L'art roman dans la baie du Mont Saint-Michel (table / résumé) - Marie Lebert - 2006

Bréville

* Le site / Emplacement / Histoire
* L’église / Le plan / Les matériaux / Les appareils / Les enduits, sols, plafonds et toitures
* Description extérieure / La façade occidentale / La nef / La tour / Le choeur
* Description intérieure
* Datation
* Les restaurations / Au 19e siècle / Au 20e siècle
* Les photos


Le site

Emplacement

Le village de Bréville est situé sur la côte, à 6 kilomètres environ au nord de Granville (voir la carte). Il était traversé par le chemin montois qui, venant du Mont Saint-Michel, passait par Saint-Pair et continuait vers Cherbourg.

Histoire

L’église de Bréville est placée sous le vocable de Notre-Dame. Le second saint est Saint Hélier. La paroisse de Bréville appartenait au doyenné de Saint-Pair et à l’archidiachoné de Coutances.

Le territoire de la paroisse faisait partie de la baronnie de Saint-Pair, propriété du Mont Saint-Michel depuis 1022, date à laquelle Richard II, duc de Normandie, donna la baronnie au Mont.

Au 13e siècle, le patronage était laïc. Le Pouillé (1251-1279 environ) cité par Léopold Delisle mentionne Guillelmus de Breinville comme seigneur patron. La dîme était partagée entre le curé et l’abbé du Mont Saint-Michel: “Ecclesia de Breinvilla – patronus Guillelmus de Breinvilla. Rector percipit altalagium, et tertiam garbam in feodo gardam in feodo abbatis, in aliis territoriis totum. Et valet L libras.” [1]

Au 16e siècle, Bréville, avec son église et ses salines, formait une prébende au profit de la cathédrale de Coutances. [2]


L’église

Le plan

L’église est formée d’un vaisseau rectangulaire régulièrement orienté (d’ouest en est) constitué d’une nef de deux travées et d’un choeur de deux travées à chevet plat (voir le plan). La tour, implantée dans l’axe du vaisseau, s’élève entre choeur et nef.

Les matériaux

Les appareils

Le granit est utilisé pour les contreforts, le pourtour des ouvertures, les pilastres, les colonnes et les arcs. L’appareil des maçonneries est un appareil irrégulier fait de moëllons de schiste. Ces moëllons sont des matériaux locaux puisque la formation de Granville est composée d’une alternance de grauwackes (roches schisteuses) et de schistes. Le granit provient sans doute du massif granitique de Vire qui affleure à quelques kilomètres au sud.

Les enduits, sols, plafonds et toitures

Les murs intérieurs sont recouverts d’un enduit à la chaux refait en 1969. Le sol est couvert de dalles de schiste (dalles de Beauchamps) posées la même année, excepté la deuxième travée du choeur dont le carrelage date de 1863. La nef est surmontée d’une voûte en berceau de plâtre qui a remplacé une voûte de bois en 1852. La toiture fut recouverte d’ardoises d’Angers pour la première fois en 1835. Cette toiture a été refaite en 1937.

Description extérieure

La façade occidentale

La façade occidentale a été remaniée en 1783. Elle est entièrement recouverte d’un enduit de ciment. Elle est percée d’une porte et d’une grande baie sans caractère.

La nef

La nef comprend deux travées.

Le mur latéral sud est épaulé par un contrefort plat central. La corniche est supportée par des modillons taillés en biseau. Deux petits modillons sculptés de têtes humaines subsistent au-dessus de la baie percée dans la seconde travée. Le mur est percé de deux larges baies au cintre surbaissé qui ont remplacé les petites baies romanes en 1832.

Le mur latéral nord est aveugle. Il est percé d’une porte dans sa partie occidentale. Les voussures aux arcs brisés reposant sur de fines colonnettes permettent de dater cette porte du 13e siècle.

La tour

La tour, carrée, s’élève entre choeur et nef. Sa base est située dans le prolongement du chœur, moins large que la nef.

Au nord, une petite maçonnerie en léger relief surplombe la base de la tour. Cette maçonnerie est surmontée d’un toit en appentis recouvert d’ardoises et reliant la toiture du choeur à celle de la nef. Cette maçonnerie repose sur une corniche supportée par des modillons dans le prolongement de celle du choeur. Un gros modillon est sculpté d’une tête humaine à l’ouest.

Au sud, la base de la tour est percée d’une porte (voir le schéma). Son arcade en plein-cintre est formée d’une voussure moulurée d’un tore suivi d’un chanfrein sculpté de dents-de-scie peu visibles. L'archivolte est formée d'un épais bandeau orné de dents-de-scie en fort relief sculptées en creux d’un rang de bâtons brisés. L’archivolte repose à droite sur une pierre sculptée d’une tête humaine. A gauche, elle disparaît dans les maçonneries de la nef. Le claveau central de la voussure est orné d’une grande tête sculptée en fort relief. Ces deux têtes sculptées dans une pierre friable ont mal résisté à l’usure du temps alors qu’à Yquelon, les traits de figures semblables sculptées dans le granit sont encore très visibles.

La voussure repose sur deux colonnettes engagées. La corbeille des chapiteaux, surmontée d’un tailloir carré, est sculptée de deux crochets d’angle très abîmés encadrés de deux boules aux extrémités. La base carrée, très usée, devait être surmontée d’un double tore. Les piédroits intérieurs sont ornés de colonnettes engagées dont la base carrée est elle aussi surmontée de deux tores. Ces piédroits supportent un épais linteau rectangulaire de granit surmonté de quelques plaquettes de schiste disposées à l’horizontale.

L’étage de la tour est percé sur chaque face d’une ouverture longue et étroite. Au-dessus s’élève une flèche octogonale de pierre aux angles adoucis par des tores, avec un petit gâble à fines colonnettes situé dans le prolongement de chaque ouverture. L’étage et la flèche de la tour dateraient du 15e ou du 16e siècle.

Le choeur

Le choeur, à chevet plat, comporte deux travées. Les murs latéraux sont épaulés chacun de deux contreforts plats prenant appui sur un épais soubassement de pierre et soutenant la corniche. Au nord, on ne voit plus du contrefort séparant la première travée de la seconde que sa partie supérieure. Le reste a été détruit en 1832 pour laisser place à une baie. La plupart des modillons sont biseautés. Il subsiste toutefois au nord un modillon sculpté d’une tête humaine, et au sud un modillon semblable et deux autres sculptés chacun de deux têtes accolées peu visibles.

Les petites baies romanes ont été remplacées par deux grandes baies sans caractère percées en 1832 dans la première travée au nord et au sud. Au nord, deux petites baies bouchées à cette époque sont encore visibles, avec leurs piédroits de granit et le cintre de l’une d’elles creusé dans un linteau monolithe de granit.

Le chevet plat est prolongé par une construction à cinq pans ajoutée au 19e siècle et qui abrite la sacristie. En 1961, on a dégagé la baie du chevet bouchée par un mur de briques. Cette baie géminée, probablement contemporaine de la voûte du chœur, est visible de l’intérieur de la sacristie.

Description intérieure

La nef est séparée de la base de la tour par un arc fourré et légèrement brisé aux claveaux irréguliers. Cet arc repose sur deux épais pilastres pris dans l’épaisseur du mur par l’intermédiaire d’une imposte moulurée en forme de bandeau chanfreiné.

Si l’arc fourré appartient à l’édifice roman, l’arc situé entre la base de la tour et le choeur semble avoir été entièrement remanié lors de la réfection du choeur au 15e ou 16e siècle. Cet arc est renforcé par un arc intérieur aux arêtes chanfreinées reposant sur des demi-colonnes engagées.

La travée entre choeur et nef est surmontée d’une voûte en croisée d’ogives sur plan barlong datant sans doute de la même époque que les voûtes en croisée d’ogives surmontant les deux travées du choeur.

Datation

Une grande partie de l’édifice date de la seconde moitié du 12e siècle. Un ensemble très homogène est formé à l’extérieur par la majeure partie de la nef, la base de la tour et les murs latéraux du choeur. Le principal indice de datation est la porte sud de l’église, avec sa voussure moulurée d’un tore surmonté d’un chanfrein sculpté de dents-de-scie, tout comme son archivolte ornée de dents-de-scie en fort relief et reposant sur une tête sculptée. Les contreforts plats reposant sur un soubassement de pierre le long des murs latéraux de la nef et du choeur forment un trait d’architecture local que l’on retrouve notamment à Yquelon.

La nef pourrait avoir été terminée au 13e siècle, comme l’atteste la porte à l’arcade brisée présente dans le mur latéral nord. L’édifice a été remanié à la fin du 15e siècle ou au début du 16e siècle: à l’intérieur, remaniement de la travée sur laquelle repose la tour, construction d’une voûte en croisée d’ogives surplombant le choeur, percement d’une grande baie géminée dans le mur du chevet; à l’extérieur, construction de l’étage et de la flèche de la tour.

Les restaurations

Au 19e siècle

La façade occidentale fut entièrement remaniée en 1782. De grandes baies ouvertes dans la nef et le choeur ont remplacé les petites baies romanes en 1832 et 1833, avec deux baies romanes bouchées encore visibles dans le mur nord du choeur. Au lieu du chaume habituel, la toiture fut recouverte d’ardoises pour la première fois en 1835, puis refaite en 1937. Le plafond de bois de la nef fut remplacé par un plafond de plâtre en 1852. L’année suivante, toutes les maçonneries extérieures de la nef, du choeur et de la tour furent rejointoyées. Un carrelage fut posé sur le sol de la seconde travée du choeur en 1863. [3]

Au 20e siècle

Une délibération du conseil municipal du 13 janvier 1961 a chargé Monsieur Richard, maire de Bréville, de confier les travaux de restauration de l’église à Jacques Traverse, architecte en chef des Monuments historiques. Ces travaux furent exécutés entre 1961 et 1976.

En 1961, une baie géminée bouchée par un mur de briques fut découverte dans le mur du chevet. Cette baie est aujourd’hui visible de l’intérieur de la sacristie.

En 1969, le sol de la nef fut recouvert de dalles de schiste (dalles de Beauchamps) et les enduits des murs furent refaits à la chaux. L’année suivante, le carrelage du choeur fut restauré et les différentes portes remplacées par des portes chevillées en chêne. La porte nord de la nef a été réouverte en mai 1976. Elle avait été murée en 1782. [4]


Documents

* La bibliographie de Bréville
* Une petite école locale d’architecture: Yquelon et Bréville
* Le plan de l’église de Bréville
* Le schéma de la porte sud


Notes

[1] Delisle (Léopold). Pouillé du diocèse de Coutances, in: Recueil des historiens de la France, tome XXIII, 1876, p. 499.

[2] Voir: Renault. Le canton de Bréhal, in: Annuaire du département de la Manche, 1854, p. 31-34.

[3] D’après des notes de 1866 consignées dans le registre n° 1 de la paroisse Notre-Dame de Bréville.

[4] D’après un texte rédigé par Monsieur Hérard, maire de Bréville, en supplément de: L’église dans la cité, n° 92, avril 1976.


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