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Les réseaux sociaux: un regard critique

Éric Guichard
Ens-Ulm/Enssib/CIPh

Juin 2012

Sommaire

1  Croyances et perspectives
    1.1  Sociologie et sens commun
    1.2  Géométrie et sociologie
    1.3  Préjugés et racismes contre le holisme
    1.4  Nos limites politiques et intellectuelles
        1.4.1  Lectures sociologiques
        1.4.2  Spatialité et territoire
2  Les acteurs des réseaux sociaux de l'internet
    2.1  Littératie informatique
    2.2  Les publicitaires
3  Conclusion

Note: Cet article est la version écrite et largement remaniée d'une conférence prononcée le 23 juin 2011 à Marseille (centre de la Vieille Charité) à l'occasion du colloque MASHS 2011 (Modèles et apprentissages en Sciences Humaines et Sociales). Il est le preprint de sa version publiée dans le numéro spécial de la revue RNTI (2012). Cf. http://editions-rnti.fr/index.php?m=view_inproc&id=1001812.

Résumé

L'expression «réseaux sociaux» est essentiellement utilisée par des personnes extérieures au champ de la sociologie; elle induit par ailleurs une dimension spatiale dans la lecture des échanges entre personnes, ce qui en fait une notion complexe. Les fondateurs de la sociologie (Simmel, Durkheim) avaient déjà conscience de cette difficulté et tous deux s'accordaient sur le pouvoir coercitif des faits sociaux. Pourtant, les utilisateurs de la notion de réseau social négligent autant ces déterminismes sociologique et politique que la réflexion sur le concept de territoire qui, lui aussi, articule le social et le spatial.

Cette tendance s'explique par l'entrée de deux types d'acteurs: les professionnels de l'écriture actuelle (physiciens et informaticiens) et les publicitaires. Les premiers transforment l'objet «réseau social» du fait de leurs compétences techniques (scribales) et de leurs représentations en matière de sciences sociales. Les seconds favorisent une démarche utilitariste (repérage de clients) et promeuvent des discours enchanteurs qui censurent toute description des rapports de force économiques et politiques.

Le monde de la recherche subit désormais ce type d'influence. Parfois, il accompagne de tels discours d'escorte et adopte les représentations de la notion de communauté issues du marketing. Le travail scientifique s'en trouve menacé.

1  Croyances et perspectives

L'expression «réseaux sociaux» est aujourd'hui banale et usitée en des cercles qui dépassent largement ceux des sociologues et des historiens. Elle dévoile sans surprise des relations sociales qui se constitueraient naturellement en réseaux, ou qui pourraient être regardées sous la perspective des réseaux.

Cette dernière a une dimension politique. En effet, les formes du réseau peuvent varier entre deux extrêmes: hiérarchique, souvent centralisé, par exemple en étoile ou en flocon de neige et au service d'un pouvoir. Le réseau de routes d'un empire est un tel cas de réseau au service d'une souveraineté. À l'opposé, il y a le réseau dont aucun élément-sommet n'est en relation de subordination avec un autre, comme les noeuds d'un filet de pêche. Cette figure se rencontre plus souvent dans les modèles mathématiques que dans l'univers social, même si dans certaines situations, comme lors du développement de l'épidémie de sida, on a pu parler des malades comme appartenant à des « réseaux sociaux » [Feenberg, 2004,p. 107]. Si l'association en réseaux de ces groupes de personnes et de leurs proches ne fait pas de doute, si elle représente un modèle inattendu d'une réaction collective et démocratique contre des pratiques paternalistes ou technocratiques, il n'est pas pour autant garanti qu'un tel réseau fut strictement égalitaire: avec tous ses acteurs ayant des fonctions équivalentes, sans hiérarchie.

1.1  Sociologie et sens commun

Il n'est donc pas aisé d'accoler l'adjectif social à la notion de réseau. Si nous demandons que les formes de l'échange au sein d'un collectif soient structurantes ou qu'elles fassent sens, cela suppose des relations entre les individus1 relativement stables. Nous savons que stable n'est pas nécessairement synonyme de fréquent, ni même d'efficace: des interactions lointaines ou de faible fréquence peuvent avoir des effets plus déterminants2 [Gribaudi, 1998] que des relations quotidiennes et assidues. Cependant, des échanges éphémères, comme ceux que nous pouvons avoir avec un caissier de supermarché ou un voisin dans le métro, ne relèvent pas de formes sociales instructives, même si leur caractère normé peut intéresser un anthropologue original ou venu de loin.

Aussi, malgré les engouements publicitaires, médiatiques et de plus en plus universitaires3 pour les réseaux sociaux de l'internet, de nombreux graphes représentant des interactions éphémères, aléatoires ou sans enjeu entre des individus, ne relèvent pas de ces types de réseaux. Car de tels échanges ne participent pas de la construction de relations pertinentes pour expliquer le fonctionnement d'un collectif, d'une société, ses normes, ses relations de domination. Cela n'empêche nullement des statisticiens de faire des mesures sur de tels graphes, mais il est alors préférable d'entendre l'expression réseau social comme un abus de langage, sinon comme une métonymie4: quand les réseaux sociaux évoquent des groupes de personnes dont les échanges se constituent ou se délient essentiellement avec l'internet, sans que leur temporalité ni leur qualité ne soient prises en compte.

Un exemple de réseau social qui garantisse des échanges et des enjeux dans la durée, et qui exprime une variété de situations entre les deux formes précitées du réseau est donné par l'ensemble des enseignants-chercheurs d'une université: ils échangent régulièrement, sont liés par des relations paritaires mais aussi hiérarchiques, et tous sont pris dans un univers professionnel spécifique qui les contraint en même temps qu'ils le sculptent.

1.2  Géométrie et sociologie

L'expression réseaux sociaux renvoie aussi à deux problèmes historiquement liés. Le premier et le plus moderne est celui de l'articulation entre social et spatial; le second est celui de la co-existence de deux plans de pratiques sociales - l'un objectif et l'autre implicite - et du rôle qu'on peut attribuer au second plan sur le premier. Or, traiter et ordonner les objets élémentaires qui constituent un réseau, puis comparer des réseaux entre eux suppose un savoir-faire ou une culture, à tout le moins des motivations spécifiques, qui vont avoir des effets sur notre manière de penser le social et les méthodes pour l'appréhender. Situation fréquente et trop peu évoquée où la combinaison d'une compétence technique (savoir écrire, compter et dessiner) et d'une demande commerciale ont des effets sur ce que nous croyons relever de la théorie, voire de l'épistémologie d'une discipline des SHS.

Georg Simmel (1858-1918) est souvent présenté comme le fondateur de cette approche qui préfigurait les théories structuralistes de la société, même s'il n'a jamais utilisé explicitement l'expression de réseau social. Pour lui, un réseau social était avant tout une posture intellectuelle: une mise en perspective permettant de dévoiler, plus que le contenu des échanges, les formes générales des relations sociales entre les individus. Simmel (et ses successeurs) recherchait des régularités, des invariants qui pourraient aboutir à une topologie des relations sociales5: ainsi, au plan de l'évidence des gestes sociaux et de leurs motivations, s'en superposerait un second, moins visible et dont les contraintes internes, analogues à celles d'un système physique (attraction, répulsion, gravitation, densité, etc.), le doteraient en retour d'une autonomie qui aurait le paradoxe de contraindre le premier plan des échanges.

Faut-il pour autant opposer Simmel, pour qui cette autonomie résulterait de contraintes propres à une topologie sociale, à Durkheim, qui raisonnait en termes de normes implicites, rarement énoncées et néanmoins structurantes? Le premier aurait-il manqué de finesse, ou au contraire son intuition géométrique témoignerait-elle de la force du lien entre technique et conceptualisation, qui aurait échappé au second? Étrangement, l'histoire nous montre que ce débat n'est pas le bon, et nous rappelle les axiomes de la sociologie que tous deux partageaient.

Certes, Durkheim critique Simmel, à qui il fait le reproche de «se contenter de connaissances sommaires, acquises de façon hâtive et qui ne sont soumises à aucun contrôle» [Durkheim, 1900]. «C'est bien ce qui caractérise, en vérité, les études de Simmel», poursuit-il. Pourtant, Durkheim se reconnaît aussi une proximité intellectuelle avec Simmel: tous deux désirent que la sociologie s'émancipe des autres sciences sociales (droit, économie, démographie, etc.), que Durkheim appelle « sciences spéciales ». Et il a publié Simmel dans «l'Année sociologique», la revue qu'il a fondée.

Durkheim apprécie aussi les sciences exactes et reconnaît leurs apports: « la sociologie prit naissance à l'ombre de ces sciences [de la nature... et il ne faut pas]  oublier tout ce qu'il y a de fécond dans ces foyers principaux de la pensée scientifique ». Il s'avère en outre fort curieux des « lois des phénomènes sociaux » [Durkheim, 1900]. Cependant, il conteste l'idée qu'un plan géométrique déterminerait les relations sociales et leurs types du simple fait d'incompatibilités structurales ou de contraintes morphologiques. Autrement dit, le contenu des échanges ne peut être négligé au profit de leur pure forme (de leur topologie): «l'aspect le plus général de la vie sociale n'est donc pas, pour cette raison, contenu ou forme [...] Il n'y a pas deux espèces de réalité, qui, tout en étant solidaires, seraient distinctes et dissociables, mais des faits de même nature examinés à des stades différents de généralité». À l'inutile évidence des « événements qui se déroulent à la surface de la vie sociale », il oppose « le besoin d'étudier les points les plus obscurs de ses profondeurs, les causes intimes, les forces impersonnelles et cachées qui font agir les individus et la collectivité [...] un peu comme les individus ne perçoivent pas la pression que l'atmosphère exerce sur leur corps ».

Durkheim et Simmel promeuvent une sociologie réflexive, qui pense la totalité des interactions entre faits ou données, méthodes et concepts, et qui assume l'emploi des méthodes quantitatives. Ils nous rappellent aussi que la sociologie, et les sciences sociales, au moins depuis le XXe siècle, supposent que l'individu est structuré par des représentations, des normes, et qu'existe un ordre de faits qui «consistent en des manières d'agir, de penser et de sentir, extérieures à l'individu (et souvent à sa conscience), et qui sont douées d'un pouvoir de coercition en vertu duquel ils s'imposent à lui» [Durkheim, 2002]. Ce sont les «faits sociaux», qui sont déterminants, et qui souvent nous résistent: «le pouvoir [des faits sociaux] se reconnaît [...] soit à l'existence de quelque sanction déterminée, soit à la résistance que le fait oppose à toute entreprise individuelle qui tend à lui faire violence».

1.3  Préjugés et racismes contre le holisme

Diverses personnes travaillant aujourd'hui sur les réseaux sociaux évoquent aussi Gabriel Tarde comme un des fondateurs du concept. Il semble en fait que Tarde soit sollicité parce que, contrairement à Durkheim et Simmel, il ne croyait pas à l'opposition, ou à la distinction entre les deux plans décrits précédemment: « [Tarde] essayait de contourner les deux points extrêmes des individus et de la société » (tried to bypass entirely the two end points of individuals and society) [Latour, 2011]. Sous la plume de Latour, la question essentielle, et qui sous-tend une partie des démarches scientifique sur les réseaux sociaux, est celle de l'existence ou du pouvoir des normes, auxquelles il dénie « toute pertinence explicative » [Babou, 2008].

Il y a en fait en sociologie deux écoles: ou ces normes sont secondaires, voire insignifiantes, et l'individualisme méthodologique peut s'épanouir: nous sommes tous pris dans des négociations, des interactions, entre humains, et aussi entre ceux-ci et les outils [Latour, 2006], et la complexité de notre quotidien, de notre expérience l'emporte sur ce qui nous a sculptés. C'est grosso modo la position de Latour et de nombreuses personnes qui travaillent sur les « réseaux sociaux », sociologues ou non. Ou ces normes ont du sens, et en tant qu'individus, nous sommes très modérément libres: éduqués et partiellement formatés par des écoles et des cultures, qui, à la fois déterminent nos goûts et nos aversions (préférer le soumaintrain au hachis parmentier de criquet du Niger, ou inversement), nos croyances (ex.: en des « races » inférieures et supérieures, comme nous le verrons plus loin) et nos actes (se connecter sur Facebook, acheter des IPad); mais ces écoles et cultures sont aussi souvent les conditions et les lieux qui permettent l'expression de l'originalité intellectuelle, de l'adaptation, etc. De nombreux travaux montrent que sans école de pensée, sans tradition intellectuelle, sans habitus et sans normes, il n'y a point de savants, d'érudits, ni de culture [Jacob, 1996,Olson, 1998,Goody, 2000].

Pour le dire autrement, le polytechnicien ou le normalien qui se découvre aujourd'hui tardiste, qui fait la promotion d'un individualisme méthodologique, fut-il rendu complexe, reste avant tout un produit de l'X ou d'une ENS6. Et nos collègues étrangers reconnaissent très vite un universitaire issu d'une grande école française, même quand il revendique son originalité. Or, le projet latourien d'introduire les choses et les actants dans une sociologie qui refuse les formations discursives et les normes ne peut intégrer la construction des élites, des mondes savants et lettrés, du simple fait que ces édifications collectives requièrent des écoles (de pensée) qui se perpétuent via des normes, fussent-elles en rupture avec d'autres.

Ces écoles et formations, certes parfois débilitantes et critiquables (l'enseignement des mathématiques au lycée vers 1820 [Bourgne et al., 1962]), d'autres fois structurantes (les écoles normale et polytechnique à la même période, avec ses Laplace, Fourier, Poisson et Cauchy), mais toujours normatives, qui ont fait qu'au XIXe siècle, l'école française de mathématiques (écoles d'applications incluses), se distinguait de celle de Polynésie ou des Bambara [Bazin, 1985]: en bref, la maîtrise nécessairement collective d'une technique, l'écriture, dont la temporalité excède celle d'une vie humaine, et avec ce que cette maîtrise requiert d'exercices, de traditions, de savoir-faire transmis, etc.

Tout cela est bien loin d'une résultante de singularités, comme le prétend Tarde, dont la capacité à extrapoler le collectif à partir de sa théorie individualiste est laissée à l'appréciation des lecteurs: « Le Nègre, par exemple, est imaginatif mais incohérent, il combine plus qu'il ne coordonne ses pensées. Le Peau-rouge a plus de suite dans les idées, mais il a moins d'idées. Le Polynésien, supérieur aux deux, est déjà capable de systématiser, de dramatiser, d'organiser. Parmi les races caucasiques, le Sémite a l'esprit conséquent et pratique, mais plus étroit que l'Aryen » [Tarde, 2002,p. 71]. Certes, il rappelle (p. 167) que «par races, il faut entendre, en ethnologie, un faisceau de tendances collectives formées historiquement par une série d'hybridations fécondes, de combinaisons accidentelles, réussies ». Cependant, notre sociologue exprime clairement quelle hiérarchie sous-tend ces cultures, quand il affirme que « jamais le génie inventif n'a autant brillé que dans notre Europe et dans notre siècle ». Là, il reproduit naïvement l'idéologique eurocentriste que critiquent les anthropologues [Goody, 2010].

Est-ce ce type d'implicite, avec ses relents racistes et nationalistes, qui peut renouveler la sociologie du XXIe siècle et nous inviter à rejeter toute idée de dépendance à des institutions ou des normes?

Une personne sachant combiner problématiques des SHS et traitement informatique doit-elle, au prétexte que les normes bourdieusiennes n'existent pas, accepter la doxa selon laquelle les réseaux sociaux renouvellent la sociologie en ce que « la multiplication des données digitales a rendu l'existence collective traçable d'une façon incomparable » à ce qui pouvait se faire auparavant et que la théorie de l'acteur réseau rejoint en ce sens la tradition du « grand sociologue français Gabriel Tarde [... à savoir que] l'idée d'individu et de société n'est qu'un artefact dépendant de la façon rudimentaire dont les données sont accumulées »7? Il est toujours possible de supposer que Tarde a eu une intuition que n'auraient eu ni Simmel, ni Durkheim, ni ses successeurs. Ceci dit, cette intuition, en ce qu'elle suppose que le tout social serait inférieur à ses parties8 n'a rien d'original. Et il est problématique de voir des sociologues (et des historiens) habitués à se méfier des projections sociales, qu'elles soient induites par l'État, des individus en position d'imposer des idéologies, ou de nouveaux entrants, se laisser déborder par ces derniers, qui se cherchent un père fondateur objectivement raciste et capable de généralités contredites dans tous les champs de la sociologie et de l'anthropologie depuis près d'un siècle. Sauf à penser que l'intérêt pour les réseaux sociaux, quand il s'appuie sur des concepts tardiens, signale une volonté d'éluder tous les apports de ces disciplines.

1.4  Nos limites politiques et intellectuelles

1.4.1  Lectures sociologiques

Pour faire retour à cette question des faits, des normes et des idéologies, nous pouvons remarquer que la liberté relative dont nous disposons face à ces trois choses est en étroite relation avec la notion de pouvoir.
  • Pouvoir de nommer ces règles, les rapports de force et de domination qui les sous-tendent (ou qui en résultent), même quand ils sont symboliques, comme le langage [Bourdieu, 2001]. Cette dénomination permet l'objectivation des implicites qui légitiment ces relations de domination et de pouvoir, première étape vers l'autonomie politique.

  • Elle induit aussi une question, qui renvoie aux processus d'optimisation que peuvent rechercher les (catégories de) personnes en position dominante: quels groupes sociaux ont (ou n'ont pas) le droit et les moyens de décrire le monde à leur avantage, d'une façon qui leur est profitable [Noiriel, 2005]? Cette question est celle de nombreux historiens, sociologues et philosophes. Elle gagnerait à être appropriée par toutes les personnes qui travaillent sur les réseaux sociaux: qui a avantage à publiciser ce terme, un certain type de pratiques, et en même temps à valoriser les formes de l'échange en ligne tout en minimisant l'importance de leurs contenus, voire de leur formatage?

Après avoir répondu à de telles questions, il nous sera toujours loisible de moduler les propos des fondateurs de la sociologie9 , par exemple en nuançant le déterminisme sociologique. Certes, les normes d'un pays, les appartenances de classe et les habitus ne structurent pas de façon définitive et irrémédiable nos comportements; certes, la notion de classe sociale a une histoire, et la catégorie d'ouvrier était évidemment plus pertinente au temps des «Trente Glorieuses» qu'aujourd'hui, où se combinent désindustrialisation et recomposition du secteur tertiaire; il a aussi été montré [Mercklé, 2011] que l'étude (sociologique) des réseaux sociaux permet parfois de mettre en évidence une forme de «capital» souvent difficile à estimer, le capital social; enfin, de façon plus épistémologique, nous ne pouvons que nous réjouir de voir que la méthode reprend ses droits quand nous voulons raisonner en termes de «réseaux sociaux» [Degenne et Forsé, 2004]. Cependant, en tout état de cause, la théorie du choix rationnel, aussi séduisante qu'elle puisse paraître, a ses limites, que montrent nombre de statistiques (sur l'emploi, l'éducation, etc.): les polytechniciens et les normaliens précédemment évoqués sont rarement des enfants d'ouvriers agricoles ou d'immigrés d'Afrique Noire. Au regard des normes scandinaves, l'université française est statistiquement sexiste. Il s'ensuit que la négation radicale de tels phénomènes normatifs signifie plus une incorporation des normes de la société française qu'une démarche scientifique.

Nous devons donc garder en mémoire une évidence peu partagée: nous ne sommes pas tous égaux quand il s'agit d'imposer ses propres représentations sociales. Quand nous en alimentons certaines, par exemple en nous lançant en des enquêtes «à la mode», nous sommes parfois dépendants de telles représentations: parce qu'elles nous dominent - ou parce que nous trouvons un intérêt économique à les alimenter et à les diffuser.

1.4.2  Spatialité et territoire

Un retour à la dimension spatiale de la notion de réseau social nous signale que l'articulation entre social et spatial est culturellement incongrue, car peu partagée dans la distinction (française) entre enseignement des sciences et enseignement des lettres. Elle se manifeste pourtant dans le «territoire». Mais cela en fait un objet polysémique, où chacun vient avec ses propres représentations plus ou moins articulées et fortement dépendantes de sa culture (apprise au lycée et à l'université): j'ai montré [Guichard, 2008] que les ingénieurs10 étaient tout à fait capable d'imaginer des territoires qui s'émancipent du «terroir» (territoires de dimensions supérieures à 3, territoires de l'internet, etc.) en même temps qu'ils n'étaient pas nécessairement familiers de l'analyse des relations sociales ou de leur histoire; et que, réciproquement, certains experts en ces derniers domaines avaient de réelles difficultés pour appréhender la spatialité. Enfin, le territoire qui, chez les géographes, devient plus une méthode qu'un concept (une mise en perspective à la Simmel, pourrions-nous dire), est rarement appréhendé dans une telle acception [Guichard, 2010].

Ainsi, après nous être demandés jusqu'à quel point notre curiosité scientifique ou notre fascination pour les réseaux sociaux de l'internet dépend de modes ou d'idéologies qui servent des projets politiques qui nous sont étrangers, nous pouvons nous poser la question suivante: dans quelle mesure cet intérêt croissant pour les réseaux sociaux (de l'internet) résulte-t-il de l'intérêt que portent aux phénomènes sociaux les spécialistes de l'espace? Nous devons alors nous demander quels sont les préjugés qui les animent et si les réseaux sociaux sont objectivables, sachant que le territoire, qui sollicite les mêmes ingrédients, ne l'est pas.

Derrière ces débats se manifestent bien des dialogues entre sciences exactes et humaines, entre méthodes et théories. Par exemple, les théories structuralistes de Claude Lévi-Strauss et sociologiques de Pierre Bourdieu (concept de champ) qui assument, un peu comme l'évoquait Durkheim, leur dette envers les sciences exactes. Mais aussi la fragilité de ces dernières, ou a minima leur propension à fabriquer des formations discursives, des cadres culturels, qui n'héritent pas autant qu'elles le voudraient des schémas rationalistes qu'elles revendiquent.

Pour anticiper sur le point 2.1: qui sait aujourd'hui réaliser un graphe ou une carte, et ensuite l'interpréter? La facilité à écrire, plus que décrire le social à partir de données spatialisables (en lien avec la géographie terrestre ou susceptibles d'être décrites sous forme de graphes relationnels, comme les réseaux d'échange entre personnes) relève de la littératie contemporaine: de compétences informatiques, plus précisément statistiques et graphique. La culture scribale de tels experts est en fait spatiale et en lien étroit avec des savoirs appris dans un contexte propre à l'enseignement des mathématiques et de la physique (d'où l'importance des normes et des écoles). Cette culture de la spatialité, étonnamment performatrice, peut donner l'illusion à ses experts qu'une telle écriture11 est en fait une description: qu'elle est scientifique. Pour autant, de tels questionnements, amplifiés par la possibilité de travailler sur des données relationnelles et ou proprement spatiales, sont connus des géographes et cartographes épistémologues. Il est de fait étrange que, sous prétexte de raisonner en termes de « visualisation de données », les nouveaux entrants dans l'univers des « réseaux sociaux de l'internet » fassent fi des réflexions dans ce domaine. Sauf à penser qu'il est urgent d'imposer une nouvelle formation discursive, qui oublie, non seulement les apports des sociologues et des anthropologues, mais aussi des géographes et, nous en parlerons bientôt, des historien/ne/s.

2  Les acteurs des réseaux sociaux de l'internet

L'analyse des réseaux sociaux s'est affermie tout au long du XXe siècle, notamment au plan de la méthodologie [Wasserman et Faust, 1994], mais ses champs d'application et d'expérimentation restèrent réduits tant qu'il était difficile, coûteux et ennuyeux12 de recueillir des données en grand nombre. Ce n'est qu'au tournant des années 2000, avec l'essor du web, que les «réseaux sociaux», notamment de l'internet, excitèrent la curiosité des scientifiques, des publicitaires, puis des médias.

L'intérêt pour des formes d'échange médiatisées par des machines à communiquer [Perriault, 1989] et pour le statut que nos sociétés confèrent à ces dernières13, tout comme la curiosité devant des fichiers qui enregistrent des traces d'interactions entre individus, sont indéniables: nous sommes tous soucieux de comprendre l'usage que les humains font des machines qu'ils inventent, et nous avons l'intuition que notre rapport au monde s'est altéré, sinon renouvelé depuis que l'écriture électronique et en réseaux est assez largement appropriée. La légitimité, au moins sous sa forme spontanée, de ce type d'interrogation ne nous empêche pas de nous demander quels furent les effets de l'arrivée de ces deux catégories d'acteurs que sont les spécialistes des sciences exactes et les publicitaires sur le profilage de la notion de réseau social.

2.1  Littératie informatique

L'étude des grands réseaux de l'internet, que leur dimension sociologique soit avérée ou non14, requiert une littératie électronique spécifique: fouille de données, théorie des graphes, analyse linguistique ou lexicométrie, preuve visuelle, etc. Un réseau de 1000 personnes est susceptible de générer un million de liens (d'arêtes), qui peuvent se démultiplier15: il s'ensuit que le fichier «source», celui des données (cf. item 3) peut vite contenir plusieurs millions de lignes, situation qui, avant tout traitement quantitatif, rebute moins un informaticien qu'un sociologue.

La plupart du temps, l'existence d'un échange aléatoire entre a et b ne précise rien du contenu de cet échange. Ce fait, s'il ne contredit pas l'approche topologique de Simmel, s'avère problématique si on désire dépasser la simple analyse d'un graphe relationnel pour se faire une idée de la forme des échanges qu'il synthétise: il est souvent utile de combiner l'étude du graphe avec l'analyse textuelle de ce qui le constitue (contenu des échanges électroniques entre deux personnes ou du site web consulté par un groupe de personnes, etc.).

De façon analogue, des compétences graphiques peuvent être requises, par exemple pour produire une carte (géographique ou mentale, fixe ou animée) des échanges étudiés.

Pour le dire autrement, l'étude des échanges sociaux à partir de «sources» électroniques (par exemple tirées d'une façon ou d'une autre de l'internet) a un coût d'entrée qui rend son accès difficile au chercheur en sciences sociales peu familiarisé avec les logiciels, programmes, bibliothèques et méthodes requis pour en tirer des résultats instructifs.

Le déplacement d'expertise consécutif à cette nouvelle littératie a trois effets.

  1. L'importation des formations discursives des informaticiens, physiciens, voire économistes dans les problématiques sociologiques et dans les réponses qui leur sont apportés. Par exemple, les conceptions naturalisantes de la société (croyance en des lois), la focalisation sur le déterminisme de l'innovation16 ou le déni du déterminisme sociologique. Autant d'attitudes qui peuvent excéder les chercheurs en sciences sociales, surtout si elles se combinent avec des postures de mépris, parfois fréquentes chez les informaticiens. Ces situations rappellent que les spécialistes des sciences dites exactes n'arrivent pas en sciences sociales les mains nues. Ils n'entrent pas dans un champ qui leur est vierge sans culture, mais avec trop de culture: avec des systèmes de représentations qui s'accordent avec leurs savoirs et leurs méthodes. Elles rappellent aussi que toute discipline, toute approche intellectuelle, toute curiosité autour d'un objet sont accompagnées d'un lot de préjugés, d'utopies, de choses difficiles à énoncer -certaines validés, d'autres relevant plus de la croyance ou de l'idéologie: des ordres de discours [Foucault, 1969].

  2. Ces nouveaux entrants ont, du fait du pouvoir que leur donne leur expertise, la possibilité d'importer aussi leurs imaginaires, utopies et résistances. Au titre des utopies, signalons le rêve pour de nombreux ingénieurs de pouvoir enfin travailler sur le social17, réputé rétif aux lois statistiques et aux généralisations; au plan des imaginaires, la possibilité de pouvoir s'émanciper des travaux des sciences sociales pour projeter (et parfois imposer) les représentations de son gré. Le cas est connu avec les études d'usage, où l'on fait dire aux chiffres ce que veut entendre le commanditaire ou le statisticien [Le Marec, 2002] et avec la construction de problématiques artificielles comme la fracture numérique [Guichard, 2011]. Cette construction des représentations sociales, souvent naïves et conformes à des idéologies, est facilitée par l'apparente nouveauté des objets étudiés: l'histoire (des techniques comme des concepts en sciences sociales) pouvant être négligée au motif de la nouveauté (souvent présentée comme radicale) des données étudiées, et donc des pratiques18.

    Nous pourrions aussi évoquer le chapitre des résistances: les cas d'informaticiens ou de mathématiciens qui aimeraient poursuivre des recherches théoriques mais qui, du fait des injonctions des agences de recherche régionales, nationales ou européennes, sont tenus de réaliser de la recherche appliquée, si possible en relation avec des données fournies par des entreprises, sinon par des chercheurs en sciences humaines ou des professionnels de la culture. Ces contraintes peuvent mener certains des premiers chercheurs à minimiser le dialogue avec leurs interlocuteurs pour ne privilégier, dans les programmes en lesquels ils sont peu ou prou tenus de s'engager, que les thèmes susceptibles d'alimenter leurs propres recherches.

  3. Apparaît un point en corollaire: un intérêt modéré pour des questions bien approfondies par les sciences sociales: qu'est-ce qu'une donnée, une source, une archive, voire un terrain?

    Dans la majorité des études sur les réseaux sociaux de l'internet, les données sont souvent considérées comme des objets primaires, et rares sont les personnes qui inversent le regard sur elles pour les considérer comme des «obtenues» [Latour, 2007]. Ce qu'elles sont pourtant: quiconque a travaillé sur un fichier qui met en lien de nombreux individus (courrier électronique, etc.) sait quels efforts (et quelle culture) sont nécessaires avant qu'apparaissent des caractéristiques pertinentes et que des traitements statistiques ou graphiques puissent être effectués. Au point que ce labeur semble le propre du travail des doctorants en informatique, considérés comme les experts en littératie du moment. Ces données n'ont donc rien de naturel, et leurs traitements ne le sont pas plus19.

    Nous retrouvons là un problème bien connu: comment les chercheurs peuvent-ils concilier le long travail d'explicitation de ces opérations et leurs hésitations avec les exigences de productivité et la taille réduite des articles scientifiques? La possibilité de préciser ses doutes, l'écart croissant des données au réel (en fait aux premières «obtenues») au fil des recodages et des combinaisons n'est-elle pas réservée à quelques chercheurs seniors qui ont acquis la légitimité à concilier méthodologie et épistémologie? Réciproquement, l'oubli du détail de la «cuisine» sur les données n'est-il pas considéré comme preuve d'une démarche scientifique synthétique, qui va droit au résultat?

    En comparaison des catégories d'immigré, d'ouvrier, voire de pratique culturelle, travaillées depuis des lustres par des chercheurs et des professionnels, et pourtant toujours questionnées, les notions de trace ou de communauté semblent étrangement tangibles aux yeux (et dans les écrits) de ceux qui les spécifient ou les mesurent20 ? Elles n'ont pourtant rien de «naturel», au regard du nombre d'ordinateurs, de protocoles, de RFC de l'IETF qui furent nécessaires avant que les access_log ne soient utilisables. De tels fichiers sont donc le fait d'une construction sociale dont le poids historique est lourd (repérer les bugs d'une machine ou d'un programme informatique, s'accorder sur des normes). De façon analogue, les combinaisons de numéros IP de machines, de cookies, d'informations élémentaires sur les systèmes d'exploitation et les navigateurs des machines, qui nous permettent d'associer à une ligne de texte un individu et ses pratiques, résultent de contraintes historiques (incluant le poids de la demande mercantile) qui empêchent de considérer les sources des réseaux sociaux comme des objets élémentaires de sens.

    La construction de l'archive, si bien problématisée par les historiens, semble aussi oubliée dans l'univers des opérations informatiques sur les «traces écrites» précédemment évoquées. En quoi les archives électroniques sont-elles des archives? Qui a procédé à leur sélection, et donc à leur oubli partiel? Assurément aucun roi, aucun chercheur en histoire, fût-il amateur. Leur forme générale fut élaborée, nous l'avons rappelé, par les premiers architectes de l'internet, et résulte d'enjeux au final mal connus.

    La plupart du temps, les fichiers électroniques qui sont explorés, pour étudier les «réseaux sociaux» comme les «pratiques numériques» (expression tout aussi problématique) le sont par hasard (contact privilégié avec un responsable de réseau informatique), par opportunisme ou par dépendance à un fournisseur quelconque21.

    Il s'ensuit que les usages spontanés des expressions «données», «archives électroniques» et «sources» sont fortement problématiques et que le fait de ne pas les questionner empêche souvent les personnes qui les intègrent dans leur lexique d'explorer l'ensemble des questions -souvent riches d'enseignements- que soulèvent de tels emplois.

    Reste le terrain. En sciences sociales, ce n'est pas un contexte qui définirait un rapport au «réel» susceptible de s'opposer au caractère «virtuel» de la fouille de données. Contrairement à ce qui est encore parfois prétendu [Cros et Mégret, 2011], l'internet n'est pas le lieu où le réel s'opposerait au virtuel. D'une part, l'internet est de plus en plus le lieu des pratiques scribales où se construisent le monde et ses représentations [Mathias, 2009]. D'autre part, l'opposition réel/virtuel relève d'un sens commun qui ne tient pas compte des conceptions des physiciens depuis plus d'un siècle: la matière, la masse, supposées archétypales de la réalité, sont désormais dotées de définitions à mille lieux des philosophies réalistes [Bachelard, 1963]. À la façon du territoire, le terrain est une méthode, une conception de la circulation entre empirie et conceptualisation qui sert de garde-fou. Évidence supplémentaire de sa non virtualité, il garantit une confrontation à l'économique et au politique, par le biais de la dimension industrielle de l'internet.

    Ainsi, le terrain, la source et l'archive constituent-ils autant de notions problématisées depuis longtemps par les SHS qui, par ailleurs font le lien entre méthodologie et épistémologie. Leur disparition, quand sont étudiées les pratiques en relation avec l'informatique et les réseaux, pose donc un problème qui n'est pas de pure forme. Pour le dire autrement, l'importation des pratiques discursives des informaticiens et des spécialistes des sciences exactes est souvent précieuse quand elle s'accompagne d'un regard et de méthodes originales: statistiques, graphiques, linguistiques, etc. Elle l'est bien moins quand les mises en perspective propres aux SHS sont considérées comme négligeables par ces derniers auteurs.

2.2  Les publicitaires

À cette reconfiguration liée à l'irruption de nouveaux acteurs, qui définit une tension entre ceux qui savent penser le social mais qui disposent d'une faible littératie contemporaine et ceux qui ont les capacités inverses, et dont les effets épistémologiques à terme mériteraient une étude approfondie, s'en superpose une autre, qui articule le monde universitaire et le monde marchand.

Ce dernier, depuis la bulle spéculative de l'internet et le succès d'entreprises qui fondent leurs profits sur la publicité ciblée -et donc sur la vente de profils d'internautes à leur corps défendant- s'avère gourmand en matière d'usages de l'internet et de repérage de formes de sociabilité éphémères sur ou via les réseaux. Les considérations qui les motivent ne sont pas toujours théoriques: nous devinons que si nous voulons vendre une paire de baskets, nous avons plus intérêt à viser des groupes d'adolescents que des personnes du quatrième âge, et qu'un adolescent risque plus de dévoiler, par le biais de ses communications électroniques, un groupe de personnes de sa classe d'âge qu'un autre, collectionneur de charentaises. Ainsi, la superposition des adages banals «les amis de mes amis sont mes amis» (et ont certainement les mêmes goûts que moi) et «les chiens ne font pas des chats», si elle est de faible valeur sociologique, devient-elle le socle d'un intérêt supplémentaire pour les «réseaux» de pratiques ou de communication. De tels projets utilitaristes, soutenus par les États (universitaires incités à travailler avec ou pour des entreprises, et financement de recherches sur les usages de façon à faciliter les projets commerciaux) ont des effets importants sur la construction de thématiques de recherche et l'évacuation d'autres.

Par exemple, l'État finance des enquêtes sur la «fracture numérique» dont les résultats se réduisent à l'énoncé d'une doxa néo-libérale [Guichard, 2011]: cette fracture, jamais définie, ne se résoudra pas en introduisant l'enseignement de l'informatique dans les écoles et les universités, mais spontanément, grâce aux effets (magiques?) du marché. Dans le même temps, l'Insee réalise de grandes enquêtes sur les usages de l'internet tout en éludant tout déterminisme sociologique, malgré son évidence: en 2005, 20% des ouvriers avaient un usage hebdomadaire de l'internet, contre 62% des professions intellectuelles [Guichard, 2010].

Les analyses des nouvelles pratiques se réduisent souvent à des discours d'escorte des nouveaux produits de l'internet, naturellement étendus au web 2.0 (dont l'ouvrage [Millerand et al., 2010] est un triste exemple22), supposé être un nouvel espace public potentiellement révolutionnaire alors même que les industriels qui en sont à l'origine sont objectivement plus solidaires des dictateurs et des marchés que des champions de la démocratie encensés dans les médias: de nombreux journalistes, blogueurs et analystes politiques23 ont colporté l'idée que les logiciels de réseaux sociaux de l'internet étaient les premiers responsables des révolutions tunisienne et égyptienne. Bien peu ont rappelé qu'en Tunisie, ces logiciels ne pouvaient fonctionner sans enrichir les proches de Ben Ali et de son épouse, qui possédaient la licence téléphonique d'Orange, le fournisseur d'accès Internet Planet Tunisie et l'entreprise Global Telecom Networkings24. De même, rares sont les personnes qui se font écho des pressions de Google sur les États pour augmenter de façon illégale ses bénéfices25.

La publicité est donc à la fois demandeuse et productrice d'une image consensuelle et non critique de l'internet et des techniques associées. Demandeuse, en fournissant des données qui permettent de mieux cibler des clients potentiels. Productrice, par l'intermédiaire des discours laudateurs des nouveaux produits qu'elle multiplie, mais aussi du fait des buts et projets explicités en échange des données fournies. Peu de chercheurs arrivent alors à réaliser des recherches originales et à prendre du recul face à l'idéologie du moment.

La notion de communauté est exemplaire de tels effets. Alors que nous aurions tendance à lui chercher une épaisseur sociale, avec des personnes qui se connaissent, se rencontrent, partagent des enjeux, des tensions, des rapports de force, cette notion dérive aujourd'hui vers des collectifs dénués de relations sociales qui n'ont de sens que pour les vendeurs: la communauté marketing. Le souci est que ce regard se transforme rapidement avec une manière de définir des stéréotypes, qui peuvent produire des catégories racialisantes: la «communauté asiatique», la «communauté musulmane» [Guichard, 2012].

3  Conclusion

Ainsi, l'objet «réseau social» est-il investi par trois types d'acteurs: les experts des sciences sociales, les ingénieurs, informaticiens et physiciens, et enfin les publicitaires.

Le dialogue entre les deux premiers acteurs peut s'avérer fructueux, et les colloques MASHS en donnent la preuve. Des savoirs et des interrogations se partagent, et la compétence scribale des personnes issues des sciences exactes a déjà des effets sur nos façons de penser la sociologie, et plus largement les sciences sociales: en rappelant que la pensée pure, non instrumentée, ne fait pas tout. En posant une question épistémologique: dans quelle mesure les savoirs les plus conceptuels des sciences sociales ne sont-ils pas dépendants de ces savoir-faire techniques? Et ce fait ne valait-il pas déjà à l'époque de Durkheim? Les questions «qui a le pouvoir d'écrire le monde à sa façon?» et «dans quelle mesure participons-nous de cette écriture quand nous pensons le décrire scientifiquement?» émergent aussi, du fait de tels dialogues.

Ceci dit, elles restent encore peu partagées et le peu de goût de certains informaticiens pour les problématiques de la source, de l'archive et du terrain, au motif de la positivité de leur démarche, est parfois corrélé avec la production de descriptions qui obéissent aux représentations politiques dominantes ou qui, sous couvert de scientificité, se réduisent à des discours publicitaires qui accompagnent le dernier produit à la mode (hier Myspace, aujourd'hui Facebook, déjà menacé par Tweeter).

Les réels publicitaires ne peuvent que s'en réjouir, qui proposent des sources et des thèmes en relation avec les réseaux sociaux à condition que les conclusions des chercheurs aillent aussi dans le sens d'un monde idéal, où les logiciels fabriquent des révolutions, où les industriels sont d'une bienveillante neutralité politique.

Les sciences sociales et notre compréhension du monde risquent de souffrir de telles tendances, dont nous espérons qu'elles ne dureront pas. Certains, comme Paul Mathias, s'inquiètent déjà de cet engouement pour «les usages de l'homme ordinaire et ses représentations de la réalité empirique et de la `vie'», dont les effets sur les disciplines commencent à être délétères, quand elles valident «par les moyens de leurs méthodologies [les valeurs qu'exhale] ce marécage réflexif du on dit» [Mathias, 2009].

En sus des questions théoriques que de tels travers réalimentent, il nous reste une possibilité concrète de mesurer la production contemporaine d'idéologie à partir de la thématique des réseaux sociaux, en réalisant une analyse textuelle fouillée des articles publiés en des revues scientifiques qui abordent cette thématique. Peut-être pourrions-nous alors dessiner aisément le graphe des auteurs, en mettant en évidence leurs allégeances, leurs pratiques suivistes ou fédératrices, voire leurs propres intérêts?

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Notes

1Nous pourrions imaginer les réseaux sociaux comme des réseaux d'échanges entre des collectifs, mais nous nous conformons dans cet article à l'idée répandue d'échanges qui touchent essentiellement les individus. L'article [Barthélemy, 2010], qui déborde la problématique des réseaux sociaux pour faire une recension des travaux en matière de « réseaux spatiaux », est un point d'entrée pour qui veut étudier des réseaux sociaux dont les éléments ne sont pas des individus.

2Le médecin, que l'on conserve souvent longtemps en même temps qu'on le rencontre le moins souvent possible, un parent éloigné qui va nous proposer une opportunité professionnelle.

3Par exemple en sciences de l'information et de la communication, mais aussi en des sciences plus exactes, comme en témoignent un nombre croissant de projets de recherche qui sollicitent des financements régionaux, nationaux ou internationaux en se focalisant sur l'étude desdits réseaux sociaux. Un rapide survol du web en juin 2012 montre qu'au moins un laboratoire d'informatique français des villes suivantes affiche son engagement scientifique pour les « réseaux sociaux »: Grenoble, St-Étienne, Toulouse, Lyon, Lille, et bien sûr Paris (Univ. Paris-5, 6, 7, 13...), sans oublier l'Inria.

4Cela vaut aussi avec les logiciels en ligne qui permettent des formes relativement formatées d'échanges.

5Cf. [Mercklé, 2011] pour une présentation synthétique des réseaux sociaux et de leur histoire.

6Parce que ce n'est pas là notre point, nous n'évoquons pas ici le déterminisme sociologique qui lui a ou aurait permis de réussir ces concours d'excellence.

7« The sheer multiplication of digital data has rendered collective existence traceable in an entirely different way than before ». Cette phrase est précédée de celle-ci: « My claim, or rather ANT's claim and that of the revisited tradition dating from the great French sociologist, Gabriel Tarde, at the turn of the 19th century, is that the very idea of individual and of society is simply an artifact of the rudimentary way data are accumulated » [Latour, 2011,traduction personnelle].

8« Tarde's idea of a whole smaller than the part society »[Latour, 2011,op. cit.].

9Dans le contexte de cet article, d'aucuns pourraient nous inciter à préciser: sociologie durkheimienne. Mais notre but n'est pas de défendre une sociologie, par exemple française, ou ulmienne de la fin du XXe siècle. Il est plutôt de rappeler qu'en sciences sociales comme exactes, se font des découvertes (ex.: l'idée que des groupes ou des sociétés fonctionnent avec des règles qui ne leur sont pas lisibles au premier abord) qu'il est plus intéressant d'intégrer dans une logique d'acquisition cumulative du savoir (quitte à moduler l'empan de « lois » considérées comme universelles lors de leur découverte) que de rejeter au gré de schismes épistémologiques ou de basculements générationnels qui transpirent souvent des idéologies. Pour le dire autrement: Galois et Cauchy avaient des opinions politiques radicalement opposées. Le premier était anarchiste, et il en est mort. Le second était royaliste. Il n'empêche que leurs apports respectifs aux mathématiques sont indéniables. J'aimerais (je m'exprime donc ici à titre personnel) que les SHS puissent s'extirper des conflits idéologiques passés et contemporains pour parvenir à une synthèse analogue des apports de leurs fondat/eur/rice/s et contribut/eur/rice/s, même si nous savons que ces sciences sociales sont toutes en prise avec des idéologies [de Certeau, 1975].

10J'entends par ingénieur une personne dotée d'une littératie mathématique, donc géométrique actualisée: sachant manier chiffres, formules, et graphes (ou cartes) et les instruments qui permettent de les combiner (logiciels, langages de programmation, etc.). Cette catégorie élargit donc celles du physicien ou de l'informaticien, souvent évoquées dans cet article (avec leurs déclinaisons masculine ou féminine, que la langue française a tant de mal à expliciter).

11Une combinatoire de chiffres, de mots, traduite en d'autres mots et chiffres exprimant des distances, tous inscriptibles en des textes permettant le passage entre les catégories ou concepts, et des graphes, des cartes, et ce que d'aucuns appellent des processus de visualisation - des formats comme le SVG sont d'excellents exemples de cette textualisation de l'image.

12Ex.: Noter, pour un enquêté et durant une longue période, tous ses échanges au fil des heures accompagnés de leurs types est une opération fastidieuse, qui peut légitimer des demandes de rémunération.

13Il y a 20 ans, elles dé-socialisaient (Minitel, jeux vidéo), aujourd'hui, elles sur-socialiseraient.

14Certains physiciens étudient ces réseaux comme base empirique pour démontrer des théorèmes qui relèvent des mathématiques.

15Si a et b conversent par courrier électronique, ils risquent fort de s'adresser mutuellement plus d'un message. Une étude historique sur les usages de l'internet, datant de 1996, montrait par exemple que les échanges de mails entre 900 personnes, durant 2 semaines, et à une époque où le courriel était fort peu socialisé, furent source de 40 000 messages, reconstitués à partir de 84 000 lignes, soit 16 Mo. Pour autant, une soixantaine de personnes était à l'origine de la moitié des mails, ce qui confirme cette loi en n2: cf. http://barthes.ens.fr/atelier/articles/guichard-mai-98.html.

16Qui prétend que les techniques nouvelles structurent le social. Cf. [Edgerton, 1998] pour une critique définitive de ce préjugé.

17Ex.: la culture, qui rend gourmands les informaticiens, en position incontournable dès qu'est évoquée la numérisation d'un «patrimoine».

18Dont les études peuvent d'autant plus s'émanciper de la rigueur scientifique qu'elles ne sont pas encore institutionalisées dans les universités.

19Si ces traitements étaient aisés, apparentés à des recettes ou des techniques, nous ne serions plus dans l'univers de la recherche.

20Les traces électroniques sont aujourd'hui un thème de recherche à la mode en de nombreux laboratoires français d'informatique. Plutôt que de livrer aux lecteurs des exemples d'articles qui exhibent les utopies sociologisantes de néophytes séduits par les effets de mode médiatiques, nous préférons les laisser consulter projets de recherche et pages web de laboratoires. Cela nous permet d'éviter de citer de tels articles: le positivisme naïf qui accompagne aujourd'hui les indicateurs de popularité scientifique (aussi appelés scientométriques) fait que l'auteur d'un mauvais article critiqué voit son scoring académique augmenter quand celui d'un bon article voit sa «cote boursière» stagner ou baisser si son texte est difficile à lire et peu évoqué.

21Cas de Facebook, qui permet l'étude de son propre réseau, voire d'une personne ciblée, avec les risques que cela induit en matière d'exposition de la vie privée d'autrui [Tchuente et al., 2011], mais ne donne pas accès à la totalité de ses sources.

22Citons néanmoins, sur la vingtaine d'articles de cet ouvrage, un article réellement scientifique et critique: [Matthews, 2010].

23De tels exemples fourmillent. En citer reviendrait à accroître leur publicité, chose que nous considérons inutile: cf. note 20.

24Le Monde, «Leila Trabelsi, la cleptodame», par Christophe Ayad, 18 jan 2011.

25Google fait de la fraude fiscale en Irlande (plus d'un milliard de $ par an) et menace de délocaliser ses 2000 employés si ce pays augmente son taux d'imposition (Le Monde, 22 nov 2010: Plan de sauvetage : les géants du Web font pression sur l'Irlande).

Page créée le 11 mars 2012, modifiée le 7 octobre 2013