Nous parlerons brièvement ici d'un travail en cours sur le vocabulaire de la marine dans les dictionnaires d'Estienne et de Nicot et le GDFL et les textes qui leur ont servi de sources. Comme les mots de vénerie, les mots de marine reçoivent une mention de choix à partir de 1573 sur la page de titre du DFL, du TLF et du GDFL. L'origine de cette mention est expliquée dans la préface que Dupuys rédige pour la quatrième édition du DFL: parmi les matériaux de Nicot dont il tire profit pour l'augmentation du dictionnaire, Dupuys signale explicitement un traité de navigation intitulé «De la fabrication de ses nauires en l'aduis & subiect de plusieurs Pilotes & maistres de nauires», manuscrit resté inédit et maintenant perdu. Ce traité a donné lieu à plusieurs centaines d'articles non signés, ajoutés soit en 1573, soit en 1606 dans le TLF. Les articles de 1573 se retrouvent, non seulement dans le TLF, où ils sont parfois modifiés, mais également dans le GDFL. Différents auteurs de ce dernier augmentent ce vocabulaire en exploitant d'autres sources, notamment les voyages en mer et les combats sur mer d'Amadis de Gaule, la description d'une naumachie contenue dans un récit de l'entrée d'Henri II à Rouen que Poille intitule le «Triomphe de Henry»,20 le Traité des travaux et privileges des galeres d'Antonio de Guevara et les combats navals de La Vraye et entiere histoire des troubles de La Popeliniere (que Marquis intitule simplement «H. F.»). Nous nous contenterons ici de citer un exemple caractéristique de chacune de ces sources et de son exploitation dictionnairique.
TLF 1606: «Arrumer, actif. acut. Est merquer les Rums des vents en vne carte de nauigation. L'Espagnol dit Arrumar, voyez Rum. / Carte arrumée, pen. Est celle où les Rums de vent sont marquez. L'Espagnol, carta Arrumada, voyez Rum.»
Amadis de Gaule, li. 8 (1548), ch. 28, f. l v.: «ceux qui estoient aux cages & hunes, pour faire guet, luy vindrent raporter, qu'ilz auoient descouuert gens en mer & grosse flote de vaisseaux»
Poille 1609 s.v. CAGE: «Cages & hunes de nauires où on fait le guet. Des Essars.»
Triomphe 1551, f. K.[iiii] r.: «vn grand nauire a deux Hunes ou gabyes, radiant sur ses ancres»
Poille 1609: «Radier, vn nauire à deux hunes ou gabies radiant sur les ancres. T. d. H.»
Guevara 1560, p. 33: «les mariniers [...] appellent Toppe, l'engin auec lequel on hausse les Voyles»
Poille 1609: «Toppe, l'engin auec lequel on hausse les voiles d'vne galere Gueuar.»
La Popeliniere 1573, f. 389 r.: «Ces trois commoditez faillent aux autres haures: la pluspart desquels ne reçoyuent nauires que de certaine charge, & quantité de marchandises: auec ce ne les peuuent receuoir qu'à mer entiere, qu'ils [sans antécédent] nomment grande maree, ou le gros flot: lequel seul peut enleuer ces nauires.»
Marquis 1609 s.v. MER: «Mer entiere, que les mariniers nomment grande marée, ou le gros flot. H. F.»
[Retour à la Table] -- [Suite]
Note 20. Cf. Wooldridge 1993.