M. Bierbach, "Trois précurseurs de Ménage en France au XVIe siècle : Bovelles, Le Bon et Bourgoing"

Introduction

Lorsque l'historiographie de l'étymologie se fait dans la perspective de l'étude des langues romanes, l'on adopte souvent la position de Friedrich Diez, lequel qualifia de pré-scientifiques toutes les tentatives étymologiques entreprises avant les siennes [1]. Or, cela signifie que le chercheur présuppose pour les travaux sur l'étymologie indépendants de la date de leur parution, un but visé et une méthode tous deux à priori valables [2]. En revanche, ceci déforme vite le regard porté sur les structures spécifiques de la pensée, les traditions et les questions scientifiques qui définissent chaque époque respective ayant pratiqué l'étymologie.

Aussi serait-il intéressant pour écrire une histoire de l'étymologie en France de quitter la perspective habituelle et de considérer la période qui s'étend du XVIe siècle, avec ses premières applications de l'étymologie à la langue vulgaire jusqu'au XIXe siècle, avec sa proclamation d'une méthodologie par Diez, non pas comme la pré-histoire de l'étymologie, mais comme une époque autonome. Pour faire un premier pas dans ce sens, nous nous proposons de présenter et d'étudier trois ouvrages du début de cette période [3]. Au fil de notre communication, nous projetons de soumettre chacun de ces trois ouvrages du XVIe siècle aux deux questions suivantes qui nous serviront de fil d'Ariane pour notre enquête : 1) comment les trois auteurs caractérisent-ils respectivement la langue nationale ? 2) quelle conception ont-ils de l'étymologie [4] et dans quel but l'appliquent-ils à la langue vulgaire ?

1. Bovelles

Soumettons ces questions d'abord au premier (terme à prendre dans le sens chronologique) des trois ouvrages que nous proposons d'étudier ici, au Liber de differentia vulgarium linguarum et Gallici sermonis varietate [5], paru en 1533 et dont l'auteur, Charles de Bovelles, érudit picard, est surtout connu pour ses ouvrages sur la géométrie.

Afin de comprendre les raisons pour lesquelles Bovelles associe les étymologies de mots français en tant qu'argument aux réflexions théoriques de sa première partie, il s'agit tout d'abord de répondre à la première des deux questions posées ci-dessus : Quelle conception l'auteur a-t-il du français ?

Tout comme l'a fait Dante auparavant, Bovelles qualifie outre le français, l'italien et l'espagnol de formes altérées [6] du latin [7]. Le latin est la substance dans le sens aristotélicien du terme, à laquelle les savants ont donné une forme stable et immuable [8]. Celle-ci est exposée à l'utilisation irréfléchie [9] qu'en font les personnes non-savantes. Aussi les langues vulgaires représentent-elles la mise en forme d'une substance commune constamment exposée aux mutations spontanées du locuteur [10].

Cependant, en ce qui concerne la lingua Gallica, Bovelles observe à l'intérieur de ses frontières géographiques une extraordinaire variété,

En outre, Bovelles constate que les mots de la langue parlée sur le sol gaulois ne peuvent certainement pas tous provenir du latin et que la lingua Gallica ne peut par conséquent être réduite à la pure forme dérivée du latin [12]. Mais, bien au contraire, elle contient nombre de mots « qui passent, à tort, pour avoir une origine latine » [13]. Quelles sont les raisons qui ont bien pu mener à cette particularité, se demande alors Bovelles. Dans l'unité de la Gaule aux limites géographiques claires, circonscrite par « les Alpes, le Rhin, l'Océan, les Pyrénées et la mer Méditerrannée » [14], il y avait, d'après la description de Bovelles, une unité culturelle et linguistique d'abord gauloise, puis latino-romaine. Les grandes invasions ont cependant laissé des traces linguistiques sur le sol gaulois :

Toujours selon Bovelles, ce sont les influences des peuples étrangers, dont la langue, de par son origine, n'a aucun lien de parenté avec la langue indigène, qui transforment davantage une langue donnée, plus que ne le peut le changement naturel dans une même langue en raison des différences spatiales et temporelles. Bovelles en vient à la conclusion à laquelle il voulait aboutir : le français est certes lié par de nombreux mots à la langue de Rome, mais

Ce caractère hybride, né de la conséquence des événements historiques qui se sont déroulés sur le sol gaulois [17], est de toute évidence une des caractéristiques essentielles de la differentia de la lingua Gallica par rapport au latin. En qualifiant la lingua Gallica de Latina mista, Bovelles reprend à son compte une caractéristique d'un stade très tardif de la langue latine [18] -- caractéristique léguée par Isidore de Séville -- et l'applique à la langue vulgaire française tout en illustrant et en individualisant par le biais des facteurs historiques le point de départ d'Isidore de Séville.

Quelle fonction les étymologies peuvent-elles remplir dans une telle conception du français ? On peut la définir en deux mots : elles ont un caractère démonstratif. En effet, elles ont pour but de démontrer la latinité et parallèlement le caractère hybride du lexique. Les étymologies montrent que le français a une grande part à la latinité [19]. La recherche de nombreuses formes lexicales purement latines, comme c'est le cas dans les listes d'étymologies, révèle le caractère à l'origine latine du français [20]. La démonstration de la latinité a lieu explicitement dans la rivalité consciente et la délimitation distincte vis à vis de l'allemand qui ne peut prouver d'appartenance essentielle au latin ; c'est pourquoi l'allemand est inférieur au français. Mais outre la preuve de la latinité du français, les étymologies peuvent mettre en évidence une deuxième caractéristique de la langue française : La langue de la Gaule est « mêlée » et « différente du parler de Rome » [21] en raison des événements historiques qui se sont produits sur le sol gaulois [22]. La démarche de Bovelles est une tentative de relier la pensée historique quant à la langue dans ses débuts aux représentations statiques du Moyen-âge [23]. Le résultat de ces réflexions historiques est une caractéristique de la langue vulgaire justement aussi en raison de sa « différence du parler de Rome » [24]. Dans son tableau étymologique, Bovelles classe les mots français en trois catégories : ceux qui sont vraiment latins, ceux qui sont étrangers et ceux qui ont été formés artificiellement [25]. C'est aussi une classification qu'entreprend d'une manière tout à fait comparable Isidore de Séville au VIIe siècle au mot-vedette etymologia [26]. On trouve donc trois catégories de mots [27] dans les Tabulae de Bovelles, respectivement selon leur origine et leur formation. Les mots latins sont juxtaposés d'une part aux mots formés artificiellement par les personnes non-savantes sans qu'ils aient eu recours au latin et d'autre part aux mots qui appartiennent aux langues étrangères. Dans ses listes, Bovelles nomme explicitement la forme de l'origine seulement pour le groupe de mots latins ; les mots qui appartiennent au groupe de mots formés artificiellement ou d'origine étrangère ne sont que caractérisés comme tels [28].

Voici quelques exemples pour les trois groupes respectifs :

Grâce aux étymologies de Bovelles, ce sont, outre la latinité, l'autonomie et le caractère différent [30] de la langue vulgaire par rapport au latin qui sautent aux yeux. Si, pour l'étymologie médiévale dans le sens isidorien, le principe de base nomina sunt consequentiae rerum [31] est encore valable, l'idée fondamentale des étymologies de Bovelles, elle, pourrait être en grande partie définie par nomina sunt consequentiae historiae [32]. Ceci représente un changement capital du rôle de l'étymologie. D'un instrument de travail de la philosophie de la connaissance, elle est devenue un moyen de la caractérisation linguistique d'une langue sous un angle historique [33].

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Notes

1. Diez 1887 : Préface, vii. Le chapitre « Abriß der Geschichte der Etymologie » de Jänicke 1991 (8-42) est un exemple (parmi d'autres) illustrant que l'on adopte tout naturellement la perspective de Diez, quand il est question de l'histoire de l'étymologie. La première partie de ce chapitre comprenant la période qui s'étend du XVIe siècle jusqu'au début du XIXe siècle est intitulée « Die vorwissenschaftliche Etymologie » [l'étymologie préscientifique], la deuxième partie traitant des XIXe et XXe siècles, porte le titre « Die wissenschaftliche Etymologie » [l'étymologie scientifique]. Certains ouvrages du XVIe siècle comme ceux de Bovelles et de Le Bon (cf. infra) ne peuvent dans ces conditions être qualifiés que de premières tentatives maladroites. Ces deux ouvrages sont présentés comme les « ersten etymologischen Wörterbücher des Französischen » [les premiers dictionnaires étymologiques du français] (ibid. : 9), cependant « läßt sich in Jean Le Bons Etymologicon (1571) auch kein wirklicher Fortschritt gegenüber Charles de Bovelles' Tabulae (1533) feststellen, da letztlich der Schlüssel zum Verständnis der Sprachentwicklung fehlte » (ibid. : 11).

2. Il est impossible de ne pas voir que ceci constitue également la base de l'argumentation de Jänicke (1991 : 12). Adopter, pour les recherches, une perspective du « pas encore », est un piège au sujet duquel déjà Robert-Léon Wagner (1951 : 124) nous a mis en garde : « Les œuvres du moyen âge et celles de la Renaissance nous mettent devant des façons de comprendre, de sentir, de juger toutes différentes des nôtres. La première chose que nous ayons à faire est d'essayer de les saisir dans leur naïveté, dans leur originalité ».

3. Nous tenterons de les interpréter à partir des prémisses de l'histoire des idées de l'époque. Un point de départ important constitue la constatation de Gerighausen (1963 : 83 sqq.) : « Zu den etymologischen Studien in ihrer Gesamtheit [c.-à-d. au XVIe s.] läßt sich sagen, daß hier besonders Varro und Isidor eine bevorzugte Stellung einnehmen [...] ». Il est indispensable de se référer aux grammairiens latins pour comprendre le rôle que joue l'étymologie dans la discussion linguistique du XVIe siècle, car les auteurs eux-mêmes établissent cette relation soit d'une manière implicite en imitant essentiellement les Anciens, soit d'une manière explicite en citant leurs noms.

4. Sont seuls rangés dans la catégorie étymologie ces phénomènes où l'on voit, dans les ouvrages discutant des questions de langue au XVIe siècle, la tentative d'expliquer les origines d'un grand nombre de mots différents. Ceci est à distinguer de l'emploi du mot étymologie dans le sens de "morphologie", comme on peut le trouver dans les ouvrages de quelques grammairiens humanistes (cf. Kukenheim 1974 : 158-9).

5. Les citations suivantes reprennent la traduction faite par Colette Demaizière ainsi que ses annotations nombreuses sur la vie et l'œuvre de l'auteur dans son édition de l'ouvrage latin de Bovelles. Bovelles vécut de 1478/79 à 1555. Pour les renseignements biographiques (cf. Bovelles 1973 : 15-30). Le Liber de Bovelles est composé de trois parties. La première partie, théorique, et les deux autres parties, étymologiques, sont étroitement liées sur le plan des idées, ce que nous montrerons plus loin ; aussi est-il problématique de qualifier cet ouvrage de Bovelles de « trois petits traités », comme on le lit dans les notes complémentaires du Brunot (1967 : 132, n.1). Bovelles n'a certainement pas voulu entreprendre « den Versuch eines kurzgefaßten etymologischen Wörterbuchs des Französischen » (Bossong 1990 : 152 ; mise en relief de nous ; cf. Jänicke 1991 : 11). Bovelles a voulu bien au contraire, dans la deuxième partie, dresser une liste de mots français, qui étayaient ses réflexions de la première partie, mais qui justement n'appartenaient pas au lexique courant du français de son époque. En réfléchissant, dans la troisième partie, à l'étymologie des noms propres, Bovelles reprend et prolonge la tradition antique d'expliquer les noms propres à partir de l'histoire nationale (cf. Quintilien 1975-80 : 112 sqq. (I.6.31)).

6. Pour caractériser cette mutation, Bovelles reprend à son compte la conception des grammairiens de l'antiquité, selon laquelle une mutation linguistique signifie toujours un éloignement de la forme originelle idéale (v. Bovelles 1973 : Épître dédicatoire, 76). C'est surtout Varron qui a défendu cette idée (cf. plus bas).

7. « Il est clair qu'il y a trois langues tout à fait proches de la langue de Rome : l'italienne, la française, l'espagnole. » (Bovelles 1973 : 76). Cf. Bossong 1990 : 153.

8. « [...] la langue latine dans la bouche des savants, [...] que les règles imaginées par les savants empêchent d'être outragée par les défauts d'articulation. » (Bovelles 1973 : 121). Cette opinion correspond à celle qu'a exposée Dante en appelant le latin grammatica (v. Dante 1968 : 72-3 (ix.11)).

9. À plusieurs reprises, Bovelles évoque les hommes ignorants comme la cause de la mutation linguistique connue par les langues vulgaires (cf., par ex., Bovelles 1973 : Épître dédicatoire, 75).

10. Cette conception a sa source dans la pensée aristotélicienne (Ritter 1972, s.v. DIFFERENZ). Le titre que Bovelles a donné à son ouvrage, De differentia vulgarium linguarum, est donc à comprendre dans ce contexte idéologique.

11. Tout comme Dante, Bovelles développe l'idée selon laquelle les langues sans forme originelle réglée et sans forme de renvoi devaient se diversifier inéluctablement, car, selon lui, la plus petite déviation régionale suffisait à elle seule pour entraîner des modifications phonétiques qui, en s'accumulant, aboutissaient à une mutation linguistique (Bovelles 1973 : 77). Cf. la caractérisation de l'italien chez Dante (1968 : 86-9 (I.x.9)). Apel (1963 : 113) renvoie également à l'idée d'une constante différenciation de la langue chez Dante.

12. Il a pu faire cette constatation par analogie aux réflexions auxquelles Varron avait consacré son Ve livre « De disciplina originum verborum » dans son ouvrage De lingua latina (cf. Dahlmann 1964 : 30).

13. Bovelles 1973 : Épître dédicatoire, 76.

14. Bovelles 1973 : 78.

15. Bovelles 1973 : 78.

16. Bovelles 1973 : 86. Cf. aussi ibid. « J'ai rapidement passé en revue les invasions des barbares qui ont traversé la Gaule et de ceux qui y ont fixé leur résidence, pour montrer que ce n'est pas sans rapport avec le fait que la langue française [« Gallicam linguam »], quoiqu'issue du langage de Rome, paraisse cependant, aujourd'hui, étrangère à lui, mêlée et, pour une bonne part différente du parler romain. » (84). Gerighausen (1963 : 159) indique que l'Italien Flavio Biondo fut le premier, au XVe siècle, à exprimer l'opinion que les invasions barbares germaniques étaient à l'origine de l'altération du latin classique en langue romane vulgaire.

17. Bovelles 1973 : Épître dédicatoire, 76.

18. Voir chez Isidore de Séville (env. 560-636), Isidore : IX.1.6-7, col. 327, où il est question des différents stades successifs de l'évolution de la langue latine, à savoir la lingua prisca, latina, romana, mista. Pour la référence de ce passage chez Isidore de Séville, v. Kukenheim (1974 : 181 et n.3). Quant au rôle des Etymologiae d'Isidore de Séville pour une histoire de l'étymologie en tant que discipline, cf. également Niederehe 1976 (en particulier p.22) et Schweickard 1985.

19. L'étymologie remplit une fonction similaire chez Varron, où elle doit indiquer si un mot est latin ou non (cf. Dahlmann 1964 : 3 sqq.).

20. Bovelles défend la position selon laquelle les langues vulgaires sont inadaptées à la standardisation, chaque variante étant traitée sur le même pied d'égalité sans préférence aucune et s'oppose par là-même à la position prise par l'abbé allemand, Jean Trithème. Ce dernier avait communiqué à Bovelles son projet de créer une langue allemande standardisée qui pouvait, selon lui, se substituer à la langue latine en tant que langue des savants. Bovelles rejette un tel projet (1973 : 123).

21. C'est en intégrant les sources historiques qu'il considérait comme très insuffisantes quant aux événements passés qui se sont produits sur le sol gaulois et en en tirant des conclusions pour l'évolution de la langue qu'il en arrive à qualifier le français comme hybride. Bovelles (1973 : 86) : « [...] diffère du parler de Rome », cf. plus haut. Plus loin, il dit : « Nous nous sommes assez amusé [...] pour enseigner que la langue française a quelques mots venant des Grecs, de très nombreux mots et même une bonne partie de son vocabulaire qui vient des Latins. De même, elle possède d'innombrables mots qui viennent des barbares et n'évoquent en rien la langue latine [...] » (Bovelles 1973 : 89). C'est ici la thèse fondamentale de Bovelles, laquelle le distingue de ses contemporains, qui défendent une dépendance presque schématique par rapport au latin. Ceci explique que l'ouvrage de Bovelles a même été qualifié d' écrit polémique (cf. Gerighausen 1963 : 89).

22. La reconstruction de l'histoire nationale lui fournit en même temps des explications de la différence de la langue parlée en Gaule par rapport à la langue germanique et même latine. Pour la première fois Bovelles établit un lien entre l'histoire politique et l'évolution linguistique en France.

23. La constatation que Bovelles s'oriente vers l'histoire nationale et le passé de la langue de cette nation, qu'il appelle Gallia, reste valable, même si Bovelles a recours, en fin de compte, à l'argumention traditionnelle et au mythe pour résoudre le problème de la norme. D'une part, Bovelles est partisan de la doctrine ancienne selon laquelle tout individu spontané d'une communauté linguistique est complètement satisfait de son dialecte natal (Bovelles 1973 : 119). Selon cette conception, il ne peut y avoir pour Bovelles, à l'intérieur de la France, aucune langue et aucun dialecte qui puisse avoir la prépondérance ou une fonction normative (cf. Bovelles 1973 : 121). Et pourtant, il existe une norme absolue, celle de la langue originaire, correcte et vraie par essence, la langue d'Adam, qui, par le commandement de Dieu a effectué l'impositio nominum (cf. Bovelles 1973 : 124 sqq.). La grande variété linguistique que Bovelles constate pour son époque et qui l'inquiète, il l'abolit au profit du mythe (cf. Borst 1960 : 1261). Démontrer la latinitas des langues vulgaires, p. ex. à l'aide d'étymologies, est un premier pas fait sur le chemin du retour à l'unité originelle.

24. Bovelles 1973 : 84 sqq. (cf. plus haut, n.16). Contrairement à ce que dit Gerighausen (1963 : 88), nous sommes d'avis que Bovelles ne veut pas seulement, à l'aide de ses réflexions historiques, montrer la « Sprachverwilderung durch die Barbaren », c'est-à-dire une évolution négative, mais qu'il veut en même temps, par la démonstration de la differentia, contribuer au développement d'une identité nationale et linguistique par le moyen d'une délimitation précise des langues.

25. Bovelles intitule ses étymologies : « Tabulae breues Gallicanarum vocum, docentes quaenam earum factitiae & arbitrariae, vel barbarae sint, & quae ab origine Latina manarint » (Bovelles 1973 : 48).

26. Isidore (I.49, col. 104 sqq.) parle de l'impositio secundum naturam, de l'impositio secundum placitum et des mots ex diversarum gentium sermone. Cependant, dans la première catégorie, celle des mots latins, il ne s'agit pas pour Bovelles de découvrir les raisons de l' impositio secundum naturam originelle. En effet, à l'opposé d'Isidore de Séville, Bovelles défend la conception aristotélicienne de l'arbitraire fondamental de toute dénomination (Bovelles 1973 : Épître dédicatoire, 75) ; cf. ibid. : 125). V. Stefanini (1976 : 37) pour la réception de l'idée aristotélicienne de l'arbitraire des dénominations dans la discussion du XVIe siècle portant sur la grammaire. Cf. Amsler (1986 : 81 sqq.) pour le rôle de l'étymologie dans le cadre de l'axiome de l'arbitraire.

27. Dans le livre V (« De disciplina originum verborum ») de son ouvrage De lingua latina, Varron divise le corpus lexical également en trois parties, verba nostra, aliena, oblivia (Varron 1967 : 10-11 (V.10)).

28. En cela aussi, Bovelles suit les traces de l'enseignement d'Isidore de Séville (Isidore : I.29, col. 105).

29. Bovelles 1973 : 50-3 ; mise en relief de nous. Le premier groupe montre la latinitas des mots-vedettes en en donnant la forme originelle non corrompue. Les exemples du deuxième groupe illustrent les « mots étrangers » intégrés à la lingua Gallica tandis que ceux du troisième groupe appartiennent aux « mots arbitraires », formés d'une manière artificielle dans la lingua Gallica.

30. La langue vulgaire est autre chose et plus qu'un latin corrompu (Bovelles 1973 : Préface aux Tabulae, 128). Cf. aussi s.v. LAIGNE (ibid. : 145). Ainsi, les réflexions de Bovelles s'intègrent dans le grand courant de ces efforts faits pour comprendre la nature des langues vulgaires durant les XVe et XVIe siècles, effort dont la préoccupation principale était de montrer, « quatenus a latina differunt » (v. Esparza & Sarmiento 1992 : 38).

31. Curtius 1984 : 489.

32. Ceci n'exclut pas que l'on trouve encore par-ci par-là chez Bovelles des étymologies selon la méthode des « Wahrsprüche » (Arens 1969 : 39). Cf. p. ex. le cas de bonet (cité aussi par Jänicke 1991 : 11) ; Bovelles suppose que ce mot vient de la forme de départ bon est ; bonet est justement pour lui un mot d'origine non-latine, il le qualifie de « factitia et arbitraria dictio », de néologisme formé en dehors de la latinitas, ce néologisme est par ce biais suffisamment caractérisé. Le fait de supposer la causa nominandi bon est qui serait à chercher à l'intérieur de la langue vulgaire est une information de deuxième ordre (Bovelles 1973 : 53).

33. Ici encore, on peut présumer une influence de Varron sur Bovelles (Pfaffel 1986 : 401, n.46).