NEF - Le Livre 010101 de Marie Lebert - De l'imprimé à Internet
2.1. Chiffres et éléments techniques
2.2. Concepts de base
2.3. "Info-riches" et "info-pauvres"
2.4. Internet francophone, anglophone et multilingue
Depuis trois ans environ, Internet fait partie intégrante de notre vie quotidienne. Fin 1997, le nombre des cybernautes était estimé à 100 millions, avec un million de nouveaux utilisateurs chaque mois. D'après le Computer Industry Almanach, document de référence sur l'évolution du cyberespace, les cybernautes seront plus de 300 millions en l'an 2000.
La France a été raccordée à Internet très exactement le 28 juillet 1988. Dix ans après, le nombre de cybernautes français est estimé à 3 millions. D'après le Computer Industry Almanach, il sera de 12,6 millions à la fin de l'an 2000.
Après avoir été un phénomène expérimental qui a enthousiasmé quelques "branchés", Internet a envahi le monde. Les signes cabalistiques des adresses Internet fleurissent sur les livres, les magazines, les affiches et les publicités, sans parler de tous les produits qu'on achète au supermarché. On nous promet bientôt Internet dans tous les foyers. On parle de mariage de l'ordinateur et de la télévision avec écrans interchangeables ou intégrés, et d'accès à Internet par le même biais que la télévision câblée. Depuis le 1er janvier 1998, pour un abonnement de 260 FF par mois tout compris, les Parisiens peuvent accéder au réseau Internet par leur prise de câble dans certains arrondissements, et plusieurs villes de province (Annecy, Nice, Strasbourg, etc.) disposent des mêmes facilités depuis 1997.
Une autre preuve tangible de l'invasion d'Internet dans notre vie quotidienne est que sa majuscule tend petit à petit à s'estomper. Internet - qui était encore une planète à part voici peu de temps - est peu à peu remplacé par internet, avec un "i" minuscule. Internet deviendra sans doute un nom commun, au même titre que: téléphone, ordinateur ou télécopieur. En français, on écrit aussi bien Internet, sans article, que l'Internet, avec article. Dans les pages qui suivent, on a choisi d'utiliser la forme la plus répandue dans le grand public, à savoir Internet avec une majuscule et sans article.
En ce qui concerne le vocabulaire d'Internet, on a également choisi autant que possible l'équivalent français d'un terme anglais quand celui-ci existe. Mais - que les défenseurs inconditionnels de la langue française nous pardonnent - on utilise aussi quelques termes résolument anglophones parce que tout simplement intraduisibles si on veut que le texte reste compréhensible. On a également tenté d'éviter le ridicule. Par exemple, CD-Rom reste CD-Rom - orthographe utilisée entre autres par Libération, Le Monde et Télérama - et non cédérom, comme le préconise l'Académie française. CD-Rom étant l'acronyme de "compact disc-read only memory", il n'y a aucune raison de le franciser. De même, on parle par exemple de courrier électronique et non de Mél. (abrégé de: messagerie électronique), un terme à l'orthographe résolument francophone, mais beaucoup moins utilisé.
Les paragraphes qui suivent ne se veulent en aucune manière une présentation complète d'Internet. Les ouvrages abondent dans ce domaine, et on en trouvera une sélection dans la bibliographie. Le but est seulement de "situer" Internet pour une meilleure compréhension du sujet. De même, on utilise les termes techniques uniquement quand c'est indispensable, et ceux-ci sont systématiquement expliqués dans le corps du texte et dans le glossaire. Etant assez critique à l'égard des informaticiens employant un language hermétique compris d'eux seuls alors qu'ils sont censés se faire comprendre du grand public, on a tenté d'éviter de tomber dans les mêmes travers.
Internet est défini comme un ensemble de réseaux commerciaux, réseaux publics, réseaux privés, réseaux d'enseignement, réseaux de services, etc., qui opèrent à l'échelle planétaire. De par ses facilités de connexion d'une part et de par sa diversité d'autre part, Internet offre d'énormes ressources en information et en communication, et ces ressources augmentent régulièrement et de façon spectaculaire.
C'est le World Wide Web qui a rendu Internet très populaire et qui a permis sa gigantesque progression. Directeur de l'Internet Activities Board (IAB), Christian Huitema explique que le World Wide Web "repose sur trois idées principales, la navigation par 'hypertexte' [ensemble de liens permettant l'accès à d'autres documents], le support du multimédia, et l'intégration des services préexistants."
Plus communément appelé Web, ou encore WWW ou W3, le World Wide Web a été créé par Tim Berners-Lee en 1989-1990 au CERN (Laboratoire européen pour la physique des particules) à Genève, et il a révolutionné la consultation d'Internet en permettant la publication de documents au moyen du système hypertexte, à savoir un ensemble de liens hypertextes permettant de passer d'un document textuel ou visuel à un autre au moyen d'un simple clic de souris. Devenue véritablement interactive, l'information devenait soudain beaucoup plus attractive.
Le Web est donc très postérieur à Internet, réseau informatique global connectant gouvernements, sociétés, universités, etc., depuis bientôt trente ans. Et, même si, improprement, on les considère souvent comme synonymes, le Web n'est qu'un des aspects d'Internet, qui englobe plusieurs autres services: courrier électronique, forums de discussion, visioconférence, gopher, FTP (file transfer protocol), IRC (Internet relay chat), Telnet (terminal network protocol), etc.
Le Web a logiquement bénéficié de l'infrastructure d'Internet, particulièrement aux Etats-Unis. C'est la raison pour laquelle ce pays a quelques longueurs d'avance sur le reste du monde. On se plaint souvent de l'hégémonie américaine alors que il s'agit surtout d'une avance technique. Comme on le verra plus loin, malgré tous les efforts des "dynosaures" politiques et commerciaux, il est difficile à quelque pays ou à quelque communauté que ce soit de "mettre la main" sur le Web, c'est ce qui fait sa force.
Développé par le National Center for Supercomputing Applications (NSCA) à l'Université d'Illinois (USA) et distribué gratuitement à partir de novembre 1993, Mosaic fut le premier navigateur sur le Web et il contribua grandement à son développement rapide. Début 1994, une partie de l'équipe de Mosaic émigra dans la Netscape Communications Corporation pour commercialiser son logiciel sous le nom de Nescape Navigator. A ce jour, il est le navigateur le plus utilisé au monde avec 70% du marché mondial.
En 1995, pour concurrencer Netscape Navigator, Microsoft créa Internet Explorer, distribué gratuitement dans le pack accompagnant Windows 95 - qui équipe 90% des ordinateurs dans le monde - ce qui provoqua un véritable tollé. Les concurrents de Microsoft accusaient la société de vouloir créer une situation de quasi-monopole, mettant ainsi en péril la libre concurrence alors qu'il existe une législation anti-trust dans le domaine de la haute technologie. Depuis plusieurs mois, les médias couvrent abondamment les démêlés de Bill Gates, patron de Microsoft, avec le ministère américain de la Justice sur la commercialisation d'Internet Explorer avec ou sans Windows 98 - qui succède à Windows 95.
Chaque serveur web est accessible au moyen d'une adresse qui lui est propre, plus précisément appelée URL (uniform resource locator). De par leur complexité, un grand nombre d'adresses Internet sont difficiles à retenir, si bien que les navigateurs proposent des favoris, également appelés signets. Ces favoris permettent à chacun de constituer son propre répertoire de sites web sans devoir relancer une recherche ou bien retaper complètement une adresse pour chaque consultation.
Un site web est le plus souvent formé d'un ensemble de pages-écran reliées entre elles par des liens hypertextes, qui sont en général soulignés et d'une couleur différente de celle du texte. Grâce à un simple clic, l'utilisateur est renvoyé soit à une autre partie du document, soit à un autre document du site, soit à un autre site. Plus récemment, cette interactivité a encore été accrue par la possibilité de liens hypermédias permettant la connexion de textes et d'images avec des graphiques, vidéos ou bandes sonores.
La recherche sur le Web est facilitée par des annuaires et des moteurs de recherche.
Appelés également répertoires par les francophones, les annuaires recensent tous les sites web et les classent par thèmes afin d'aider l'utilisateur à trouver l'information qu'il cherche. Ces annuaires permettent aussi bien de trouver l'adresse d'un site dont on connaît déjà le nom que de faire une recherche par sujet.
L'annuaire le plus utilisé sur le Web est Yahoo!, acronyme de: Yet Another Hierarchical Officious Oracle! Créé en 1994 par des étudiants de l'Université de Stanford (Californie, USA) pour recenser et classer par thèmes les sites web, Yahoo! est devenu une institution. Le travail est effectué par le cerveau humain, contrairement aux moteurs de recherche comme AltaVista où tout est automatisé. Divisé en 63 grandes catégories, Yahoo! comprend notamment des secteurs sur les bibliothèques, les cyberbibliothèques, les textes électroniques, etc. Consultable en anglais, allemand, coréen, français, japonais, norvégien et suédois, Yahoo! travaille de concert avec AltaVista. Quand une recherche ne donne pas de résultat dans l'un, elle est automatiquement aiguillée sur l'autre. Depuis la fin décembre 1998, le site de Yahoo! France permet à chaque utilisateur de créer son propre guide de recherche avec Mon Yahoo!
Les moteurs de recherche sont de gigantesques bases de données dans lesquelles le recensement des sites est entièrement automatisé. Le plus utilisé, AltaVista, est disponible en quatorze langues, dont le français. Il permet aussi la recherche d'images, et la recherche par sujets grâce à AltaVista Subject Search. Depuis décembre 1997, il propose AltaVista Translation, un service de traduction automatisée de l'anglais vers les langues suivantes: allemand, espagnol, français, italien et portugais, et vice versa. Bien qu'ayant ses limites: traduction de trois pages maximum, texte traduit très approximatif, etc., ce service a été immédiatement très apprécié des cybernautes non anglophones.
D'autres instruments de recherche ont été créés à destination du public francophone, par exemple Nomade ou Ecila.
Le seul véritable point faible du Web, ce sont les connexions parfois difficiles et les délais d'attente imprévisibles nécessaires pour se connecter à un fournisseur d'accès à Internet par le biais du réseau téléphonique. Ces délais mettent les nerfs du cybernaute pressé à rude épreuve et devraient être résolus à plus ou moins long terme. Pour le moment, le plus souvent, un particulier se connecte à Internet par le biais d'un modem branché sur sa ligne téléphonique, appelé un réseau à bande étroite (fils de cuivre). Les réseaux à bande étroite seront progressivement remplacés par des réseaux à bande moyenne (RNIS et ADSL) et des réseaux à large bande (fibres optiques), qui éviteront les délais de connexion et permettront un déchargement rapide des images. D'ores et déjà, la carte RNIS (réseau numérique à intégration de services) permet une transmission rapide des données par câble téléphonique, parallèlement à la transmission des services de téléphonie et de télécopie.
Le procédé ADSL (asymmetric digital subscriber line) permet d'augmenter considérablement la vitesse de transmission des données par les lignes téléphoniques classiques tout en préservant lui aussi la circulation de la voix et de la télécopie. Depuis octobre 1997, France Télécom et Alcatel ont lancé Turbo Wanadoo, avec une première plate-forme expérimentale à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis, dans la région parisienne), suivie d'une deuxième plate-forme à Rennes (Bretagne) au printemps 1998. L'abonnement est de 422 FF par mois.
Aux traditionnels câbles métalliques succèdent les câbles à fibres optiques, de bien plus gros débit. Ces câbles utilisent la technologie ATM (asnychronous tranfer mode), un protocole pouvant transmettre tout type d'information, y compris la voix et la vidéo, par l'acheminement indépendant de cette information fragmentée en de multiples paquets et reconstituée à l'arrivée pour recomposer l'information initiale, le tout dans un délai donné.
Dans Cyberplanète : notre vie en temps virtuel, passionnant ouvrage de Philip Wade et Didier Falkand (Paris, éditions Autrement, 1998), il est indiqué que les Etats-Unis installent 6.000 kilomètres de fibre optique par jour. A ce rythme, il leur faudra 890 ans et 700 milliards de dollars d'investissement pour remplacer tous les fils de cuivre du téléphone. Pour une opération similaire, le Japon aurait besoin de quinze ans et 500 milliards de dollars.
Afin d'accélérer les échanges de données sur le réseau, on envisage donc maintenant d'installer des satellites en orbite basse d'ici l'an 2002. Situés à moins de 2.000 km d'altitude, ces satellites auront un temps de réponse de vingt millisecondes, correspondant à celui d'un câble à fibre optique. Plusieurs programmes ont été mis en place pour travailler à ce projet, dont le programme européen Skybridge et ceux de ses concurrents américains Celestru et Teledesic.
Techniquement parlant, on s'interroge souvent sur la place de l'Europe dans le développement d'Internet. A la question posée en décembre 1997 par Pierre Ruetschi, journaliste à la Tribune de Genève: "Pourquoi l'Europe a-t-elle accumulé un tel retard sur les Etats-Unis en matière de présence et de développement sur l'Internet? Et peut-elle rattraper ce retard?", Tim Berners-Lee, président du World Wide Web Consortium, répondait en expliquant l'avance des Etats-Unis par les importants investissements faits par l'Etat. Il insistait aussi sur l'avance technologique de l'Europe sur les Etats-Unis dans plusieurs domaines: Minitel, cartes à puce, téléphones cellulaires, etc.
Il est vrai que la France fut un pays pilote avec l'utilisation intensive du Minitel par un quart de sa population. Développé par France Télécom, le Minitel est un terminal permettant la consultation de serveurs à domicile, consultation qui fut fortement encouragée par l'Etat français puisqu'il distribua gratuitement des millions de terminaux. L'opération Minitel fut un succès, contrairement à des opérations similaires menées dans d'autres pays (Prestel en Angleterre, BX en Allemagne ou Alex au Canada) qui, elles, ne remportèrent pas le succès escompté. Même s'il est technologiquement limité, le Minitel est "tout ce qu'Internet doit encore devenir", expliquait Bruno Guissani dans le quotidien Libération du 5 décembre 1997. "Le coût de l'équipement est proche de zéro. Le système permet des transactions sûres et légalement fiables. Il garantit un bon degré de protection personnelle (privacy). Il est simple à utiliser. Et il génère des revenus tant pour ses opérateurs que pour les marchands qui s'y aventurent."
La plupart des serveurs disponibles sur Minitel le sont maintenant également sur le Web, avec les avantages qu'offrent une consultation meilleur marché (le prix d'une communication téléphonique locale), la facilité de navigation et les possibilités du multimédia.
Dans les foyers, la consultation du Minitel va bientôt être rempacée par celle d'Internet. Alcatel, firme française qui fut l'une des bénéficiaires du succès du Minitel, compte mettre le successeur du Minitel sur le marché en 1999. Muni d'un écran couleur et fonctionnant en langage Java, ce téléphone permettra de naviguer en direct sur Internet. Il sera équipé d'un modem de 33,6K (kilobits par seconde) ou d'une carte RNIS (réseau numérique à intégration de services), ainsi que d'un lecteur de carte bancaire permettant les paiements sécurisés. Cet équipement coûtera environ 3.000 FF.
Sur le site de l'Internet Society, organisme professionnel international coordonnant et promouvant le développement d'Internet, The Brief History of Internet propose d'Internet une triple définition. Internet est : 1) un instrument de diffusion internationale, 2) un mécanisme de diffusion de l'information, 3) un moyen de collaboration et d'interaction entre les individus et les ordinateurs, indépendamment de leur situation géographique.
Selon ce document, bien plus que toute autre invention (télégraphe, téléphone, radio ou ordinateur), Internet a révolutionné de fond en comble le monde des communications. Il représente un des exemples les plus réussis d'interaction entre un investissement soutenu dans la recherche et le développement de l'infrastructure de l'information, qui ont été l'objet d'un réel partenariat entre les gouvernements, les industries et les universités.
C'est le 24 octobre 1995 que le Federal Networking Council (FNC) accepte une résolution visant à proposer une définition développée en consultation avec les membres des communautés d'Internet et ceux des organismes défendant la propriété intellectuelle. Internet est donc défini comme un système d'information globale obéissant aux trois caractéristiques suivantes: 1) des adresses d'un type unique basées sur le protocope IP (Internet protocol) ou ses extensions, 2) des communications utilisant le TCP/IP (transmission control protocol / Internet protocol), ses extensions ou des protocoles compatibles, 3) la mise à disposition de services publics ou privés à partir de ces infrastructures.
Sur le site du World Wide Web Consortium, consortium industriel international établissant les protocoles communs nécessaires au Web, Bruce Sterling décrit le développement spectaculaire d'Internet dans Short History of the Internet. Internet se développe plus vite que les téléphones cellulaires ou les télécopieurs. En 1996, sa croissance était de 20% par mois. Le nombre des machines ayant une connexion directe TCP/IP avait doublé depuis 1988. D'abord présent dans l'armée et dans les instituts de recherche, Internet a déferlé comme un raz-de-marée dans les écoles, les universités et les bibliothèques, et il a également été pris d'assaut par le secteur commercial.
Bruce Sterling s'intéresse aussi aux raisons pour lesquelles on se connecte à Internet. Une des raisons essentielles lui semble être la liberté. Internet est un exemple d'"anarchie réelle, moderne et fonctionnelle". Il n'y a pas de société Internet. Il n'y a pas non plus de censeurs officiels, de patrons, de comité de direction ou d'actionnaires. Toute personne peut parler d'égale à égale avec une autre, du moment qu'elle se conforme aux protocoles TCP/IP, des procotoles qui ne sont pas sociaux ou politiques mais strictement techniques.
Internet est aussi une bonne affaire commerciale. Contrairement à la téléphonie traditionnelle, il n'y a pas de frais longue distance. Et, contrairement aux réseaux informatiques commerciaux, il n'y pas de frais d'accès. En fait, Internet, qui n'existe même pas officiellement en tant qu'entité, n'a pas de facturation propre. Chaque groupe de personnes ayant accès à Internet est responsable de ses propres machines et de ses propres connexions.
Plusieurs organismes internationaux travaillent au développement d'Internet. En voici trois.
Créée en 1992 par Vinton Cerf, souvent appelé le père d'Internet parce qu'il est l'inventeur du protocole TCP/IP (à la base de tout échange de données), l'Internet Society (ISOC) est un organisme professionnel international non gouvernemental regroupant des secteurs ayant des intérêts divers afin d'élaborer des solutions permettant de promouvoir le développement d'Internet.
Le World Wide Web Consortium (W3C) est un consortium industriel international fondé en 1994 pour développer les protocoles communs nécessaires à la croissance du Web et guider ainsi cette croissance en en définissant les standards. Etabli à Boston dans le MIT Laboratory for Computer Science (MIT: Massachussets Institute of Technology, USA) et dirigé par Tim Berners-Lee, inventeur du World Wide Web en 1989-1990, il réunit les entreprises qui comptent dans le monde d'Internet.
L'Electronic Frontier Foundation (EFF) est un organisme à but non lucratif de défense des libertés civiles, qui oeuvre dans l'intérêt public pour protéger le respect de la vie privée, la liberté d'expression, l'accès en ligne de l'information publique et la responsabilité civile dans les nouveaux médias.
Internet est-il un concurrent direct de la télévision et de la lecture? En 1996, un cybernaute sur deux passait moins de temps devant la télévision. 18% des cybernautes lisaient moins de livres, 5% en lisaient plus. 15% lisaient moins de quotidiens et magazines, 12% en lisaient plus.
Au Québec, où 30,7% de la population est connectée à Internet, un sondage réalisé en mars 1998 par l'institut Som pour le compte du magazine Branchez-vous! montre que 28,8% des Québécois connectés regardent moins la télévision qu'avant. Par contre, seuls 12,1% lisent moins, ce qui, d'après le cyberquotidien Multimédium, est "plutôt encourageant pour le ministère de la Culture et des Communications qui a la double tâche de favoriser l'essor de l'inforoute et celui... de la lecture!"
Lors d'un entretien avec Annick Rivoire publié dans Libération du 16 janvier 1998, Pierre Lévy, philosophe, expliquait qu'Internet va contribuer à la fin des monopoles:
"Le réseau désenclave, donne plus de chance aux petits. On crie 'ah! le monopole de Microsoft', mais on oublie de dire que l'Internet sonne la fin du monopole de la presse, de la radio et de la télévision et de tous les intermédiaires."
Fondateur de l'Internet Society (ISOC), Vinton Cerf insiste régulièrement sur le fait qu'Internet relie moins des ordinateurs que des personnes et des idées. Il explique aussi:
"Le réseau fait deux choses [...]: comme les livres, il permet d'accumuler de la connaissance. Mais surtout, il la présente dans une forme qui la met en relation avec d'autres informations. Alors que dans un livre, l'information est maintenue isolée."
C'est ce que Pierre Lévy définit comme l'intelligence collective:
"Les réseaux permettent de mettre en commun nos mémoires, nos compétences, nos imaginations, nos projets, nos idées, et de faire en sorte que toutes les différences, les singularités se relancent les unes les autres, entrent en complémentarité, en synergie."
Philosophe passionné par le cyberespace, Timothy Leary constate dans Chaos et cyberculture (Paris, éditions du Lézard, 1997):
"Jamais l'individu n'a eu à sa portée un tel pouvoir. Mais, à l'âge de l'information, il faut saisir les signaux. Populariser signifie 'rendre accessible au peuple'. Aujourd'hui, le rôle du philosophe est de personnaliser, de populariser et d'humaniser les concepts informatiques, de façon à ce que personne ne se sente exclu."
Lors d'une entrevue accordée en automne 1997 à François Lemelin, rédacteur en chef de L'Album, publication officielle du Club Macintosh de Québec, Jean-Pierre Cloutier, auteur des Chroniques de Cybérie, expliquait:
"Je crois que le médium (Internet, ndlr) va continuer de s'imposer, puis donner lieu à des services originaux, précis, spécifiques, quand on aura trouvé un modèle économique de viabilité. Que ce soit pour les cybermédias d'information comme les Chroniques de Cybérie, ou pour les info-services, les services communautaires et publics en ligne, le commerce électronique, l'éducation à distance, la politique post-moderne qui va changer les rapports élus/commettants (élus/administrés, ndlr), en fait, tout ça s'en vient (tout cela est pour bientôt, ndlr). (...) Pour ce qui est des rapports avec les autres médias, je crois qu'il faut regarder en arrière. Contrairement aux dires des alarmistes de toutes les époques, la radio n'a pas tué l'industrie de la musique ou du spectacle, pas plus que le cinéma. La télé n'a pas tué la radio, ni le cinéma. Le vidéo à domicile non plus. Quand un nouveau médium arrive, il se fait une place, les autres s'ajustent, il y a une période de transition, puis une 'convergence'.
Ce qui est différent, avec Internet, c'est la dimension interactive du médium et son impact possible. C'est la donnée sur laquelle on réfléchit encore, on observe. Aussi, comme médium, le Net fait émerger de nouveaux concepts sur le plan de la communication, et sur le plan humain, et ce même pour les non branchés. Je me souviens (eh oui, j'ai cet âge) quand McLuhan est arrivé, fin des années soixante, avec son concept de 'village global' en se basant sur la télévision, le téléphone, et qu'il prévoyait les échanges de données entre ordinateurs. Eh bien il y a eu des gens, en Afrique, sans télévision et sans téléphone, qui ont lu et qui ont compris McLuhan. Et McLuhan a changé des choses dans leur conception de voir le monde. L'Internet a ce même effet. Il provoque une réflexion sur la communication, la vie privée, la liberté d'expression, les valeurs auxquelles on tient, celles dont on est prêt à se débarrasser, et c'est ça qui en fait un médium si puissant, si important."
Les enjeux économiques de la société de l'information sont considérables. "Un chiffre très supérieur aux exportations mondiales de produits agricoles, et une croissance la plus rapide de toutes les industries avec un taux moyen de 15% par an depuis 1990 pour l'informatique et de 10% pour les télécommunications. Leur contribution au PIB (produit intérieur brut) mondial devrait dépasser 10% d'ici à l'an 2000 et poursuivre son expansion au-delà", précisent Philip Wade et Didier Falkand dans Cyberplanète: notre vie en temps virtuel (Paris, éditions Autrement, 1998).
Il existe évidemment une corrélation directe entre le développement économique et social et l'accès aux télécommunications. L'accès aux nouvelles technologies de communication progresse beaucoup plus rapidement dans les nations situées au nord de la planète que dans celles situées au sud, et on trouve beaucoup plus de serveurs web en Amérique du Nord et en Europe que sur les autres continents. Deux tiers des cybernautes habitent les Etats-Unis, pays dans lequel 40% des foyers sont équipés d'un ordinateur, pourcentage que l'on retrouve aussi au Danemark, en Suisse et aux Pays-Bas. Le pourcentage est de 30% en Allemagne, 25% au Royaume-Uni, et 20% dans la plupart des pays industrialisés.
Disponibles dans le Computer Industry Almanach, document de référence sur l'évolution du cyberespace, les statistiques du 19 mars 1998 sur le pourcentage des connexions par nombre d'habitants montrent que la Finlande est le pays le plus "branché" du monde avec 25% de cybernautes, suivi par la Norvège (23%) et l'Islande (22,7%). Les Etats-Unis se trouvent au quatrième rang avec 20% de cybernautes. Onze pays dans le monde ont une proportion d'usagers d'Internet dépassant les 10%, et la Suisse est le onzième avec 10,7%.
En ce qui concerne le pourcentage global, les statistiques de fin 1997 du Computer Industry Almanach - qui tiennent compte des branchements à domicile, au bureau et dans les établissements d'enseignement - montrent que les Etats-Unis sont encore largement en tête avec 54,68% du total mondial, suivis par le Japon (7,97%), la Grande-Bretagne (5,83%) et le Canada (4,33%). Les chiffres montrent aussi que la place des Etats-Unis ne cesse de diminuer: 80% en 1991, moins de 65% en 1994, moins de 50% courant 1998 et une prévision de moins de 40% en l'an 2000. La France (1,18%) et la Suisse (0,77%) font également partie des quinze pays les plus "branchés".
A l'échelle mondiale, l'accès universel aux autoroutes de l'information est loin d'être assuré. En ce qui concerne la téléphonie de base, la télédensité varie de plus de 60 lignes téléphoniques pour 100 habitants dans les pays riches (par exemple 68 en Suède, 63 aux Etats-Unis, 61 en Suisse et au Danemark) à moins d'une dans les pays pauvres. L'Amérique du Nord et l'Europe de l'Ouest disposent de la moitié des lignes téléphoniques dans le monde, alors que la moitié de la population mondiale n'a jamais utilisé un téléphone.
Dans les pays en développement, il est fort peu probable que les connexions à Internet se fassent par le biais des lignes téléphoniques traditionnelles alors qu'il existe maintenant d'autres solutions technologiques. Les pays en développement possèdent un taux d'équipement en lignes numériques comparable à celui des pays industrialisés. En 1995, les statistiques étaient de 77% pour l'Amérique du Nord, 72% pour l'Asie et le Pacifique, 64% pour l'Europe de l'Ouest et l'Amérique latine, et 70% pour le Moyen-Orient et l'Afrique.
Le développement de la téléphonie mobile est également spectaculaire, et l'équipement en téléviseurs est proche de celui des pays industrialisés. Selon Philip Wade et Didier Falkland, le micro-ordinateur pourrait avoir un développement similaire, à condition que la fiscalité et les droits de douane ne soient pas trop élevés. La solution pourrait se trouver dans la radiotéléphonie cellulaire et la connexion par satellite. Par contre, le contrôle des moyens d'information, facile pour la télévision, risque de l'être beaucoup moins pour Internet, même si des pays comme la Chine ou Singapour bloquent pour le moment l'accès à certains serveurs jugés politiquement ou moralement incorrects.
Lors d'un discours prononcé en octobre 1995 à Genève pendant le septième Forum international des télécommunications, Nelson Mandela, président de l'Afrique du Sud, déclarait que "les technologies de communication ne doivent pas être considérées comme un luxe, intervenant après le développement général du pays, mais comme l'une des convictions qui déterminent les capacités des pays en développement à engager la modernisation de leur économie et de leur société".
Les nouveaux réseaux peuvent contribuer au développement économique des pays en développement. Plusieurs programmes ont été lancés dans ce domaine comme infoDev (programme de la Banque mondiale) ou WorldTel et, spécifiquement pour l'Afrique, un programme de l'US Agency for International Development (AID), @frinet (programme du Canada) ou AfriWeb (programme du Québec).
La démarcation entre "info-riches" et "info-pauvres" ne suit cependant pas systématiquement la démarcation entre pays développés et pays en développement. L'accès aux technologies de l'information est lui-même très inégal dans les pays riches. Quelques pays en développement, par exemple la Malaisie ou les pays d'Amérique latine, ont une politique très dynamique en matière de télécommunications. Un document préparatoire de la deuxième Conférence sur le développement des télécommunications dans le monde - qui s'est déroulée du 23 mars au 1er avril 1998 à Valletta (Malte) - montre que plusieurs pays en développement, comme le Botswana, la Chine, le Chili, la Thaïlande, la Hongrie, le Ghana et l'Ile Maurice, ont réussi à étendre la densité et la qualité de leurs services téléphoniques au cours des trois dernières années. Par contre, pour les nations les plus pauvres, la situation s'est encore aggravée.
Président de Nation Printers and Publishers (Kenya) (devenue Nation Media Group le 23 juillet 1998), Wilfred Kiboro déclarait lors du Colloque sur la convergence multimédia des 27-29 janvier 1997 à Genève:
"Le coût de la technologie de l'information doit être ramené à un niveau abordable. Je rêve du jour où les villageois africains pourront accéder à Internet depuis leur village, aujourd'hui privé d'eau et d'électricité." En effet, dans le domaine des médias particulièrement, il existe un gouffre entre les "info-riches" et les "info-pauvres". Dans de nombreux pays africains, le tirage des journaux est extrêmement faible comparé au chiffre de la population, et chaque exemplaire est lu par une vingtaine de personnes au moins. Selon Wilfred Kiboro, les coûts de distribution pourraient fortement baisser avec la mise en service d'un système d'impression par satellite qui éviterait le transport des journaux par camion dans tout le pays.
Un article du quotidien Le Monde du 30 mars 1998 montre que certains pays en développement comptent aussi sur le Web pour redorer leur image, comme la Mauritanie qui, fin mars 1998, présentait son site web officiel au siège de la Banque mondiale. Vitrine du pays à destination des touristes et des investisseurs étrangers, ce site a pour but d'améliorer une image passablement ternie suite au reportage d'une chaîne de télévision sur la persistance de l'esclavage dans ce pays, alors que celui-ci est officiellement aboli depuis des années. A l'intérieur du pays, la consultation d'Internet est fortement réglementée par l'Office des postes et des télécommunications (OPT), qui est l'opérateur national, et rendue plus difficile encore par des coûts de connexion prohibitifs, à savoir trois fois ceux d'une communication téléphonique locale.
La Chine elle aussi est en train de découvrir l'information numérique. Elle dispose d'un Internet national, le China Wide Web, dont le nombre d'abonnés est passé de 100.000 en 1996 à 600.000 en 1997. Mis en place par la China Internet Corporation (CIC), une société établie à Hong Kong, il s'agit d'un réseau d'affaires et d'informations passablement coupé du monde, filtré et surveillé par les autorités chinoises. Le 27 mars 1998, le cyberquotidien Multimédium écrivait:
"Tout cela respire la langue de bois, le totalitarisme et l'opportunisme à plein poumons, bien sûr. Mais qui sait si la logique libertaire du médium ne finira effectivement pas, un jour, par l'emporter sur l'idéologie? Ce fameux jour où la Chine se branchera..."
Le goufre entre "info-riches" et "info-pauvres" n'est pas seulement celui qui sépare les pays développés des pays en développement. C'est aussi, dans n'importe quel pays, celui qui sépare les riches des pauvres, ceux qui ont du travail et ceux qui n'en ont pas, ceux qui ont leur place dans la société et ceux qui en sont exclus. Moyen de communication, Internet peut être une passerelle au-dessus du goufre, comme le montre un encart de la revue Psychologies de mai 1998:
"Aux Etats-Unis, un mouvement voit le jour: la confiance en soi... par Internet! Des milliers de sans-abri ont recours au réseau pour retrouver une place dans la société. Non seulement le Net fournit une adresse à qui n'en a pas et ôte les inhibitions de qui redoute d'être jugé sur son apparence, mais c'est aussi une source d'informations et de contacts incomparable. Bibliothèques et associations d'aide au quart-monde l'ont bien compris: des salles informatiques, avec accès à Internet, animées par des formateurs, sont ouvertes un peu partout et les mairies en publient la liste. A travers le e-mail (courrier électronique), les homeless (sans-abri) obtiennent les adresses des lieux d'accueil, des banques alimentaires et des centres de soins gratuits, ainsi qu'une pléthore de sites pour trouver un emploi. A 50 ans, Matthew B. a passé le quart de sa vie dans la rue et survit, depuis trois ans, d'une maigre subvention. Il hante la bibliothèque de San Francisco, les yeux rivés sur l'écran des ordinateurs. 'C'est la première fois, dit-il, que j'ai le sentiment d'appartenir à une communauté. Il est moins intimidant d'être sur Internet que de rencontrer les gens face à face.'"
Après avoir été anglophone à pratiquement 100%, Internet l'est encore à plus de 80%, un pourcentage qui s'explique par les trois facteurs suivants : 1) les premières années ont vu la création d'un grand nombre de sites web émanant des Etats-Unis, du Canada ou du Royaume-Uni, 2) la proportion de cybernautes est encore particulièrement forte en Amérique du Nord par rapport au reste du monde, 3) l'anglais est la principale langue d'échange internationale.
Comme Internet s'étend progressivement à tous les continents et à de nombreux pays non anglophones, ce pourcentage est à la baisse.
Parallèlement, les sites francophones ont enregistré une forte expansion depuis 1996. Au début de 1998, les Québécois attendaient de pied ferme l'arrivée en masse de sites français, surtout dans le domaine du commerce électronique. Le 10 février 1998 , lors d'un entretien avec le cyberquotidien Multimédium, Louise Beaudouin, ministre de la Culture et des Communications du Québec, déclarait: "J'attendais depuis deux ans que la France se réveille. Aujourd'hui, je ne m'en plaindrai pas. "A cette date, le Québec (6 millions d'habitants) proposait plus de sites web que la France (60 millions d'habitants). La ministre attribuait le retard de la France à deux facteurs: d'une part les tarifs élevés du téléphone et du Minitel, d'autre part les transactions commerciales possibles sur le Minitel depuis plusieurs années, ce qui avait ralenti l'expansion du commerce électronique sur Internet.
"En voulant trop en faire une affaire nationale, qui exprimerait aussi par ailleurs l'antipathie qu'ils ont envers les Anglais, les Français ont tendance à freiner la propagation de leur culture. Cela est très regrettable", lit-on le 7 novembre 1996 dans Yomiyuri Shimbun, le plus grand quotidien japonais avec ses dix millions d'exemplaires (cité dans un article de Pierre Perroud, créateur de la cyberbibliothèque Athena). Ce cliché a-t-il jamais été vrai, si ce n'est pendant la Guerre de cent ans?
Plus optimiste, Tim Berners-Lee, créateur du Web, déclarait cependant en décembre 1997 à Pierre Ruetschi dans la Tribune de Genève:
"Pourquoi les francophones ne mettent-ils pas davantage d'informations sur le Web? Est-ce qu'ils pensent que personne ne veut la lire, que la culture française n'a rien à offrir? C'est de la folie, l'offre est évidemment énorme." Ces remarques sont-elles une critique, un encouragement, ou les deux? On aurait pu les comprendre il y a deux ou trois ans, mais il n'est pas sûr qu'elles soient encore de mise aujourd'hui. Il suffit de naviguer sur le Web francophone pour s'en rendre compte.
Un exemple parmi d'autres de la coopération francophone est le beau site de l'Agence de la francophonie. L'Agence, "instrument de coopération multilatérale née d'un idéal, celui de créer une communauté qui fasse entendre sa voix dans le concert des nations, participe aujourd'hui à l'avènement d'un Secrétariat général de la Francophonie". Créée en 1970 pour regrouper 21 états francophones, l'Agence de la francophonie en comptait 47 en 1997.
S'il est la langue des pays francophones, le français est aussi la deuxième langue utilisée dans les organisations internationales. Malgré la pression anglophone, réelle ou supposée selon les cas, des francophones veillent à ce que le français, langue officielle de plus de quarante états, ait sa place en Europe et dans le monde, au même titre que les autres grandes langues de communication que sont l'anglais, l'arabe, le chinois et l'espagnol. Là aussi, l'optique est aussi bien la défense d'une langue que le respect du multilinguisme et de la diversité des peuples.
C'est l'Annuaire de l'UREC (UREC: Unité réseaux du CNRS) qui a été le premier annuaire de sites web français. Travail de pionnier, il a permis aux cybernautes francophones d'une part de se familiariser avec le Web sans se noyer dans la masse d'informations mondiale, d'autre part de connaître les sites qui petit à petit fleurissaient en France et ailleurs. Créé au début de 1994, il a d'abord recensé les sites académiques, puis son contenu est devenu plus généraliste.
Comme l'expliquait Claude Gross sur le site à l'automne 1997, la gestion de l'annuaire est ensuite devenue très difficile du fait de l'accroissement constant du nombre de sites web, et notamment de sites commerciaux. Par la suite, d'autres annuaires ont vu le jour, dont certains débutés avec l'aide de l'UREC. En juillet 1997, considérant que la mission qu'elle s'était donnée était accomplie, l'UREC a donc arrêté la mise à jour de cet annuaire généraliste. Il est maintenant remplacé par un annuaire spécialisé consacré à l'enseignement supérieur et à la recherche.
Nombreux sont ceux qui travaillent à une meilleure représentation du français sur le Web, en prônant un Web francophone intégré dans un Web international et multilingue tenant compte de la diversité des langues en Europe et dans le monde.
La Délégation générale à la langue française (DGLF) s'est donnée plusieurs missions : veiller à la promotion et à l'emploi du français en France, favoriser son utilisation comme langue de communication internationale et développer le plurilinguisme, garant de la diversité culturelle. La rubrique: France langue propose trois listes de diffusion consacrées à la langue française: France langue, France langue assistance et France langue technologies. Gérée et modérée par la DGLF, France langue se veut "un lieu convivial d'échanges d'informations et d'idées (manifestations, colloques, publications, etc.), ainsi qu'un lieu de discussion sur les thèmes liés à la langue française, à la diversité linguistique, à la dynamique des langues, à la politique linguistique", et elle accueille toutes les questions d'ordre linguistique (grammaire, orthographe, usage, etc.).
La DGLF a également mené plusieurs actions pour assurer la place du français sur les nouveaux réseaux, notamment l''édition de guides techniques sur l'utilisation dans les logiciels des caractères typographiques et des accents propres à la langue française, ce en liaison avec l'AFNOR (Association française de normalisation), et la traduction des logiciels commercialisés en France.
Le site de la Maison de la Francité, association belge subventionnée depuis 1976 par la Commission communautaire française, souhaite présenter la réalité socio-linguistique de Bruxelles, seconde capitale internationale de langue française après Paris, tout en agissant pour la défense et la promotion de la langue française à Bruxelles et au sein de la Communauté française Wallonie-Bruxelles.
Au Québec, le dynamique Office de la langue française (OLF), organisme gouvernemental chargé d'assurer la promotion du français, veille à l'implantation et au maintien du français dans les milieux de travail et des affaires et dans les services administratifs. Il définit et conduit la politique québécoise en matière de linguistique et de terminologie.
La propagation d'une langue passe aussi par l'étude dynamique de celle-ci. Internet ouvre des horizons sans précédent sur l'utilisation de bases de données linguistiques et les possibilités de recherche textuelle, témoin le site de l'Institut national de la langue française (INaLF), qui présente ses propres recherches, notamment dans le discours littéraire du 14e au 20e siècle (contenu, sémantique, thématique), la langue courante (langue écrite, langue parlée, argot), le discours scientifique et technique et ses ressources terminologiques.
Les instances politiques ont également contribué à favoriser l'accès des autoroutes de l'information aux francophones. En application de la Résolution sur la société de l'information adoptée par les chefs d'Etat et de gouvernement à Cotonou (Bénin) en décembre 1995, la Conférence des ministres francophones chargés des inforoutes s'est déroulée à Montréal (Québec) du 19 au 21 mai 1997. Datée du 21 mai 1997, la Déclaration de Montréal proposait de "développer une aire francophone d'éducation, de formation et de recherche; soutenir la création et la circulation de contenus francophones et contribuer à la sauvegarde et à la valorisation des patrimoines; encourager la promotion de l'aire francophone de développement économique; mettre en place une vigie francophone (veille active); sensibiliser prioritairement la jeunesse ainsi que les utilisateurs, les producteurs et les décideurs; assurer la présence et la concertation des francophones dans les instances spécialisées."
De par sa vocation internationale, Internet doit être multilingue. On dispose enfin d'un instrument qui peut abolir les frontières au lieu d'en créer d'autres. De plus en plus de sites offrent des présentations bilingues ou trilingues, voire multilingues. Le site du quotidien belge Le Soir, par exemple, offre une présentation du journal en six langues: français, allemand, anglais, espagnol, italien et néerlandais. Le Club des poètes, lui, présente son site en anglais, en espagnol et en portugais.
Le multilinguisme est l'affaire de tous, témoin cet Appel du Comité européen pour le respect des cultures et des langues en Europe (CERCLE) qui, diffusé dans les onze langues officielles de l'Union européenne, défend "une Europe humaniste, plurilingue et riche de sa diversité culturelle". Il propose aux réviseurs du Traité de l'Union européenne douze amendements prenant en compte le respect des cultures et des langues.
"La diversité et le pluralisme linguistiques ne sont pas un obstacle à la circulation des hommes, des idées et des marchandises ou services, comme veulent le faire croire certains, alliés objectifs, conscients ou non, de la culture et de la langue dominantes. C'est l'uniformisation et l'hégémonie qui sont un obstacle au libre épanouissement des individus, des sociétés et de l'économie de l'immatériel, source principale des emplois de demain. Le respect des langues, à l'inverse, est la dernière chance pour l'Europe de se rapprocher des citoyens, objectif toujours affiché, presque jamais mis en pratique. L'Union doit donc renoncer à privilégier la langue d'un seul groupe."
Il n'empêche que, même si on prône le multilinguisme, il est vraiment désagréable de se heurter à des pages web dont le contenu vous intéresse mais dont on ne comprend pas la langue. Depuis décembre 1997, le moteur de recherche AltaVista, utilisé par douze millions d'internautes, propose AltaVista Translation, un service de traduction automatisée de l'anglais vers cinq autres langues (allemand, espagnol, français, italien et portugais), et vice versa. Alimenté par des dictionnaires multilingues contenant plus de 2,5 millions de termes, ce service, gratuit et instantané, a été mis en place par Systran, société pionnière de la traduction automatique. La traduction étant entièrement automatisée, elle est évidemment approximative. Le texte à traduire doit être de trois pages maximum, et la page originale et la traduction apparaissent en vis-à-vis sur l'écran. Cet outil a ses limites, mais il a le mérite d'exister et il préfigure ceux de demain.
Internet est multilingue. Toutes les langues y sont déjà représentées. Tôt ou tard, la répartition des langues sur le Web correspondra à leur répartition sur la planète. Même s'ils donnent encore des résultats surprenants et souvent peu satisfaisants, des logiciels de traduction de pages web sont maintenant disponibles sur le marché, et des recherches sont menées par plusieurs sociétés (Alis Technologies, Globalink, Lernout & Hauspie, Systran, etc.) pour les améliorer.
[Pour des informations plus complètes sur le Web et les langues, merci de vous reporter à une autre étude, Le multilinguisme sur le Web.]
Chapitre 3: Les cyberlibrairies
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© 1999 Marie Lebert