil. Rons. ») et deux sur parangonner (« Parangonner la gloire de quelqu'un, pour s'esgaler à sa gloire. Rons. // Parangonner, mot Italien desia commun en François, qui signifie esgaler, acomparer. Muret sur Rons. ») ; ce dernier, en donnant aussi « Paragonner, pour parangonner. Rons. », confirme l'opinion de Stoer 1606. Dans la partie du premier alinéa de PARAGON qui remonte à DFL 1573, on lit : « il se trouue quelques fois escript parangon, (comme aussi l'Italien l'escript & prononce) » ; DFL 1549 s'était contenté de dire « Alii enim proferunt Parangon ». Là où en 1549 et 1573 on avait dit « alii, quelquefois », en 1606 et 1609 on déclare « communément, commun ». Le renvoi « Parangon, voyez Paragon » remonte à DFL 1549. En dehors de la nomenclature, on trouve quelques autres occurrences de la nouvelle forme parangon/parangonner : DLG 1546 s.v. Aspiro : « Se parangonner a ung autre en matiere de guerre », DFL 1573 parangon s.v. Oultrepasse et parangonner s.v. Comparager (Poille 1628 parengonner), Stoer 1593 parangon s.v. Perle toutes en parag- dans les éditions précédentes ; et dans des items ajoutés : Thresor 1606 parangon s.v. Achilles et parangonner s.v. Tarascon, Marquis parangon s.v. Exemple. Les cinq occurrences de paragon de l'article PARAGON de 1573 changent progressivement en parangon, ce qui a pour résultat de dénaturer l'article. Celui-ci contenait en 1573 les séquences suivantes [6] :
« PARAGON, c'est vne chose si excellemment
parfaicte qu'elle est comme vne
idée vng
sep & estellon à toutes les aultres de son espece [...] Ainsi dict on
PARAGON de
cheualerie, de preud'hommie, de sçauoir. [...] Aultres interpretent ce
mot Ab effectu,
disans que PARAGON est Res quae
aliis composita ac collata [...]
il se trouue quelques fois
escript parangon, (comme aussi l'Italien l'escript & prononce) [...] le
PARAGON ne
peult auoir son pareil en son espece [...]
La perle ou le PARAGON des aduocats
[...] »
Stoer change la quatrième occurrence en parangon, Poille 1628 la deuxième, de Brosses et Poille 1614 la cinquième ; pour ce qui est de la troisième, Stoer 1603 remplace « disans que paragon est » par « chose qui n'a sa pareille ». Même la première, celle de la vedette, n'est pas protégée par l'ordre alphabétique (PARAGON se trouve entre PARAGE et PARAGRAPHE) : Poille 1609 la change aussi en parangon ; Poille 1628 rétablit la graphie paragon. En revanche, les quatre occurrences de paragonner s.v. Paragonner (quatre alinéas-items bilingues depuis DFL 1539) ne sont pas touchées, sauf une que Marquis change et que de Brosses rétablit. Une dernière occurrence : paragonner introduit par Thresor 1606 s.v. Maistre : « Maistre de la chambre aux deniers [...] ainsi s'appeloyent iadis [...] les gens tenans l'Eschiquier, pour paragonner le titre des cours de Parlement ». En conclusion, on peut dire que dans le premier quart du XVIIe siècle l'assertion de Stoer qu'on use plus communément du mot parangon et du verbe parangonner se trouve confirmée. Cotgrave 1611 n'est pas, du moins dans le cas présent, un bon témoin de l'usage de son temps ; il suit Nicot (dont la documentation ne va guère plus loin que les années 1560) en subordonnant parangon à paragon et en ne donnant pour le verbe que la forme paragonner.
Le GDFL est une source très riche pour les datations. Le Dictionarie de Cotgrave (1611) est souvent donné par les dictionnaires historiques [7] comme source de première ou unique attestation d'une unité lexicale. Le FEW le cite ainsi pour les éléments suivants, tous déjà dans le GDFL (cette liste n'est donnée qu'à titre d'exemple) : ceinture de la reine (FEW 10,212a), chauguette "petite tour d'observation pour le guet" (17,103a), vedette "tourelle sur un rempart servant de guérite aux sentinelles" (14,223b), déménager "e loco in alium transferre" (7,192a), moitié figue, moitié raisin "partie sérieusement, partie en plaisantant" (10,12b) [8], entre la haie et le blé (16,113), herbiste (4,408a), rareté "qualité de ce qui n'est pas dense" (10,76a), rattièrement (10,123b), remue-mésnage [sic] "celui qui met du désordre partout" (6.3,289a), repartie (7,688b), rosée du soleil (10,474a), tourneployer (13.2,71a), trancher du grand (13.2,278b), tympan d'imprimerie (13.2,455a), urinier "uretère" (14,62b), zest de noix (14,657b). Ajoutons brifeur, attesté chez Cotgrave par Gdf et GLLF. Les occurrences du GDFL sont les suivantes :
1. « La ceinture de la Royne, Vectigal & subsidium reginae. Ita dicitur certain subside qui se leue à Paris de trois en trois ans, & est de trois deniers pour chascun muid de vin, & de six deniers pour chascune queue : le vin du crieur exempt » S 1606 s.v. Royne (pris dans Ragueau) [9].
2. a) « Chauguettes, ou Eschauguettes, Speculae in muris & portis aedificatae, pro statione vigilum. Ce sont logettes de bois ou de pierre pour les guettes ou sentinelles » S 1606 s.v. Chauguettes (pris dans Ragueau) ;
b) M 1609 note la variante eschoguette (Ø FEW) : « Vascosan, ez opuscules d'Amyot escrit eschoguette c'est autant que sentinelle, vedette » s.v. Eschauguette,
c) ainsi que la locution estre à l'eschauguette "faire sentinelle" (Ø t. lex.) : « Il se prend tant pour le lieu, que pour l'action mesme, de faire sentinelle. Les sentinelles qui estoient tousiours à l'eschauguette dans le haut des clochers. H. F. » La Popelinière 1573, d'après M 1609 s.v. Eschauguette.
3. a) vedette : « c'est autant que sentinelle, vedette » M 1609 s.v. Eschauguette (cf. ci-dessus) ; « Platte forme hault eslevée pour vedette, & autres vsages, H. F. » La Popelinière 1573, d'après id. s.v. Vedette ; pour Marquis eschauguette, sentinelle et vedette sont synonymes (cf. S 1599 : « les autres pensent que ce soit ce que nous disons maintenant sentinelle, ou eschauguette » s.v. Barbacane) ;
b) l'existence chez Vigenere, d'après le GDFL, de la locution en vedette "aux écoutes" « incessamment aux escouttes, & en vedette, Vig. chif. » M 1609 s.v. Vedette a été notée par FEW (14,223b) ;
c) sentinelle "échauguette" dans S 1599 (v. 3a ci-dessus) n'est pas trouvé par FEW avant 1607, à part un emploi lorrain attesté en 1583 (11,471b) ;
d) faire sentinelle "faire le guet" : M 1609 s.v. Eschauguette (v. 2c ci-dessus ; Ø t. lex.) ;
e) deux autres mots associés : garete (variante de garite) : « Sentinelle, garete » M 1609 s.v. Eschauguette (Ø t. lex.), et
f) garité "garni de garites" : « Murs garitez c'est à dire garnis de garites » M 1609 s.v. Garitez ; FEW (17,526b) le trouve attesté jusqu'en 1446 (d'après Gdf), puis encore une fois en 1579 ; il est par la suite remplacé par guerité (Fauchet, Cotgrave).
4. « Desmesnager, Suppelectilem deportare, è loco in alium transferre » S 1599 s.v. Mesnage ; cf. C : « Desmenager [...] to transport household-stuffe out of one lodging into another ».
5. « Entre la haye & le bled, l'ayant surprinse entre la haye & le bled, comme l'on dit en commun prouerbe, il en eust moitié figues moitié raisins, Vig. im. » Vigenere 1578, d'après M 1609 s.v. Haye ; est-ce que l'expression (en) avoir moitié figues moitié raisins (Ø t. lex.) ou, peut-être, (en) estre moitié figues moitié raisins (cf. Cotgrave « Il n'est ny figue ny raisin. He is neither fish nor flesh ; hot nor cold ; there is nothing in him ») n'aurait pas le sens de "demeurer indécis" (cf. ni chair, ni poisson) ?
6. entre la haye et le bled Vigenere dans M 1609 s.v. Haye (v. 5 supra) ; FEW le définit "dans un endroit peu fréquenté", pourtant Cotgrave le glose autrement : « Prendre entre la haye, & le bled. To surprise, or take vnprouided » s.v. Bled, « Pendre [sic] entre la haye, & le bled : &, entre la haye, & le fossé. To surprise, take vnawares, or set vpon on a sudden » s.v. Haye ; 'surprise' et 'indécision' s'accorderaient mieux en co-occurrence que les interprétations données pour chaque locution par FEW.
7. a) « Simples, Herbes diuerses seruant en medecine ceux qui en font profession, s'appellent, Simplistes, Herbistes, Herboristes » M 1609 s.v. Simple ; cf. C : « Herbiste : com. An Herbist, or Herballist ; one that vnderstands the nature, and temper of hearbes » ;
b) M 1609 trouve la variante herliste chez La Popelinière : « Herliste. H. F. » s.v. Herboriste ; Ø t. lex. (cf. FEW, herboliste (1530 ; 1688 ; 1694) ; TLF, herboliste 1545) ;
c) simples (M 1609, v. 7a ci-dessus) est attesté au pluriel à partir de 1660 par FEW (11,635b).
8. « Rareté & secheresse de la terre, Amy. op. » Amyot, d'après M 1609 s.v. Rareté.
9. « Ratierement. La nature en faisant ses ouurages procede fort ratierement à cachettes, Vig. Im. » Vigenere 1578, d'après M 1609.
10. « Vn remue-mesnage, Turbulentus homo, curiosus, ardelio » S 1599 s.v. Mesnage ; cf. C : « Remuë-mesnage : m. A stirring, turbulent, vnquiet, seditious person ; one that affecteth change, nouelties, innouations » ; FEW distingue deux sens "celui qui met du désordre partout" (1611-1640), "personne turbulente, qui aime la nouveauté" (1808-1858) qui, au moins chez Stoer et Cotgrave, n'en sont qu'un.
11. « Repartie incidieuse & piquante, Acerba instantia » B 1607 s.v. Repartie.
12. « Vne herbe appellee rosee au Soleil, ros solis, rorella » B 1607 s.v. Rosee ; cf. C : « Rosée du soleil. Sunne-dew, Ros solis, Youthwort ; an hearbe then moistest, and most couered with dew, when the Sunne lyes hotest on it ».
13. « Tourneployer. Le son des cloches, qu'on tourneploye de quelque cousté que lon veut, Vig. Im. » Vigenere 1578, d'aprés M 1609.
14. « Trencher du grand » B 1607 s.v. Trencher ; cf. C : « Trencher du grand. To take a great deale of state vpon him ».
15. « Il y a aussi entre les vstensilles d'Imprimerie, vn Tympan, ou peau de parchemin, seruant à la presse » S 1599 s.v. Tympan ; cf. C : « Tympan [...] also, a Printers Timpane ; that whereon he layes the sheet, or leafe thats to be printed ».
16. a) « Les Roignons, Renes, sont deux ronds morceaux de substance ferme, assis pres de la veine caue, attirans par les veines emulgentes, & par certains longs conduits, nommez Oureteres ou vriniers, l'excrement du sang, nommé vrine, qu'ils charient en la vessie » S 1599 s.v. Roignon ;
b) oureteres (S 1599, v. ci-dessus) Ø t. lex. ; Gdf (10,823) donne ureteres (Canappe, Rabelais).
17. a) « Zest, c'est ceste petite peau ou cartilage, qui est au dedans de la noix, d'où que quand nous voulons estimer vn homme de peu de valeur, nous disons qu'il ne vaut pas vn zest, homo nihili » B 1607 ;
b) Cotgrave répète les mêmes informations : « Zest : m. The thicke skin, or filme whereby the kernell of a wall-nut is diuided // Il ne vaut pas vn Zest. He is not worth a dodkin, straw, rush, a pinnes head, the taking vp » ; FEW transcrit incorrectement : cela ne vaut pas un zest "c'est une chose de peu de valeur" (Cotgr 1611-1771).
18. « Brifer, Helluari, manger gouluement. Brifeur, Helluo » S 1599 s.v. Brifau ; cf. C : « Brifer. To deuoure, eate hastily, feed rauenously, or like a hungrie glutton // Brifeur. as Brifaut ».
Une autre catégorie de mots, mal étudiée dans les dictionnaires historiques, est celle des termes de linguistique. Le GDFL contient, entre autres, les vocables suivants :
1. adjoinct "mot (formellement, syntagmatiquement) associé" (Ø t. lex.) : « Le mot de Cens, Censif, Censiue, auec ses adioincts se dit diuersement en françois, comme [...] Seigneur Censier, ou Censuel [...] Chef-sens. premier cens, droit, gros ou menu à la difference de surcens [...] Cens requerable [...] Double Cens, à la difference du simple [...] Cher cens [...] Cens truant, ou Cens mort [...] Cens heredital, ou à vie [...] Censier, qui doit le cens au Seigneur censuel » S 1606 s.v. Cens.
2. composé, n.m. "mot composé" (FEW (8,66b), depuis 1596) : « Le composé Patouiller, signifie mesler vne chose solide en une autre molle & liquide » S 1599 s.v. Touiller ; + S 1606 s.v. Coulper, Poisonneux, Quelque, Tres.
3. derivé, n.m. "mot dérivé" (GLLF, fin 18e s.) : « Le mot se prend pour les deniers patrimoniaux, domaniaux, exigez & casuels des Princes : dont vienent les deriuez Financier, Surintendant des finances, &c. » S 1599 s.v. Finances ; + S 1603 s.v. Aspre ; S 1606 s.v. Deshonorer, Despecer, Quelque.
4. françoiser (Gdf (9,656a), La Porte, Epith. ; FEW (3,751a), hapax 16e s.) : « Vedette [...] Parole Italienne françoisée » M 1609 s.v. Vedette.
5. lettre "partie de la macrostructure d'un dictionnaire" (Ø t. lex.) : « dont sera parlé en la lettre S » S 1606 s.v. Brassage.
6. parole "adresse de la macrostructure d'un dictionnaire" (Ø t. lex.) : « Nicot mesmes en son dictionaire, en la parole, compaignon de guerre, improprie ce mot en disant, c'est vn abbaissement flatteur » M 1609 s.v. Improprier.
7. pointé, en parlant de la prononciation, d'un accent (cf. FEW (9,589b), poynter « lire en observant la ponctuation » Palsgr 1530) : « Poincter, vne prononciation qui est d'vn accent bien pointé. T. d. H. » 1551, d'après P 1609 s.v. Poincter.
8. proche, n. "forme analogue" (Ø t. lex.) : « Mais plustost il vient de Aliquis, aliqua, aliquod, vel aliquid, & des deriuez, ou composez, & relatifs & proches d'iceux » S 1606 s.v. Quelque.
9. relatif, n. "forme analogue" (Ø t. lex.) : S 1606 s.v. Quelque (v. 8 ci-dessus).
10. simple, n.m. "mot simple" (FEW (9,635a), depuis 1647) : « Vsez du simple, Hair » S 1599 s.v. Enhair ; « Vsez du simple Plaindre » S 1603 s.v. Complaindre.
11. substantiver (FEW (12,357a), 1380, 1487, DuBell, depuis 1842) : « Beau, substantiué, Mon beau pour ma beauté. Rons. » P 1609 s.v. Beau.
12. suranné "vieilli" (FEW (24,624b), depuis 1646) : « voyez Souldart [...] Le mot de Soldat est en vsage, l'autre est suranné » S 1599 s.v. Soldat ; « Mais telle maniere de parler est surannee & hors d'vsage » S 1606 s.v. Oultrage.
13. verbal, n.m. (FEW (14,276a), 1677-1688) : « Assortiment, verbal de assortir » M 1609 ; « Ioincte, iunctio, verbal de ioindre » id.
Mentionnons, pour conclure, les unités lexicales absentes des dictionnaires historiques ou attestées à des dates bien postérieures que nous commentons plus loin dans la discussion de l'exploitation du GDFL faite par Cotgrave [10].
Deux éditions se distinguent des autres par le sérieux de leur approche : celles de Stoer et de Marquis. Jacob Stoer est le seul héritier « légitime » du Dictionaire françois-latin, Jacques Dupuys, imprimeur-éditeur de la quatrième édition de 1573, lui ayant demandé d'imprimer la cinquième édition [11]. Stoer prend soin dans ses préfaces d'expliquer la genèse de son édition et en partie la nature de ses révisions. Pierre Marquis, serviteur dévoué de son père et du libraire Jean Pillehotte, se fait aussi un devoir de détailler la provenance de ses matériaux et son propre rôle. Jean Baudoin, Jaques Voultier, Guillaume Poille et Pierre de Brosses sont simplement nommés comme auteurs-pourvoyeurs de révisions [12].
La méthode de Stoer se caractérise par l'utilisation de différents symboles pour indiquer les archaïsmes et les ajouts de mots français et d'équivalents latins ; l'addition, dans le corps d'un alinéa existant, de remarques de prononciation largement codifiées et d'informations linguistiques diverses (orthographe, usage, variantes, synonymes, étymologie) ; l'ajout de plusieurs longs alinéas (empruntés à François Ragueau). Stoer peut être considéré comme un vrai réviseur : le rapport des alinéas augmentés aux alinéas nouveaux est de 7 à 1 [13]. Dans les autres éditions le rapport est inversé. La méthode de base de celles-ci consiste à faire des annotations dans les marges d'un exemplaire d'une précédente édition du dictionnaire [14] ; les annotations sont par la suite généralement imprimés en alinéas indépendants placés dans le texte à des endroits plus ou moins appropriés. La méthode des annotations marginales se prête surtout à des alinéas courts ; l'édition de Poille en est le modèle par excellence. Des alinéas construits se trouvent chez Marquis et Voultier. Dans le cas de Marquis, il s'agit de listes d'épithètes ronsardiennes élaborées vraisemblablement par son père [15]. Dans celui de Voultier, il y en a de trois sortes : des emprunts au Thresor de Nicot ; la réunion en un de plusieurs alinéas existants ; quelques développements de polysémie [16]. Typiques aussi de la méthode de Voultier sont l'emploi à l'intérieur d'un alinéa du pied-de-mouche pour distinguer les différents sens d'un mot et le grand usage de la copule Voyez (parfois codifiée en V.) pour signaler des synonymes [17]. Le trait distinctif de l'édition de Poille est la copule passe-partout pour dans la formule « X pour Y » [18]. [18a]
Aux dires d'Alexandre Pernet, premier imprimeur de la dernière édition du GDFL, celle de de Brosses, « Ce Dictionaire François-Latin a esté imprimé plusieurs fois en diuers lieux depuis le trespas de Iaques Dupuys. Et iamais ne s'en est faicte nouuelle Edition qui n'ait esté amplifiee par les hommes doctes qui l'ont enrichie, selon qu'ils ont iugé conuenable pour le soulagement & contentement des Estrangers desireux d'apprendre la langue Françoise, & des François estudians en Latin. » [19]. L'épître dédicatoire (survivance du DFL de Jacques Dupuys) ajoute une troisième dimension, unilingue, le dictionnaire s'étant montré « [d'] vne vtilité grande à tous desirants entendre la proprieté de la langue Françoise. » [20]. En fait, l'édition de de Brosses est la seule à donner une importance égale aux deux langues. Dans la même épître, retenue aussi par les éditions de Stoer et de Poille, il n'est question que du français, étudié à l'étranger et expliqué dans le DFL jusque dans son vocabulaire le plus rare et le plus technique ; Dupuys ajoute : « [...] tous liures de telle parure sont en premier lieu escrits pour le soulagement de tout estranger, desirant de bien & parfaictement entendre nostre langue [...] ». Le dédicataire étant allemand, Stoer, dans sa préface (gardée par l'édition de Poille), fait de la nation allemande le principal destinataire du dictionnaire. L'abrégé de grammaire française qu'il y met, et que reproduisent toutes les éditions ultérieures, s'adresse expressément à la jeunesse allemande [21]. En effet, le dictionnaire français-latin visait surtout les écoliers et les étudiants. L'épître de Dupuys parle des dictionnaires bilingues d'Estienne comme étant conçus « pour soulager la Ieunesse » ; Morillon emploie le même mot en 1607 dans son « Imprimeur au lecteur philologien » qu'il met en tête du recueil de proverbes, et dans la préface de l'édition de Voultier il nous apprend que les accents sont mis sur les mots latins « pour l'vtilité des ieunes escoliers ». Jean Pillehotte se serait résolu de rééditer le GDFL, étant « affectionné à l'aduancement de la ieunesse » [22].
Sauf dans les éditions de de Brosses et de Voultier, le GDFL fut considéré comme un dictionnaire français. Morillon parle, en 1607, de « ce recueil de Dictions Françoises » et de « ce grand Dictionnaire François » [23] ; Marquis parle lui aussi du « grand Dictionaire François » [24] ; à partir de 1603, Stoer fait accompagner son édition d'un recueil de proverbes « qui vous fera voir beaucoup de richesses de nostre langue Françoise » (cette remarque préliminaire est aussi gardée en tête du recueil dans l'édition de Poille). Pour l'édition de Voultier, en revanche, Morillon, bien que promettant l'étymologie et la dérivation de tous les mots français, affirme aussi que l'ouvrage qu'il publie est muni des équivalents grecs et des accents latins [25].
Le nom de Jean Nicot (sur la page de titre de toutes les éditions du GDFL) et, dans un degré moindre, celui de Robert Estienne (dans l'épître dédicatoire de Dupuys gardée dans les éditions de Stoer, Poille et de Brosses) eurent une valeur publicitaire ; l'épître de Dupuys, en reproduisant l'historique du dictionnaire, en constituait le pedigree. Le contraste entre les déclarations souvent exagérées des titres et préfaces et la réalité du contenu du dictionnaire Stoer et Marquis y font exception s'explique en grande partie par la concurrence. Les ouvrages pédagogiques offrant aux imprimeurs et aux libraires un marché de choix, ceux-ci, se copiant à qui mieux mieux, se disputent la clientèle en se plaignant des indélicatesses commises par leurs rivaux.
Ce fut une concurrence à trois niveaux. D'abord, à celui des éditions, Morillon s'indigne en 1612 de « quelque pedanterie glissee » dans l'édition de Marquis [26], après s'être attaqué en 1607 à l'édition de Stoer, traitant celui-ci d' « andabate » [27]. Chez Morillon encore on trouve une mention du deuxième type de concurrence, celle qui existait entre Lyon et Genève. Morillon fait dresser pour l'édition de Baudoin un long privilège, dont nous citons l'extrait suivant : « Laquelle copie ou liure l'exposant desireroit faire imprimer & mettre en lumiere : mais il craint qu'apres auoir employé vne grande fortune de deniers à faire imprimer ledit liure, qu'autres personnes abusans du labeur d'autruy le voulussent semblablement imprimer auec noms supposez, & des lieux où ils ont esté imprimez, soit en petite lettre ou grandeur de volume, pour le reduire à moitié de grosseur & de prix, & le ainsi faire imprimer aux villes estrangeres, & iceluy liure debiter & trafiquer secrettement en nostredit Royaume [...] ou [...] pour desguiser ledit liure y faire adiouster quelque augmentation. » On fera remarquer que les livres genevois, prohibés en France, portaient souvent le nom de Cologny ou paraissaient sans indication de lieu ; les formats, papiers et prix genevois étaient tous inférieurs à leurs équivalents lyonnais [28]. C'est le privilège le plus explicite à ce sujet, quoique la plupart des formules fussent universelles. Dans l'épître dédicatoire que Claude Larjot substitue à celle de Dupuys pour l'impression qu'il fait en 1625 de l'édition de de Brosses, il vante la supériorité de sa propre production par rapport aux précédentes impressions de la même édition faites en 1620 et 1621 respectivement « à Geneue, & Yuerdun, où l'on sçait le peu de soin qui s'apporte d'ordinaire à la correction ». Il ne s'agit pas pourtant de la simple hyperbole publicitaire. Dans la même année de 1625 eut lieu à Lyon le procès d'un imprimeur genevois, Paul Marceau. Les livres genevois étant meilleur marché et moins bien faits que ceux de Lyon, « on comprend donc que les imprimeurs lyonnais, voisins et de tout temps rivaux de ceux de Genève, cherchaient à prévenir et à écraser cette redoutable concurrence » [29]. Lors du procès de Marceau, on fit dresser par les imprimeurs genevois et lyonnais deux listes contenant les noms des ouvrages que chaque ville prétendait avoir le droit exclusif d'imprimer. Il est intéressant de noter que le « Dictionnaire de Nicod » ne figure que sur une des listes, celle de Genève [30].
Enfin, nous trouvons une mention de l'existence d'une rivalité entre le GDFL et le Thresor de Nicot, et c'est encore un Lyonnais, Larjot, qui l'exprime. Dans sa postface à l'édition de Marquis, Larjot, écrivant en 1608, parle de « ce beau & grand Dictionaire, qu'on pourroit bien beaucoup plus iustement appeller le Thresor de la langue Françoise, que cet autre qu'on t'a faict voir il y a deux ans ». En fait, les deux ouvrages étaient de conception foncièrement différente ; le Thresor, ayant revêtu le dictionnaire d'une perspective historique, était destiné aux érudits, alors que le GDFL, adoptant dans l'ensemble une perspective synchronique, s'adressait aux jeunes étudiants.
Il n'est pas sans intérêt d'observer que ce sont les petits éditeurs ou imprimeurs de Baudoin, Voultier, de Brosses (rééditions mineures du GDFL) par rapport à Stoer et à Marquis, Marquis par rapport au Thresor qui éprouvent le besoin de se défendre. Seule l'édition de Poille, perdue dans la « province » que représente Paris dans l'histoire du GDFL, reste en dehors des querelles.
Une autre lecture du dictionnaire peut se faire sous l'angle de la querelle de religion opposant les calvinistes genevois aux catholiques de Lyon. Le fondateur du dictionnaire français-latin, Robert Estienne, s'était réfugié en 1550, lors des premières persécutions, à Genève, d'où une bonne partie de sa production partait, comme pour le reste de l'édition genevoise, se vendre dans les foires allemandes [31]. Aussi n'est-il pas surprenant que Jacques Dupuys, beau-frère d'Estienne, ait dédié les troisième et quatrième éditions du Dictionaire françois-latin à un Allemand et que Jacob Stoer, héritier du DFL et originaire d'Allemagne, ait gardé la dédicace de Dupuys [32]. Cette même dédicace paraît encore dans l'édition parisienne, et non partisane [33], de Poille et refait surface dans celle de de Brosses (v. ci-dessous). Le dictionnaire de Stoer connaît un autre sort dans les éditions lyonnaises publiées par Claude Morillon et Jean Pillehotte, ce dernier imprimeur de la Ligue [34]. L'ancienne dédicace, dans laquelle il est question du réformé Estienne, y disparaît au profit d'autres, adressées à des catholiques : l'édition de Baudoin est dédiée au Duc de Montpensier, celle de Voultier à un duc de Guise, celle de Marquis à l'ancien archévêque de Vienne. Le dictionnaire de Marquis repart dans la région genevoise, où il est revu par un Gessien, Pierre de Brosses, reparé de l'ancienne dédicace de Dupuys utilisée par Stoer, imprimé par un Genevois, Alexandre Pernet [35], et publié à Cologny, Lyon et Genève (ces deux dernières parutions pour le compte de Jacob Stoer II) [36]. L'édit de Nantes n'avait rien fait pour faciliter la vente en France de l'édition genevoise et il était encore souvent nécessaire de recourir à l'utilisation du nom de Cologny comme désignation du lieu de publication. Le privilège du roi obtenu moyennant finance par Pernet en 1614 faisait partie également du même type d'astuces [37]. En 1609 l'imprimeur genevois Pyrame (ou Pyramus) de Candolle, qui en 1621 allait publier l'édition de de Brosses à Yverdon, fut chargé par le gouvernement de Genève d'une mission auprès de Henri IV pour essayer d'obtenir le droit de circulation en France des livres genevois ; tout fut remis en question l'année suivante, lors de la mort du roi [38]. L'édition de de Brosses finit par être « récupérée » par Lyon catholique : l'imprimeur de Marquis, Claude Larjot, la dédie en 1625 à Ferdinand de Neufville, abbé de Saint-Wandrille.
Comment ce va-et-vient entre Genève calviniste et Lyon catholique se traduit-il dans le texte des éditions du GDFL ? On a vu les remontrances que Stoer adresse à son lecteur pour le maintenir dans la bonne voie [39]. Si le salut, la prédestination et la trinité n'ont pourtant rien de spécifiquement calviniste ces items de Stoer sont gardés dans toutes les éditions postérieures , les citations de Ronsard sur l'église réformée de Genève que Marquis met dans son édition sont résolument anti-calvinistes [40]. Elles sont toutes enlevées par la suite à l'édition de de Brosses, laquelle omet aussi la référence à la messe que Marquis avait ajoutée à la définition donnée par Stoer de prone [41].
Les choses ne sont pourtant pas aussi simples ; le texte que révise de Brosses est moins le GDFL augmenté par Marquis que les additions faites par Marquis au GDFL, additions en majorité faciles à repérer puisque marquées d'un astérisque. Prenons l'exemple de l'article MESSE : chez Marquis il comprend un premier alinéa contenant des équivalents latins et une étymologie, et huit items bilingues signés du nom de Budé, descendus tous les neuf du DFL de 1549 ; plus trois items ajoutés par Marquis et marqués d'un astérisque, dont deux bilingues. Parmi les neuf premiers, on trouve messe solennelle, celebrer messe, dire une haute messe ; les trois ajouts sont « Messe haute, Messe basse, Messe matiniere. », « Messel, Missale, ritus faciendi sacri. Missal. » et « Dire vne messe du Sainct Esprit, rem diuinam facere Paracleto Spiritui. » De Brosses garde tous les anciens items stéphaniens (dont haute messe), supprime le premier ajout de Marquis (messe haute...) notons qu'il n'est pas bilingue , garde le deuxième et change le troisième en : « Dire vne messe de S. Pierre, de S. Paul, du S. Esprit, Rem diuinam facere, Diuo Petro, Paulo, Paracleto Spiritui. » C'est le dernier qui surprend. Il remonte en fait au DFL (depuis 1549) ; Stoer 1593 le garde, S 1599 le supprime ; Marquis le remarque sans doute sur l'exemplaire annoté par Guichard [42] et le récupère en le modifiant ; de Brosses connaît aussi le DFL ou S 1593 et le rétablit. Si l'on veut chercher des motifs religieux dans tout cela, on dira pour le cas présent qu'en bon calviniste Stoer ôte la référence à l'intervention des saints, mais que Pierre Marquis et de Brosses sont plus préoccupés par des considérations lexicographiques et pédagogiques que par un désir de faire de la propagande.
Le « Dictionnaire de Nicot », Thresor de la langue françoyse ou Grand Dictionaire françois-latin, est exploité par d'autres lexicographes.
V. Smalley a clairement démontré l'utilisation du Thresor faite par Cotgrave [43] ; elle pense que Cotgrave a pu aussi mettre à contribution le GDFL, qu'elle connaît mal [44]. D'après les exemples suivants, ou bien Cotgrave prend (une partie de) ses informations dans le GDFL, ou bien les deux les prennent dans une source commune antérieure.
1. GDFL, Cotgrave et source commune nommée
a) Stoer 1599, Cotgrave et Vigenere [45] :
S s.v. Bricoles : « Bricoles & Dondaines, entre les anciens
François estoyent machines
de guerre, pour battre & defendre murailles. Voyez. Vigenere en
ses Commentaires sur
Caesar »
C : « Bricole [...] also, a kind of engine wherewith, in old time, they beat
downe walls »
b) Marquis, Cotgrave et Amyot ou Vigenere [46] :
M s.v. Acuité : « * Acuité, puis de feu qui est son
acuité, Mordicante, incisiue, &
penetratiue. Vig. chal. // * Qui ont vne pointe & acuité, qui mord &
vlcere. Amy. op. »
C : « Acuité [...] Acuitie, sharpenesse, keenenesse ; piercing,
subtiltie »
M s.v. Addouer « * Et là s'attachoient rudement addouez homme
à homme. Idem [Vig.]
Imag. »
C : « Addouez homme à homme. Fastened, clasped,
grappled [...] »
M s.v. Adjonction : « * Apres l'adionction de la. Im. Vig. chal. //
* Vous y voyez beaucoup
d'adionctions de bastiments. Amy. op. »
C : « Adjonction [...] An adiunction, addition, or ioyning
vnto »
M s.v. Adscrire : « * Adscrire les grands capitaines attribuent &
adscriuent leur beaux
faicts à la fortune, & à leur bon ange. Amy. op. »
C : « Adscrire. To ascribe, attribute, impute, referre
[...] »
M s.v. Algorisme : « * Algorisme, idem
qu'Arithmetique. Vig. Chiff. »
C : « Algorisme [...] The Art, or vse of Cyphers, or of numbring by
Cyphers ;
Arithmetick, or a curious find therof »
M s.v. Boistuser : « * Boistuser, Le Vulcain boitusant &c. Vig.
Im. »
C : « Boistusant, Limping, halting » / « Boitouser.
To limpe, halt ; be lame of a leg »
M s.v. Bourre : « * Bourre, ce peu de rosee, & de bourre, qui vien
dessus les fleurs. Amy.
op. »
C : « Bourre [...] also, the downe, or hairie coat wherewith diuers hearbes,
fruits, and
flowers are couered »
M s.v. Briller : « * Briller, les chiens brillent apres la piste de la
perdrix // * Briller c'est
desirer ou pourchasser quelque chose auidement impatiemment, ces chiens là
qu'Esope dict brilloyent apres certains cuirs, qu'ils voyoyent flotter sur l'eau, Amy. op.
// * Brillant apres vn thresor qui luy sera apparu, Idem »
C : « Briller apres. Greedily to couet, or lust after »
M s.v. Broc : « * Vig. Imag. Escrit brot, Apporte m'en icy vn bon brot
à fin que i'arrouse
mon entendement »
C : « Brot. as Broc ; A flagon, or great
tankard »
c) Poille, Cotgrave et Ronsard :
P s.v. Acherontee : « } Acherontee, ame acherontee. Rons. Acherontide
Rons. »
C : « Acheronté [...] Plunged in Acheron, drowned in Hell
// Acherontide. Ames
Acherontides. Damned soules »
P s.v. Adenter : « } Adenter tout plat à bas.
Rons. »
C : « Adenté tout plat à bas. Fallen down
[...] »
P s.v. Ambitieux : « } Ambitieux, pour ardemment desireux &
convoiteux. Rons. »
C : « Ambitieux [...] Ambitious ; greedie of honors ; desirous
of promotion »
P s.v. Barbelé « } Barbelé, fleches barbelees. Rons. & Bell.
sur Rons. »
C s.v. Barbelé : « Flesche barbelée. A bearded, or barbed,
arrow »
2. GDFL, Cotgrave et source commune non nommée probable
a) Stoer 1603
S s.v. Bachelette « Bachelette, Picardis, Puella, Ancilla »
C : « Bachelette [...] A young, and marriageable girle, maid, or
wench. ¶ Pic. »
Hug cite Fauchet [1581]
b) Stoer 1606
S s.v. Laie : « Laie. est vn bois mesuré, & qui a certaine
quantité d'arpens de taillis &
fustaye, Sylua mensurata // Laier. C'est marquer les lais en vn bois taillis auant la
Coupe d'icelui pour les y laisser »
C : « Laie : f. Wood-ground, by measure, or quantitie or
Arpens // Laïer. c'est marquer les
lais en vn bois taillis avant la couppe d'iceluy, pour les y laisser »
Ragueau : « Laie. Est bois par mesure ou quantité d'arpens // Laier [...]
C'est marquer les lais en
un bois taillis avant la coupe d'iceluy, pour les y laisser » [47]
c) Baudoin et les naturalistes
B s.v. Ambre : « Ambre gris sorte de liqueur
aromaticque »
C : « Ambre gris. Ambergreece, or gray Amber [...] vsed in
perfumes »
FEW (19,7a) cite Du Pinet 1562
B s.v. Barbier : « Barbier, Antias, m. espece de poisson de
mer »
C : « Barbier [...] also, a certain fish, as Poisson
sacré »
Smalley (p. 137) cite Rondelet
B s.v. Baveuse : « Baueuse, Pholis, espece de poisson de mer
ainsi appellé, parce qu'il se
couure tout de la baue qu'elle-mesme iette, pour en icelle se reposer comme dans vn
lict »
C : « Baveuse [...] A certain skalelesss fish, that couers her selfe when she
lists with her
owne foame »
TLF cite Rondelet
B s.v. Mirallet : « Mirallet, oculata, f. c'est un poisson de mer
espece de raye »
C : « Miraillet : m. A Thornebacke which hath on either of her sides,
or finnes, a great
eye-like spot ; (a hard, and vnwholesome fish.) »
Smalley (p. 130) cite Gesner, Rondelet, Belon
B s.v. Tiburon : « Tiburon poisson de la mer indicque »
C : « Tiburon [...] A kind of sea-Calfe, in the Indian
sea »
Gdf cite Joubert (1588), traducteur de Rondelet
d) Marquis
M s.v. Abester : « * Abester, fournir de bestes // *
Abesté, qui a des bestes »
C : « Abesté [...] that hath an horse to ride on »
Smalley cite Bouchet d'après Hug, La Curne [48]
M s.v. Ambezas : « * Ambezas, poinct de dé, sont les deux
as »
C : « Ambesatz. Ambes ace, or two acez at dice »
Smalley cite Bouchet d'après Gdf, Hug
M s.v. Bouer : « * Bouer, mot de monnoyeurs, & se dit des courreaux
quand on les
refrappe sur les coings pour les arrondir »
C : « Bouër [...] also (among Mintmen) C'est refrapper les
carreaux pour les arrondir »
Hug cite H. Estienne, Precellence
M s.v. Tiles : « * Tiles, parole Grecque, signifiant ces petites limeures,
& petits lopins de
poussiere, qui vollettent par les trous, où passe la lumiere du Soleil »
C : « Tiles [...] The small moats of dust appearing, and wauing vp and
downe, in the
Sunne-beames which come into a roome at the crannies, or holes of walls,
&c. »
Hug cite Amyot, Propos de table
e) Poille
P s.v. A : « } A est aussi la marque d'vn tres-homme de bien en ce
Prouerbe, Il est
marqué à l'A, prouerbe emprunté des Monnoyes lesquelles
on marque és villes de
France par l'ordre abecedaire selon leurs primautez, & pour ce que Paris est la
metropolitaine, la monnoye que l'on y forge est marquee à l'A, & de
meilleur alloy &
poids qu'és autres villes, pour estre les Monnoieurs d'icelles esclairez de plus pres par
les Generaux des Monnoyes »
C : « Il est marqué à l'A : he is a right honest
man : or, one in whom there is as much
vertue, as great worth, as can be in any man : (From the monie of France ; euery sort
whereof hath stamped on it a particular letter, denoting the place wherein it was
made ; now, that which is coined in Paris hath on it an A, and is, commonly,
of the
best mettall.) »
Dans H. Estienne, Precellence
3. GDFL, Cotgrave et source commune non nommée possible
a) Stoer
S 1599 s.v. Barbe : « [Faire à Dieu barbe de foarre, Praua
religione Deum solicitare] faut
dire, faire à Dieu gerbe de paille, Deo impiè illudere »
C s.v. Barbe : « Faire barbe de foarre à [...] especially in matters of
religion wherein this phrase is
most, and best, used ; but then instead of Barbe there must be Gerbe ; Looke
Gerbe » ; s.v.
Gerbe : « Faire gerbe de foarre à dieu »
Hug cite Calvin
S 1599 s.v. Bizarre : « Le mot signifie autant que fantastique, & le
dit on aussi d'vn
habillement de diuerses pieces de couleurs confusement attachees les vnes aux autres.
Item des choses naturelles meslees par grande diuersité : ou des artifices fantastiques,
& où l'ouurier a voulu faire rire les spectateurs »
C : « Fantasticall, toyish, odde, humorous, giddie headed, selfe conceited,
haire
braind ; also, diuers, or diuersified in fashion, or in colour ; and hence ;
// Habillement
bizarre. A garment of motley, or of sundrie colours, distinguished be seuerall
peeces »
S 1599 s.v. Bourdeur : « † Bourdeur, iangleur, controuueur de comptes
à plaisir,
Nugator, nugigerulus »
C : « A mocker, ieaster ; cogger, lyer, foister, guller of
people »
S 1599 s.v. Brimbaler : « Danser, saltare, Quelquefois il
signifie bransler : comme faire
brimbaler les cloches, Campanas agitare »
C : « Faire brimbaler les cloches. To set the bells agate »
S 1599 s.v. Tarder : « [Targer] mot ancien,
Tarder est en vsage maintenant »
C : « Targer. as Tarder (Among old
Authors) »
S 1599 s.v. Traversin : « Cheuet, coussin de lict, grand oreiller, qui se met
en long
contre le dossier du lict. l'Alleman le nomme Kussin : l'Espagnol
Cabeçal, para la Cabeça,
c. reposoir de teste »
C : « Traversin [...] also, a bed-boulster »
b) Marquis
M s.v. Amit : « * Amit, ou Amict, Amictus, c'est vne piece
de linge, dont le prestre
s'affuble, avant que vestir l'aulbe »
C : « Amict : m. An Amict, or Amice ; part of a massing
priests habit »
M s.v. Amourette : « * Amourette petites & follastres amours c'est
aussi vn nom de
Fleur, assez cognuës »
C : « Amourettes : f. Loue-tricks ; wanton loue-toyes, ticking,
ticklings, daliances ; also,
the grasse [...] »
M s.v. Barbe : « * Faire la barbe, mettre en barbe : treuuer en
barbe »
C : « Faire la barbe à [...] // Mettre en barbe à [...] // Trouver en
barbe [...] »
M s.v. Bouchet : « * Bouchet, du Bouchet, sorte de boisson faicte auec de
l'eau, du sucre
& de la canelle »
C : « Bouchet [...] or, a drinke made of water sweetned with sugar and
cinnamon »
M s.v. Breve : « * Breue, c'est la quantité de l'ouurage, qu'on a
accoustumé de bailler à
l'ouurier, ou monnoyer pour forger, »
C : « Breve : f. The mettall which is, at one time, deliuered vnto a
Coyner, or money-maker, to be wrought ; called thus, because the quantitie thereof is
briefely specified
in a Ticket »
M s.v. Broche : « * Couper broche oster le moyen »
C s.v. Broche : « Couper broche à. To preuent, or take away
th'occasion of »
Peut-être Rabelais
M s.v. Timbre : « * Timbre d'vn horloge, c'est la
clochette »
C : « Timbre [...] also, the bell of a little Clocke »
c) Poille
P s.v. Adjournement : « } Adiournement, quand il fait
iour »
C : « Adjournement [...] also, a growing towards day »
P s.v. Bossettes : « } Bossettes de harnois de cheual »
C : « Bossette [...] also, a stud on any part of a horses
furniture »
P s.v. Bouterolle : « } Bouterolle d'espee »
C : « Bouterolle : f. The chape of a sheath, or
scabberd »
P s.v. Brasse : « } Brasse, sorte de mesure »
C : « Brasse [...] or measure of fiue foot »
P s.v. Tassettes : « } Tassettes de haubert »
C : « Tassette [...] & the Tasse of an Armor (in which sence it is most
commonly vsed
plurally) »
P s.v. Touaille : « } Touaille, linge, seruiette »
C : « Toüaille : f. A Towell »
P s.v. Tristeur : « } Tristeur, tristesse »
C : « Tristeur : f. as Tristesse »
P s.v. Tru : « } Tru, tribut truage »
C : « Tru : m. as Trüage ; or, as
Treu // Trüage : m. A toll, custome, tax, imposition »
4. Items pour lesquels GDFL est la première source connue [49]
a) Stoer
S 1599 s.v. Barbacane : « Aucuns estiment que ce soit ce qu'auiourd'huy
l'on appelle
Casematte, les autres pensent que ce soit ce que nous disons maintenant sentinelle, ou
eschauguette »
C : « Barbacane [...] A casemate [...] some hold it also to be,
a Sentrie, Scout-house, or
hole »
barbacane « échauguette » (Ø t. lex.)
S 1599 s.v. Blé : « Blé leger, Spelta, Espeaute.
C'est vn blé qui fait le pain leger, &
sauoureux : mais peu nourrissant »
C : « Bled leger. Spelt, or Zea ; a corne which makes light and
sauorie, but not verie
nourishing, bread »
blé leger (Ø t. lex.)
S 1599 s.v. Bourrelerie : « on dit d'vn inepte artisan, qui ne sçait
pas son mestier, Qu'il
bourrelle la besoigne, c'est à dire la gaste, & despece indignement
l'estoffe »
C : s.v. Bourreller « Il bourrelle la besongne. (Said of a bungling artificer)
he spoyles both
worke and stuffe »
bourreler la besoigne (Ø t. lex.)
S 1599 s.v. Taion : « [Auus]
Picard »
C : « Taïon : m. A great grandfather : ¶
Pic. »
Picard taion (Ø t. lex.)
S 1599 s.v. Tostée : « Picard [Panis
tostus] »
C : « Tostée : f. A toast of bread : ¶
Pic. »
Picard tostée (Ø t. lex.)
b) Marquis
M 1609 : « Bouiotte, petit trou és colombiers, ou les pigeons
nichent, Columbarium »
C : « Bouïotte : f. A pigeon-hole in a
doue-cote »
(Ø t. lex.)
M 1609 s.v. Timbré : « Cerueau mal
Tymbré »
C s.v. Timbré : « Cerueau mal timbré. An idle, ignorant,
or ill-furnished braine ; a wit
that wanteth fit, or due ornaments »
cerveau mal tymbré (FEW (13.2,453b),
1636-1878)
c) Poille
P 1609 : « Branches, d'vne bride ou harnois de cheual »
C : « Branche [...] also, the cheeke of a bit »
branches d'une bride (Li, s.d.)
P 1609 : « Broches ou miroirs d'vn porc sanglier ce sont ses dents, qui luy
sortent »
C : « Broches [...] also, the tusks, or tushes, of a horse ; or wild
bore »
broches d'un porc (Li, s.d.)
Sans aller chercher d'autres cas de concordance qui doivent exister entre les deux dictionnaires, nous pensons avoir réuni assez d'éléments pour pouvoir affirmer que Cotgrave a dû connaître au moins une, sinon plusieurs, éditions du GDFL. On ne peut rejeter de l'hypothèse ni Baudoin 1607 (voir repartie, rosee au soleil, trencher du grand, zest à 3.2), ni Marquis 1609, ni Poille 1609. Tous les items de Stoer que nous avons cités à part ceux de Stoer 1606, dont la source et pour Stoer et pour Cotgrave fut Ragueau se retrouvent dans ces trois éditions-là.
Entre Cotgrave et Furetière 1690, nous ne trouvons qu'aient utilisé le GDFL, ni Monet 1636, ni Oudin 1640, ni Ménage Origines et Observations, ni Borel 1655, ni Richelet 1680. Pour Ménage, qui cite souvent Nicot, le « Dictionnaire de Nicod » et le « Dictionnaire François de Nicod » sont synonymes du « Trésor de la Langue Françoise de Nicot ». De même, le « Dictionnaire de Nicot » dont parle Borel est bien le Thresor de 1606.
Dans ses Factums, Furetière confronte les travaux de l'Académie française avec les dictionnaires de Nicot, Monet, Oudin et Richelet pour montrer la dette des académiciens envers leurs prédecesseurs. Il explique que l'édition de Nicot qu'il utilise pour sa démonstration est « l'édition de Lyon, in-quarto, chez Claude Morillon en 1613 » [50] c'est-à-dire Voultier 1613. Pourtant, quand il nous dit aussi que « Charpentier jetta à la tête de Tallemant un dictionnaire de Nicot » [51], il ne précise pas lequel...
Dans son propre Dictionnaire universel, Furetière utilise de « Nicod » et le Thresor et Voultier 1613, mais surtout ce dernier. Sous les lettres Ca- à Cl-, il cite le nom de « Nicod » 42 fois ; les informations qu'il donne viennent indifféremment du Thresor ou du Voultier dans 41 cas ; s.v. Charivari, l'information « Nicod derive ce mot du Grec karibari, qui signifie pesanteur de teste provenant de trop boire, ou d'entendre trop de bruit, ou d'autre chose » viendrait plutôt de Voultier (« Chariuari, Tradúctio, catamidiátio. . ebrietas, grauédo cápitis ex ebrietáte, vel tumúltu, aut vertígine. Le mot Grec signifie proprement pesanteur de teste, soit de trop boire, d'entendre trop de bruit, ou autrement »), que du Thresor (« Chariuari, Traductio, Catamidiatio. . ebrietas, grauedo capitis ex ebrietate, vel tumultu, aut vertigine ») ou de Stoer 1606 (« Chariuari, Traductio, Catamidiatio. . ebrietas, grauedo capitis ex ebrietate, vel tumultu, aut vertigine. Ce mot se dit de gens à demi yures, qui en grand bruit font des insolences par les ruës »). L'item suivant viendrait d'un ajout fait par Voultier :
F s.v. Canceller : « Ce mot vient du Grec kinklizo, qui signifie
proprement, Environner une chose
de quelque treillis, afin qu'on n'en puisse pas approcher »
cf. V : « il vient du Grec , qui signifie proprement enuironner
de quelque
chose de treillis, à fin qu'on n'en puisse pas approcher »
Les exemples suivants viennent à l'origine de Stoer et sont tous dans Voultier mais non dans le Thresor :
F s.v. Auvent : « On a dit autrefois Oste-vent, & Nicod veut
qu'on le prononce ainsi, parce qu'il
rabat & oste la force du vent »
S 1603 : « [Auuent] pron. Ost-vent, pource qu'il
oste & rabat la force du vent »
F s.v. Feste : « Ce mot vient du Latin festus. Nicod »
S 1603 : « [Il vient de Festum] ou plustost
de Festus dies, c. Laetus »
F s.v. Histoire : « Nicod veut que ce mot vienne du Grec historein,
signifiant considerer &
connoistre »
S 1599 : « C'est un mot tiré du graec historéin
qui signifie considerer & cognoistre »
F s.v. Marquis : « Ce mot vient, selon quelques-uns des Marcomans
qui occupoient la Marche
de Brandebourg ; ou selon d'autres, de mark Allemand qui signifie
Limite ; ou de marcisia, qui
en langage Celtique signifioit une aisle de Cavalerie, comme le témoigne
Pausanias. Nicod
croit qu'il vient d'un mot grec corrompu Nomarchia, signifiant Province,
comme
Danomarchia a esté dit de la marche de Dannemarch [...] »
S 1593 : « Marquisat, Marchia, Marchiae nomen alij à
Marcomito Francorum duce, alij à
Marcomannis deducunt, quos aliquando rerum potitos esse constat eo loci vbi principatus est
Brandeburgensis. Nonnulli factum putant vel à Marck dictione Germanica,
quae limitem
significat, vel à Marcisia Celtico vocabulo, quo Equitum ala significatur. Nam
(vt Pausanias
scribit) veteres illi Celtae qui fuerunt in exercitu Brenni, alam equitum sua lingua Marcisiam
dixerunt. Mihi verò videtur nomen esse Graecum & corruptum.
Nomarchia enim Graecè dicitur
prouincia, vnde prima syllaba ablata haud dubiè natum est hoc vocabulum Marchia »
[la
référence à Danomarchia est contenu dans le texte
hérité s.v. Marque]
F s.v. Messe : « Nicod aprés Baronius dit que ce mot de
messe vient de l'Hebreu Missach, qui
signifie oblatum ; ou de missa mossorum, par ce qu'on mettoit
en ce temps-là hors de l'Eglise
les Catechumenes, & les excommuniés [...] »
S 1599 : « Aucuns le tirent de Missa, Missorum, i. choses
enuoyées : ou du congé donné
à l'assemblée, Ite, missa est ou de la coustume de mettre hors les
catechumenes &
autres forclos de la communion » [la dérivation de l'hébreu est dans
le texte hérité]
F s.v. Mommon : « Nicod dit que ce mot vient de mon, mon,
à cause que les masques à qui il est
deffendu de parler que par signes, disent entre leurs dents mon mon »
S 1599 : « On estime que les masquez qui vont courant de nuict par les
maisons pour
baler & iouer, ont esté appellez Mommons, pource qu'en lieu de parler distinctement,
ils ne prononcent que ces mots confus Mon, Mon »
Comme preuve de l'utilisation du Thresor, nous nous contenterons d'un exemple absent du GDFL :
F s.v. Berner : « Nicod dit qu'il vient de Hibernia, où il
pretend qu'on porte encore de
semblables vestements faits d'un drap grossier & velu, qu'on appelle
bernée »
Thresor : « Il peut venir de Bernie, qui signifie vne grosse
sorte de mante veluë faite de
rude laine, dont les Irlandois vsent pour vesture »
Furetière n'aurait utilisé ni Marquis, ni Poille. Une des raisons du succès de l'édition de Voultier réside probablement dans le fait qu'elle cherche à établir un équilibre entre le dictionnaire d'usage (proportions des articles et format du GDFL) et le dictionnaire d'érudition (les nombreux emprunts qu'elle fait au Thresor) [52].
Le Dictionnaire universel continue à être édité durant tout le XVIIIe siècle sous l'appellation familière de Dictionnaire de Trévoux. Une bonne partie des mentions de Nicot y sont maintenues (31 sur les 42 sous les lettres Ca- à Cl-).
Nous savons que les Académiciens avaient à leur disposition un exemplaire de Stoer 1605 [53]. En revanche, il n'est pas certain que ils se soient servis de Voultier 1613 dans la composition de leur dictionnaire. Tous les items que Furetière cite dans les Factums comme venant de Nicot se trouvent indifféremment dans le Thresor, Stoer 1605 et Voultier 1613.
Le passage du temps a voulu que, du moins dans le domaine de la lexicographie, le nom de Nicot ne soit plus rattaché qu'au Thresor de la langue françoyse (et très secondairement au Dictionaire françois-latin de 1573). L'identité du GDFL, jamais clairement perçue, s'est complètement estompée [54]. Le Französisches Etymologisches Wörterbuch de Walther von Wartburg (depuis 1921) utilise cependant plusieurs éditions du GDFL en les confondant en partie avec le Thresor. Le premier Supplément bibliographique (1950) donne les titres suivants :
p. 104 : « Mor 1608 = Nouveau Dictionnaire français-latin, oeuvre cueillie és escrits des plus doctes, et entre autres de M. Nicod, et soigneusement reueue par J. Baudoin ; Lyon, Morillon, 1608. » (Une note informe le lecteur qu'il s'agit essentiellement d'une réimpression du Thresor [sic].)
p. 105 : « Nic 1614 = Nicot, J., Thresor de la langue françoyse, éd. de De Brosse ; Paris 1614. » [sic] (Ni Baudoin 1608, ni de Brosses 1614 ne sont mentionnés dans le dictionnaire lui-même ; ils ne figurent pas non plus dans la bibliothèque du Centre du FEW.)
p. 117 : « Stoer 1625 = Le grand dictionnaire françois-latin ; J. Stoer 1625. »
p. 121 : « Voult 1613 = Le grand Dictionaire françois, latin et grec, par J. Voultier ; Lyon, Morillon 1613. » (Identifié correctement comme une révision de Baudoin 1608.)
Dans les pages du FEW, de Brosses 1625 et Voultier 1613 (encore) sont souvent cités comme dates limites d'usages lexicaux attestés d'abord dans les premiers dictionnaires de la série des Estienne-Nicot dont le GDFL représente la fin.
Sur l'ensemble de la production du GDFL il reste peu d'exemplaires [55]. En faisant la part de l'insuffisance des données dont nous disposons exemplaires dont nous ignorons l'existence, manque d'informations sur le cheminement entre le libraire et la bibliothèque détentrice [56] , nous pouvons néanmoins, à partir du tableau donné dans la deuxième partie de la Bibliographie [57], remarquer certaines tendances. Les parutions genevoises de l'édition de Stoer se trouvent dans des bibliothèques suisses, allemandes, écossaise, anglaise et en France au sud de Genève [58]. Les impressions « genevoises » faites à Genève ou à Yverdon de l'édition de de Brosses sont représenteés dans des bibliothèques suisses, allemande, écossaise, anglaise et en France au sud de Genève ou près de Genève. Les éditions lyonnaises Baudoin, Voultier, Marquis, de Brosses chez Larjot ont du mal à voyager vers le Nord de la France : Baudoin à Lyon, Bordeaux et Avignon ; Voultier à Grenoble et à Lyon, mais quand même à Troyes et à Verdun également ; Marquis à Bourg-en-Bresse, Bordeaux et Nîmes. Seul « Larjot 1625 » fait une percée à Paris. Le Nord Abbeville, Amiens, Le Mans, Nantes, Rouen, (Verdun), surtout Paris est dominé par les éditions parisiennes et rouennaises de Stoer et de Poille. D'après nos statistiques rudimentaires, l'édition genevoise de Stoer est la moins « francisée », l'édition de Poille la plus ; abstraction faite de Poille (et aussi de l'Amérique du Nord), nous connaissons autant d'exemplaires du GDFL hors de France qu'à l'intérieur de l'Hexagone. Toutes ces constatations, en fait peu surprenantes, contrastent avec les chiffres dont nous disposons pour le dictionnaire rival du GDFL, le Thresor de la langue françoyse : sur 59 exemplaires européens du Thresor répertoriés en 1977, 47 sont détenus par des bibliothèques françaises [59]. Elles viennent compléter le raisonnement que nous avons avancé dans l'Introduction pour expliquer la méconnaissance du GDFL.
[Table des matières]