Le De architectura de Vitruve, écrit au 1er siècle avant J.-C., imprimé à partir de la fin du XVe siècle et traduit en italien et français dans la première moitié du XVIe siècle, joua un rôle important dans la formation du vocabulaire de l'architecture. Estienne le cite en latin dans le TLL et en français dans le DLG et le DFL. Nicot et Marquis ajoutent encore au début du XVIIe siècle quelques items pris dans Vitruve. En tout, la mention du nom de Vitruve qualifie plus de 150 items différents du TLL, environ 170 dans le DLG et 39 dans le DFL, plus 5 autres chez Nicot et 4 chez Marquis.
Estienne ne cite pas Vitruve directement pourtant; il se sert de deux intermédiaires: Guillaume Budé pour le texte latin et Jean Martin pour le texte français. Budé avait copieusement annoté le traité de Vitruve et il avait mis ce travail à profit dans ses commentaires philologiques sur les Pandectes de Justinien. Ce sont ces dernières Annotationes in Pandectas qu'Estienne exploita dans le TLL. Pour le DLG et le DFL, Estienne ne retient généralement des items développés du TLL que l'unité lexicale sujet. L'exemple suivant, tiré intégralement des Annotationes, est caractéristique de sa démarche de dictionnariste:
TLL 1531 s.v. PALATIO: «PALATIO palationis, f. g. Id fundamenti genus est, quod in aquis, aut in vliginosis, aut congestitiis locis fieri videmus, à palis qui in terram depanguntur, dictum vocabulum. Victruuius lib. 2. de alno loquens, Itaque quia non nimis habet in corpore humoris, in palustribus locis infra fundamenta ædificiorum, palationibus crebrè fixa, recipiens in se quod minus habet in corpore liquoris, permanet immortalis ad æternitatem, & sustinet immania pondera structuræ. Palatio, quæ vulgo pilotium dicitur, fistucatio etiam appellatur à fistuca machina vulgo nota, qua etiam pauitores vtuntur vtrinque ensata. Vng pilotis.»; TLL 1536 corrige ensata, complète la dernière phrase et ajoute la mention de sa source directe: «[...] ansata. Hac enim pali magna vi in terram adiguntur. Budæus. Vng pilotis.»
DLG 1538 s.v. PALATIO: «Palatio, huius palationis, f. g. Pilotis.»; DLG 1546 ajoute la mention «Vitruuius.» après le latin et insère un nouvel item s. v. PALUS: «Palatio, palatiônis, Verbale. Vitruuius. Pilottement, Pillotiz.»
DFL 1539 s.v. PILOTIS: «Pilotis, Palatio, palationis, Sublica, sublicæ, Fistuca.»1
DFL 1549: «La clef ou piece du milieu, en quoy sassemblent toutes les courbes d'une uoulte, Tholus.»
DFL 1552: «Tholos [...] C'est la clef ou piece du milieu, en quoy sassemblent toutes les courbes d'une uoulte. Et la anciennement se souloyent pendre les dons qui estoyent offerts a un Dieu en quelque temple. Aucunesfois aussi on le prend en bastiments pour un pinacle, tabernacle, ou lanterne.»
Martin 1547: «Trophées sont enseignes de victoire, mise en apparence deuant les passans a sauoir despouilles & butins faictz en guerre par mort ou fuyte d'ennemis.»
DFL 1564: «Trophée, Tropheum. Trophées sont enseignes de victoire, mises en apparence deuant les puissants: c'est à scauoir, despouilles & butins faicts en guerre par mort ou suite [sic] des ennemis.»2
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Note 1. Fistuca vient de Vitruve, sublica de César (cf. TLL 1536).
Note 2. Pour une étude détaillée de Vitruve latin et français chez Estienne, voir Wooldridge 1997.