Elle emprunte la deuxième partie de son titre à un ouvrage de François Remigereau: Recherches sur la langue de la vénerie et l'influence de Du Fouilloux dans la littérature et la lexicographie (= R1963). Ce volume contient des recherches sur la langue de la vénerie en partant du traité de Du Fouilloux, mais n'aborde pas vraiment la question de son influence dans la littérature et les dictionnaires, comme le constate Georges Straka dans l'avant-propos qu'il ajoute à cette publication posthume dont il est l'éditeur. Les lexicographes comme Nicot ou Littré, les dictionnaires comme le Trévoux ou le Dictionnaire général, ne sont évoqués par Remigereau que pour appuyer une glose ou comme exemples de mauvaise interprétation.
Si Straka est le premier critique de l'ouvrage de Remigereau, son critique le plus sévère, et qui ne pardonne pas à Straka de l'avoir publié, est Gunnar Tilander, qui sort sa grosse artillerie pour le faire. Il y consacre un livre au titre saugrenu Littré et Remigereau comme lexicographes (= T1968) et profite de l'autorité que lui confère son statut de directeur de la collection Cynegetica dans laquelle il le fait paraître pour ériger deux emblèmes de censure en entrée de jeu: 1) sur la page de titre, Tilander se dit « Docteur en droit, Docteur ès lettres, Docteur en philosophie, Doctor en derecho, Associé de l'Institut de France de Paris, Membre des Académies de Madrid, Lisbonne, Barcelone, de l'Academia de la Historia de Madrid, de l'Accademia dei Lincei de Rome, de l'Académie des Belles-Lettres de Stockholm, de l'Académie royale de Lund, de l'Académie Gustave-Adolphe d'Upsal, The Hispanic Society of America de New York, Membre d'honneur du Consejo superior de investigaciones científicas de Madrid, etc. » -- on apprécie beaucoup le « etc. » à la fin; 2) il dédie son ouvrage « À la memoire du grand lexicographe, Maître des maîtres, ÉMILE LITTRÉ, 1801-1881 » et reproduit le célèbre portrait dont on imagine la sévérité du regard dirigée par Tilander vers le malheureux Remigereau et en même temps, de façon cocasse, dirigée par le lecteur -- qui vient de prendre connaisance de la page de titre -- vers l'impertinent Tilander qui ose comparer le grand savant du XIXe siècle à un obscur chercheur de Strasbourg. L'objectif avoué de Tilander est en fait de défendre l'oeuvre de Littré contre les critiques mal fondées de Remigereau, qui aurait « cherché à vitupérer le grand savant » (T1968: 125) -- et manifestement de défendre aussi son amour-propre de spécialiste de cynégétique vivement blessé par les critiques philologiques que Remigereau lui avait adressées dès 1952 (voir R1952 ci-dessous).
Laissons ces querelles pour entrer au vif de notre sujet.
C'est cette même édition de 1561 (= F) qui va nous servir de point de référence dans la discussion qui suit et c'est celle que nous avons saisie sur ordinateur et convertie en base de données interactive (voir la base Du Fouilloux en ligne interrogeable sous TACTweb).
Le nom de Du Fouilloux est cité 62 fois: 44 fois en 1573, puis 19 mentions ajoutées en 1606. Les articles contenant au moins une occurrence du nom de Du Fouilloux sont les suivants: a) 1573: AMEUTER, BAUDS, CERNE, CHALEUR, CHENIL, COMMUN, COUPLE, CROISER, DESCOUPLE, EMPLIR, ESPIÉ, FORCENANT, FORPAÏSER, GASTINE, HERIGOTÉ, HERIGOTEURE, HERPÉ, LIMIER, MASTINER, MOT, NAISTRE, NOIR, ONDÉE, PIECE, PIQUER, PORTÉE, POURCHASSER, QUATROILLE, RACE, REBAUDY, RECHAUFFER, RETOURNER, RETROUSSÉ, RUIT, RUSER, SEUR, TAVELÉ, TOURNOYER, TRACE, VENT; b) 1606: BACQUET, BARICAVE, BASSET, CHACE, CHACER, DINTIERS, ESCLAMME, FORME, GAIGNAGE, GIBBIER, LANCER, MUSE, RAMURE, SENGLIER, TRAC, VENERIE.
La pratique citationnelle de Nicot à l'égard de Du Fouilloux est caractéristique de sa méthode générale:
L'intérêt du GDFL de Stoer, Marquis et Poille n'est plus à démontrer (voir, par exemple, outre Wooldridge 1992a: Chambon & Wooldridge 1990; Wooldridge 1992b, 1993/1998, 1996/1998, 1998). Pour ce qui est du traité de Du Fouilloux, Poille le cite nommément 96 fois, s.v. AMEUTER, ANDOILLIERS, ARMES, ARRES, ASSENTIR, AVIER, BAILLARGE, BAILLOT, BARRAUT, BAUDE, BAUX, BOSQUERESQUES, BRAIMER, BRANSLER, BUISSON, CARNAGE, CHAIR, CHANGE, CHARBONNIERE, CHEVILLEURES, CLERAUT, CONTREPIED, COUPLE, COURIR, CUIDER, DEFENSES, DRESSER, EFFILER, EMPUNAISIR, ESCLAMÉ, ESGAIL, ESPIEE, ESSORER, ESVERER, FONCER, FORHUS, FORHUER, FORT, FOULE, GAIGNAGE, GREFFIER, GRESLE, GRIS, HAQUEBUTIERS, HARDER, HOISE, HOURVARIS, HUMECTIFIER, JOINTES, JOUBAR, JUSTE, LAICTEE, LANCER, LICE, MAILLE, MALMENER, MARCHER, MARTEAU, MATRAS, MEMBRE, MEUTE, MIRAUD, NAGER, NÉ, NEZ, ORIENTÉ, PARLER, PIECE, QUESTER, RECELER, RELAIS, RELEVER, REPOS, REQUERANT, REQUESTER, RERE, ROUTES, SENER, SOUILLARD, TAILLE, VENAISON, VENENEUX, VENT, VERMET, VIANDY, VOYÉ.
Il faut noter que Poille, tout comme Jean Marquis dans ses Adversaria (cf. Wooldridge 1992a: 154), exploite Du Fouilloux comme bon témoin du lexique de son temps; certains items relèvent donc de la langue de la vénerie, d'autres du lexique général non technique. Témoins éloquents de cette optique sont les mots qui sont attestés chez plusieurs auteurs par Poille: defenses d'un sanglier, d'un cerf (F), defense d'un sanglier (Ronsard); dresser un cerf (F), dresser un apprest (Ronsard); foule de piqueurs (F), combattre en foule (Belleau); lancer le cerf (F), lancé au coeur (Du Bellay); lice 'chienne' (F et Ronsard), haute lice (Amyot); maille de presse (F), grosses ou menues mailles (Belleau); chiens marchez (F), marcher quelqu'un, marcher les fleurs (Ronsard); un cerf de repos (F), cerf lancé de son repos (Belleau); taille 'bois taillis' (F), taille d'antique (« Triomphe de Henry »); avoir bon vent, grand vent et sentiment (F), vent Aquilon (Ronsard).
La pratique citationnelle de Poille est plus ou moins la même que pour le « Triomphe de Henry », analysée dans Wooldridge 1993/1998. Nous nous contenterons ici de donner quelques exemples typiques.
Notes
1. Page d'accueil de RenTexte.
2. L'expression chiens terriers est introduite dans la table des
chapitres remaniée à partir de la première
édition parisienne (Galiot du Pré, 1573).
3. Le Recueil des Mots, Dictions & Manieres de parler en l'Art de
Venerie que Galiot du Pré ajoute à son édition
parisienne de 1573 puise abondamment dans cet appendice de 1549. Ainsi, on
y lit: « ALligner la Louue: elle se faict alligner au
Loup. » (Nous citons le Recueil d'après
l'édition composite d'Adolphe Ardant, Limoges, 1973.)
Chambon, Jean-Pierre & T.R. Wooldridge (1990). « Une source
méconnue pour l'étude de l'occitan d'Auvergne au XVIIe
siècle: le Dictionnaire de Marquis (Lyon 1609) »,
Revue de linguistique romane, 54, 377-445.
F = Du Fouilloux, Jaques. La Venerie, Poitiers: de Marnefz, &
Bouchetz freres, 1561.
N1 = Nicot, Jean. Dictionaire françois-latin, Paris: Jacques
Dupuys, 1573.
N2 = Nicot, Jean. Thresor de la langue françoyse, Paris: David
Douceur, 1606.
P = Poille, Guillaume. Le Grand dictionaire françois-latin,
Paris: Vve Guillaume Chaudiere, François Gueffier, Joseph Cottereau,
1609.
R1952 = Remigereau, François. Jacques Du Fouilloux et son
traité de La Vénerie, Publications de la Faculté
de l'université de Strasbourg, fasc. 117, diffusé à
Paris, par Les Belles Lettres, 1952.
R1963 = Remigereau, François. Recherches sur la langue de la
vénerie et l'influence de Du Fouilloux dans la littérature et
la lexicographie, Publications de la Faculté de
l'université de Strasbourg, fasc. 142, diffusé à Paris,
par Les Belles Lettres, 1963.
T1967 = Tilander, Gunnar. Jacques Du Fouilloux: La Venerie et
L'Adolescence, Cynegetica XVI, Karlshamn: Johanssons, 1967.
T1968 = Tilander, Gunnar. Littré et Remigereau comme
lexicographes, Cynegetica XVII, Karlshamn: Johanssons, 1968.
Wooldridge, Terence Russon (1970). « Sur la trace du Grand
dictionnaire françois-latin », Cahiers de
lexicologie, 17, 87-99.
Wooldridge, Terence Russon (1992a). Le Grand Dictionaire françois-latin (1593-1628): histoire, types et méthodes. Monographie
et base de données,
Toronto: Éditions Paratexte, iv-277 + disquettes.
Wooldridge, Terence Russon (1992b). « Balbutiements
dictionnairiques », Mélanges Léon (éd.
P. Martin), Toronto: Éds Mélodie-Toronto, 545-50.
Wooldridge, Terence Russon (1993/1998). « Le 'Triomphe de Henry':
étude lexicologique et métalexicographique », Le
français préclassique, 3, 5-41; rééd. en
ligne.
Wooldridge, Terence Russon (1996/1998). « Le lexique
français du XVIe siècle dans le GDFL et le
FEW », Zeitschrift für romanische Philologie,
114, 210-57; prééd. en ligne.
Wooldridge, Terence Russon (1998). « Ronsard chez les
lexicographes de la Renaissance »,
version en ligne mise
à jour d'une étude à paraître (sans les
appendices) chez Ilias (Paris) dans une édition, établie par
C. de Buzon et P. Martin, des Amours de Ronsard commentées par
Muret (1553).
Bibliographie