* Le site
/ Emplacement
/ Histoire
/ Le doyenné de Genêts
/ La paroisse de Genêts
* L’église
/ Le plan
/ Les matériaux
/ Les appareils
/ Les enduits, sols, plafonds et toitures
* Description intérieure
/ Les bras du transept
/ La croisée du transept
* Description extérieure
/ Le transept
/ La tour
* Datation
* Les photos
Genêts est situé sur l’actuelle route côtière reliant Granville à Avranches, à 10 kilomètres au nord d’Avranches (voir la carte). La bourgade se trouve face au Mont Saint-Michel, à 4 kilomètres environ du rocher du Mont.
De nombreuses voies montoises – empruntées par les pèlerins pour se rendre au Mont Saint-Michel - aboutissaient à Genêts: les chemins montois du Mont à Saint-Pair, du Mont à Coutances, du Mont à Saint-Lô et du Mont à Caen. De plus, le chemin des grèves reliant le Mont Saint-Michel à Saint-Pair passait au Bec d’Andaine, près de la localité de Genêts.
Genêts est une localité très ancienne. Les Abrincatui avaient élu Avranches comme capitale, et Genêts était leur port et leur ville secondaire. La ville fut pillée par les pirates normands au 9e siècle.
La baronnie de Genêts fut donnée à l’abbaye du Mont Saint-Michel vers 1022 par Richard II, duc de Normandie, ainsi que les baronnies de Saint-Pair et d’Ardevon. Port de marée, centre d’une baronnie et d’un doyenné, Genêts est une localité importante sous les premiers ducs normands.
Robert de Torigni, abbé du Mont Saint-Michel entre 1154 et 1186, fit reconstruire une première église devenue très vétuste. Il la fit consacrer en 1157 par Herbert, évêque d’Avranches, accompagné de Roger, abbé du Bec-Hellouin.
Au début du 14e siècle, la population s’élevait à près de trois mille âmes. L’église, qui disposait d’un clergé conséquent, comptait sept chapelles autour d’elle. Ce fut la péride la plus florissante. Lors de la guerre de Cent Ans, Genêts fut pillé, rançonné et brûlé par les Anglais dès 1356. Lors des guerres de religion, la ville fut de nouveau pillée en 1562 par les troupes du protestant Montgommery.
Pendant la Révolution française, Genêts perdit sa sénéchaussée, sa sergenterie, son doyenné, ses foires et ses marchés, et ne fut plus qu’une simple commune rurale. Le titre de chef-lieu de canton fut donné à Sartilly. [1]
L’église et le cimetière de Genêts furent classés Monuments historiques en 1959.
Le doyenné de Genêts comprenait vingt-sept paroisses: Saint-Nicolas de Ronthon, Saint-Jean-Baptiste de Bouillon (deux paroisses), Saint-Vigor de Carolles, Saint-Michel-des-Loups, Saint-Vigor de Champeaux, Saint-Jean-le-Thomas, Saint-Médard de Dragey, Saint-Etienne de Bacilly, Saint-Pair de Marcey, Sainte-Marie de Champcey, Saint-Samson d’Angey, Saint-Pair de Sartilly, Saint-Pierre-Langers (deux paroisses), Sainte-Marie de la Rochelle, Sainte-Marie de la Lucerne, Saint-Martin de Lolif, Sainte-Marie de Montviron, Saint-Martin de la Mouche, Sainte-Marie de Subligny, Saint-Martin de Champcervon, Saint-Barthélémy de Grippon, Sainte-Trinité-des-Chambres, Saint-Pierre de Vains, Notre-Dame de Genêts, et enfin Saint-Pierre du Mont Saint-Michel.
Le doyenné comprenait aussi deux abbayes - le Mont Saint-Michel, de l’ordre de Saint Benoît, et la Lucerne, de l’ordre des Prémontrés - et cinq prieurés réguliers de l’ordre bénédictin: Saint-Jacques, près de la Haye-Pesnel, compris dans la paroisse de la Lucerne et dépendant de l’abbaye de Saint-Sever; Saint-Léonard de Vains, compris dans la paroisse de Vains et appartenant à l’abbaye Saint-Etienne de Caen; Saint-Marcellin de Genêts et Notre-Dame de Tombelaine, tous deux compris dans la paroisse de Genêts; et enfin Saint-Laurent de Brion, compris dans la paroisse de Dragey. Ces trois derniers prieurés appartenaient au monastère du Mont Saint-Michel.
Au 11e siècle, la paroisse était administrée par les Bénédictins du Mont Saint-Michel.
En 1123, le Concile de Latran défendit aux religieux d’avoir un ministère paroissial. Ils furent remplacés par des prêtres séculiers. Néanmoins, ces curés furent toujours sous l’autorité de l’abbé du Mont, qui était seigneur patron et nommait à la cure. Le premier curé qui succéda aux religieux fut Rainald, qui assista à la consécration de l’église de Genêts en 1157. Lui succéda Nicolas, puis Michel, un clerc du Mont qui, en 1164, fut présenté par l’abbé Robert de Torigni au bienheureux Achard, évêque d’Avranches. [2]
Au 15e siècle, le seigneur patron était toujours l’abbé du Mont, comme mentionné dans le Livre blanc (Pouillé de 1412) cité par le chanoine Pigeon: “Ecclesia S. Mariae de Genetseio – Patronus abbas Montis S. Michaelis…” [3]
La paroisse appartenait au doyenné de Genêts et à l’archidiachoné d’Avranches. L’église est placée sous le vocable de Notre Dame. Le second saint est Saint Sébastien.
L’église (voir le plan), régulièrement orientée (d’ouest en est), est formée d’une large nef, d’un transept à bras saillants et d’un choeur de trois travées à chevet plat. La première travée du choeur ouvre au nord et au sud sur deux chapelles à chevet plat. Ces chapelles ouvrent également sur les croisillons du transept. A la croisée du transept s’élève une tour massive surmontée d’un toit en bâtière.
Les maçonneries de la nef, du transept et du choeur ont un appareil irrégulier fait de moëllons de granit et de schiste. Seule la tour présente un appareil régulier de granit. Le schiste est la pierre locale puisque Genêts est situé dans une région de terrains sédimentaires schisteux. Le granit provient sans doute du massif granitique d’Avranches qui affleure à quelques kilomètres au sud-est de la localité.
Les enduits, sols, plafonds et toitures
Un enduit à la chaux recouvre tous les murs intérieurs.
Le sol de la nef et du transept est couvert de grandes dalles de schiste, alors que celui du choeur est pavé de carrelages émaillés posé au 19e siècle.
La nef est surmontée d’une voûte en berceau de bois réalisée en 1960 par Yves-Marie Froidevaux. La voûte a été refaite en utilisant les éléments d’une charpente à poinçons et entraits apparents du 15e siècle, éléments qui ont été découverts dans les lambris du 18e siècle. La partie centrale des poinçons est ornée d’une rosace sculptée.
A la même époque a été refaite la couverture en épaisses plaquettes de schiste de couleur verte. Ces plaquettes proviennent de la région de Cherbourg. Les toitures autres que celles de la nef sont en ardoises d’Angers.
Le porche précédant la porte sud de la nef est surmonté d’une charpente en carène renversée entièrement chevillée réalisée au 18e siècle.
Le transept et la tour présentent d’importantes parties romanes.
Le bras sud a été très remanié.
Une colonnette engagée romane (voir le schéma) subsiste dans l’angle formé par le mur ouest du bras sud du transept et le mur sud de la chapelle latérale. La corbeille du chapiteau de cette colonnette est surmontée d’un tailloir carré et chanfreiné. Cette corbeille est ornée de crochets d’angle entourés de motifs géométriques en forme de triangle, qui forment une sculpture en creux. Sa base carrée est surmontée d’un double tore.
On ne trouve pas d’autre colonne semblable dans les croisillons. Les murs ouest des croisillons furent largement percés au 13e siècle pour ouvrir sur les chapelles latérales du chœur. Peut-être cette colonne avait-elle une place différente dans l’édifice d’origine. Dans ce cas, elle serait un remploi.
Le bras nord est plus petit que le bras sud. Dans l’angle sud-ouest s’élève la tour d’escalier. Sa porte au cintre surbaissé est surmontée d’un arc de décharge. Elle comprend un large mâchicoulis appuyé à l’arcade voisine et porté par trois corbeaux en retrait. Ceci parce que la tour a servi de donjon pendant la guerre de Cent Ans.
Les croisillons ont été couverts de voûtes en berceau de plâtre lors des remaniements du 18e siècle.
La croisée du transept est délimitée par quatre puissants piliers de section carrée. Ces piliers, isolés à l’est, sont reliés aux bras du transept et à la nef à l’ouest. Ils supportent d’épais arcs brisés et fourrés reliés par des colonnes engagées jumelées. Ces arcs à triple rouleau déterminent une voûte d’arêtes au-dessus de la croisée du transept. Les retombées des arêtes sont reçues dans les angles rentrants des piliers par quatre colonnes engagées semblables à celles qui reçoivent les arcs.
Les quatre piliers présentent entre eux une symétrie parfaite. Le pilier sud-est (voir le schéma) est surmonté d’une imposte moulurée en forme de bandeau chanfreiné. Les côtés est et sud du pilier présentent une surface plane sans aucune mouluration. Au nord et à l’ouest, les arcs sont reçus par deux colonnes jumelles engagées sur dosseret. A l’angle nord-ouest, une colonne engagée semblable reçoit la retombée d’une des arêtes de la voûte. La corbeille des chapiteaux, sculptée, est surmontée d’un épais tailloir carré. Les bases carrées sont surmontées d’un double tore. L’ensemble du pilier repose sur une base carrée plus large.
Les sculptures des chapiteaux, en bas relief, représentent des motifs végétaux: feuilles de chêne et glands, feuilles de marronnier, feuilles de vigne et grappes de raisin (nord-ouest et nord-est); des motifs animaux: lapins et lièvres en train de courir (sud-est); des motifs géométriques: arceaux et bourrelets saillants (sud-ouest et sud-est). De plus, quelques tailloirs sont ornés d’un rang de perles (sud-ouest) ou d’arceaux brisés (nord-est). Les corbeilles surmontent une, deux ou trois astragales. Certaines astragales sont torsadées. Une double astragale entoure une torsade ou un rang de perles (nord-est). Quant aux bases, elles sont surmontées d’un double tore qui entoure une rangée de perles (sud-ouest). Le tore inférieur est torsadé (nord-ouest) ou il a la forme d’un prisme (nord-ouest et sud-est). Quelques bases sont ornées d’arceaux et de petites griffes aux angles (sud-est). Ce genre de sculptures et les diverses moulurations des tailloirs, astragales et bases laissent à penser que les chapiteaux et les bases ont été sculptés, ou resculptés, à une époque très postérieure à la construction des piliers. Peut-être ont-ils été sculptés au moment de la construction du choeur de l’église.
Deux contreforts plats terminés par un léger glacis épaulent le mur nord du croisillon nord. Ce mur est percé d’une grande baie en plein-cintre. La base de la tour d’escalier est comprise dans les maçonneries du croisillon. Cette tour se termine par un toit en appentis couvert d’ardoises, qui vient contrebuter la base de la tour à hauteur du cordon chanfreiné inférieur.
Le mur oriental du croisillon sud a le même genre d’appareil que la chapelle latérale sud du choeur. Ce mur a visiblement été refait lors de la construction de cette chapelle.
La maçonnerie du mur sud présente un décalage très net à mi-hauteur, du fait de l’ouverture tardive d’une grande baie en plein-cintre. Le mur pignon, en léger retrait, porte un oculus aujourd’hui muré.
L’appareil du mur occidental est différent de celui des autres maçonneries. Il s’agit de gros blocs de granit assez réguliers, avec quelques plaquettes de schiste comme éléments de calage. Ce mur est percé d’un portail dont l’arcade en plein-cintre est formée de deux épaisses voussures non moulurées (voir le schéma). La voussure extérieure repose sur deux épaisses colonnettes engagées surmontées d’un tailloir carré et chanfreiné, qui se poursuit en un bandeau chanfreiné sur le nu du mur. La corbeille des chapiteaux est sculptée de gros crochets d’angle peu visibles. Le niveau du sol extérieur arrive à la base du fût des colonnettes. Dans le sol subsiste une base carrée surmontée d’un double tore.
La lourdeur et l’extrême simplicité du portail – épaisses colonnettes, voussures sans mouluration –laissent supposer qu’il appartenait à l’église ayant précédé l’église reconstruite et consacrée en 1157. Ce portail pourrait dater du 11e siècle. Le mur occidental date peut-être de la même époque.
La tour, de proportions très vastes, est implantée à la croisée du transept. Elle comprend deux étages.
L’étage inférieur est aveugle.
L’étage supérieur est ouvert au nord, au sud et à l’ouest par des baies géminées délimitées par de petites colonnettes engagées à tailloir et base carrés. Ces baies reposent sur le bandeau semi-circulaire séparant le premier étage du second. Durant une campagne de construction postérieure, elles ont été murées jusqu’à hauteur du tailloir et prolongées par des baies gothiques trilobées munies d’abat-sons. Aux deux-tiers de la tour environ, un moyen appareil de granit laisse la place à un appareil fait de blocs de granit beaucoup plus gros. Le mur oriental ne comporte pas de baies romanes, mais uniquement des baies trilobées gothiques.
La tour était autrefois surmontée d’une flèche, qui fut détruite par la foudre au début du 16e siècle [4]. A cette époque, Guillaume de Lamps, abbé du Mont, fit surélever la tour romane d’un tiers de sa hauteur. Une baie géminée trilobée fut ajoutée de chaque côté dans le prolongement des baies géminées romanes. La tour est surmontée d’un toit en bâtière dont le départ est caché au nord et au sud par une balustrade ajourée. Les angles des balustrades sont munis de gargouilles gothiques représentant des chiens, des loups et des animaux fantastiques.
Les parties romanes appartenant à l’édifice consacré en 1157 sont les suivantes: la croisée du transept, la tour aux deux tiers de sa hauteur, et une partie des croisillons. Pour le croisillon nord, les maçonneries des murs nord et ouest et la tour d’escalier. Pour le croisillon sud, la partie inférieure du mur sud, le mur ouest avec sa porte - cette dernière datant sans doute du 11e siècle - et la colonnette engagée visible à l’intérieur.
Les constructions postérieures à l’époque romane sont nombreuses. Le choeur et ses deux chapelles latérales furent construits au 13e siècle. La partie supérieure de la tour fut édifíée au début du 16e siècle. La nef, entièrement remaniée au milieu du 18e siècle, avait déjà subi de nombreuses transformations auparavant, avec une porte sud gothique, des éléments de charpente à poinçons et entraits apparents du 15e siècle, et un porche du 16e siècle.
* La bibliographie de Genêts
* La carte du doyenné de Genêts
* Le plan de l’église de Genêts
* Le schéma de la porte et de la colonne du bras sud du transept
* Le schéma du pilier sud-est de la tour
[1] D’après: Pigeon (Emile-Auber). Le Mont Saint-Michel et sa baronnie Genêts-Tombelaine. Avranches, Imprimerie A. Perrin, 1901, p. 1-14.
[2] D’après: Pigeon (Emile-Auber). Le Mont Saint-Michel et sa baronnie Genêts-Tombelaine. Avranches, Imprimerie A. Perrin, 1901, p. 53-72.
[3] Pigeon (Emile-Auber). Le diocèse d’Avranches. Coutances, Salettes, 1888, tome II, p. 644.
[4] Voir le registre paroissial de Genêts, p. 148.
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