FRE 345H5
Teaching and Learning French Since the 1970s

Notes de la semaine 3

Méthodes d'enseignement de la langue (cf. le document "Articulation des théories et de la pratique")

Approches "grammaire/traduction" vs. "audio-linguale" vs. "communicative" vs. "suggestopédique" vs. "communautaire" vs. "cybernautique".

Questions:
• Comment le rôle de l'enseignant a-t-il évolué?
• Comment le rôle de l'apprenant (élève, étudiant) a-t-il évolué?
• Comment l'espace d'apprentissage a-t-il évolué?
• Comment le matériel didactique (le manuel, les textes de lecture) a-t-il évolué?
• Comment les travaux ont-ils évolué?

Immersion vs. submersion

Pour comprendre l'idée de base derrière cette opposition, pensez à une piscine qui a à un bout un petit bain (shallow end) pour les personnes qui ne nagent pas ou nagent mal et à l'autre bout un grand bain (deep end) pour les bons nageurs et les plongeurs. Si vous êtes dans le petit bain avec les pieds solidement plantés sur le fond et que vous mettez tout votre corps, tête comprise, sous l'eau, il s'agit d'une immersion ; en revanche, si on vous jette à l'eau dans le grand bain et que vous vous trouvez, ne serait-ce qu'un moment, entièrement sous l'eau, il s'agit d'une submersion ("sink or swim").

JR p. 41 évoque, en citant un article de Pierre Calvé ("Vingt-cinq ans d'immersion au Canada, 1965-1990", Études de linguistique appliquée, 82 (1991)) l'opposition immersion vs. submersion en parlant de l'immersion sauvage en Belgique, pays souvent comparé au Canada en ce qu'il a deux langues officielles – dans le cas de la Belgique le français (ou wallon) et le néerlandais (ou flamand).

Un document en ligne intitulé "Enseignement immersif des langues", publié par le conseil de la commune belge de Frasnes-Lez-Anvaing, contient le paragraphe suivant :

Dans le contexte montréalais des débuts du développement des programmes d'enseignement immersif, l'opposition correspond, pour les enfants anglophones, à l'immersion en français des programmes offerts par les écoles protestants anglophones et la submersion en français des programmes des écoles catholiques francophones. C'est le premier modèle, avec variations, qui a été retenu pour la suite du développement des programmes d'immersion française au Canada. (Cf, aussi JR, pp. 50-51.)

Caractéristiques de l'immersion au Canada

• Apprentissage indirect de la langue seconde par le biais des matières scolaires enseignées dans cette langue.
• Le programme vise le développement d'un bilinguisme qui permettrait, en plus de la maîtrise de la langue première, le développement des compétences langagières dans la langue seconde.
• La méthodologie tente de rapprocher la pédagogie de la langue seconde de celle de la langue maternelle.
• Maîtrise fonctionnelle du français à travers les quatre habiletés (Ouellet). (JR pp. 50-54)

Énoncés de principes et de caractéristiques (JR pp. 56-62)
    • Principes du Guide d'immersion précoce du ministère de l'Éducation de la Nouvelle-Écosse (JR pp. 56-57).
    • Caractéristiques générales dérivant d'Ouellet et Genesee.
    • Caractéristiques socioculturelles de Genesee.
    • Caractéristiques pédagogiques de Genesee.
    • Caractéristiques méthodologiques d'Ouellet.
    • Caractéristiques d'une méthodologie centrée sur les activités (projets) de Stevens.
==> points saillants : apprentissage naturel (vs. systématique, formel) et développement d'une compétence communicative ; développement des facultés cognitives, affectives, sociales ; priorité du contenu sur la forme (et corrections sélectives) ; passage graduel d'un enseignement centré sur l'enseignant vers un apprentissage centré sur l'apprenant ; importance de la movivation chez l'apprenant.

Structures de l'immersion française

• Immersion totale vs. immersion partielle (JR p. 65).
• Immersion précoce vs. immersion moyenne vs. immersion tardive (JR p. 66).
• Écoles à voie multiple (JR. pp. 67-68).

Assises théoriques de l'enseignement par immersion

Questions de départ (JR pp. 68-69) :
• L'immersion dans une langue seconde constitue-t-elle la meilleure façon d'assurer le développement de cette langue chez un enfant?
• À quel moment un enfant est-il prêt à étudier dans sa langue seconde?
• L'immersion doit-elle être limitée aux enfants dont les capacités intellectuelles sont supérieures?
• Un enfant soumis à ce type d'enseignement peut-il apprendre autre chose que la langue seconde?
• Ne risque-t-il pas de mettre en danger l'apprentissage de sa langue maternelle?
• L'immersion est-elle une menace pour l'identité socioculturelle des enfants?

Les études avant 1960 ont en général mené à des conclusions négatives. On voit des études canadiennes à résultats positifs à partir du début des années 1960. Trois champs théoriques pris en considération : neurolinguistique, psycholinguistique et sociopsychologie. On tient compte de Vygotsky (1962) qui a dit que le fait de pouvoir exprimer la même pensée dans des langues différentes rendrait un enfant capable de s'apercevoir que la langue n'est qu'un système de communication parmi beaucoup d'autres ; l'enfant deviendrait ainsi sensible aux opérations linguistiques. Au sujet de l'âge idéal pour apprendre une langue seconde, on n'est toujours pas d'accord sur la question de savoir si l'enfant est oui ou non moins apte après la puberté. Les études en psychologie sociale tendent à montrer que l'enfant est plus ouvert à l'apprentissage d'une deuxième langue parce qu'il n'a encore développé ni préjugés défavorables ni attitudes débilitantes. (JR pp. 69-71)

Conclusions théoriques tirées des recherches sur l'immersion

1. Le bilinguisme et les rapports L1-L2

Points positifs relevés par Cummins et Swain (1986) :
• Le bilinguisme peut aider les enfants à analyser des données linguistiques et à développer leur conscience métalinguistique, dont une sensibilisation aux relations sémantiques entre les mots et une amélioration de l'analyse des structures phrastiques. (JR p. 73)
• Le bilinguisme aurait des effets positifs sur le développement cognitif des enfants ; ceci se montre, par exemple, dans des tâches de formation de concept. (JR p. 73)
• Pour Cummins-Swain, quatre facteurs sont nécessaires pour la réussite d'un programme scolaire de bilinguisme : un enseignement solide de la langue première ; une valeur et un prestige positifs accordés aux langues première et seconde à la maison et dans la communauté ; plus le niveau socio-économique de la famille de l'enfant est élevé, meilleurs sont les résultats ; les résultats sont en général meilleurs dans les programmes d'immersion que dans les programmes de submersion. (JR pp. 73-74)

Dodson (1981) observe que l'élève bilingue a une langue qu'il préfère employer selon les fonctions et les situations. (JR p. 74)

Notion du niveau-seuil. Ouellet (1990) : "Pour qu'il y ait transfert de la compétence cognitive de la langue maternelle à la langue seconde, il faut que les élèves aient atteint un niveau-seuil de compétence dans la langue maternelle." (JR p. 76)

Cummins & Swain (1986) parlent de l'importance dans le bilinguisme de l'interdépendance linguistique entre L1 et L2. (JR p. 76)

Notion de l'interlangue. Selon Selinker (1972) et Selinker-Swain-Dumas (1975), les productions orales et écrites en langue seconde des élèves des programmes d'immersion représentent un système linguistique particulier, appelé interlangue, qui n'est celui de la langue seconde visée, ni celui de la langue première. Swain (1985) prône donc la nécessité d'une production compréhensible obligeant les élèves à un emploi cohérent et efficace de la langue. (JR pp. 78-79)

Apprentissage de L2 à travers les matières scolaires

Krashen (1984) : acquisition langagière naturelle par la compréhension de messages vs. mémorisation, étude, exercices structuraux. Seule la première serait efficace chez l'enfant comme chez l'adulte. À ses yeux, "L'immersion nous a appris que l'enseignement compréhensible d'une matière est bel et bien un enseignement de la langue." (JR p. 77)

Niveau de maîtrise du français (JR pp. 81-111)

Les études des programmes d'immersion sont nombreuses et, inévitablement, se contredisent sur plusieurs points. Les principales questions de départ sont :
• Quels sont les effets de l'immersion sur l'apprentissage du français langue seconde?
• Un enseignement immersif affecte-t-il le niveau de développement de la langue première des enfants, en l'occurrence l'anglais?
• Est-ce que le fait d'enseigner des matières scolaires comme les mathématiques ou les sciences dans la langue seconde a des effets sur le rendement scolaire des enfants?
• Quelles sont les répercussions psychologiques et sociales de l'immersion?
• Les programmes d'immersion sont-ils faits pour tous les enfants? En particulier, peut-on inscrire à de tels programmes les élèves qui présentent des risques élevés d'échec scolaire? (JR pp. 81-82)

Conclusions concernant la premère question (Quels sont les effets de l'immersion sur l'apprentissage du français langue seconde?). De manière générale, les résultats concernant l'immersion précoce sont les mêmes que ceux concernant l'immersion tardive sauf qu'ils sont relativement meilleurs pour le premier type d'immersion.

La différence entre conclusions favorables et conclusions défavorables est, en général, une différence de degré. Les observateurs sont d'accord pour trouver que la compréhension (de l'oral et de l'écrit) est supérieure à la production (ou expression orale et expression écrite). L'accent étant mis sur la communication (approche communicative), on constate des faiblesses au niveau de la grammaire, du vocabulaire, des registres (niveaux de langue) et de la prosodie (prononciation, intonation, rythme).

Observations particulières :
• Pour certains observateurs, la compétence en compréhension ne concernerait que le contexte scolaire et laisserait l'élève assez démuni dans une situation de langue naturelle en dehors de l'école. À ce sujet Bibeau parle de "comptétence extralinguistique" (pour le deuxième type de situation), que l'on pourrait appeler aussi "compétence pragmatique". Lyster utilise l'expression "parler immersion" (premier type de situation).
• Certains observateurs trouvent que le français des élèves est une interlangue contenant un grand nombre d'anglicismes et de fautes de toutes sortes (notamment fautes de genre, d'accord, de temps verbal). Quand les fautes deviennent enracinées, on parle de fossilisation des erreurs.

Les attentes des observateurs seraient différentes : d'un côté, ceux qui voient le but des programmes d'immersion comme donnant aux élèves une compétence fonctionnelle ; de l'autre, ceux qui voudraient que ces programmes mettent les apprenants en prise directe avec les milieux qui parlent français.
==> Remarques (RW) : 1) Dans quelle mesure le deuxième but est-il réaliste dans un cours d'immersion française donné à Mississauga ou à Toronto? 2) À votre avis, quel est le meilleur moyen d'être en prise directe avec les gens qui parlent français?

(RW) On observe que les groupes contrôles utilisés dans les comparaisons de mesure de maîtrise du français sont surtout des classes de francophones. Autrement dit, on mesure le degré de maîtrise du français en comparant des compétences en langue seconde avec des compétences en langue première.

JR conclut (pp. 110-111) en disant qu'on "s'accorde [...] pour reconnaître que les capacités productives des élèves de l'immersion n'atteignent pas celles des locuteurs natifs, mais qu'elles dépassent celles des élèves ayant appris le français dans des programmes traditionnels."