FRE 335H5
Teaching and Learning French with New Technology

Section LEC0101

2006-2007

Notes de la semaine 4

Quelques notes en supplément du document "Pour une typologie des applications didactiques".

Didactique et pédagogie

Le texte d'Adra & Lahourcade, cité au début de l'introduction aux "Types d'applications", parle de "compétences [...] didactique (il faut savoir comment organiser le contenu à enseigner) [et] pédagogique (il faut prendre en compte les caractéristiques des apprenants)". La différence essentielle entre la didactique et la pédagogie se trouve donc dans le rapport entre l'enseignant et le contenu à enseigner pour ce qui est de la didactique, et dans le rapport entre l'enseignant et les apprenants pour ce qui est de la pédagogie. Si on reprend le triangle pédagogique tel que l'avons vu dans le premier article de Elkabas et al. :
didactique = rapport entre l'agent (l'enseignant) et l'objet (par ex., la langue française)
agent <=> objet

pédagogie = rapport entre l'agent et le sujet (l'apprenant) et l'espace d'apprentissage ("E")
agent <=> sujet
agent <=> "E"

on dira que la didactique se situe dans le rapport entre l'agent (l'enseignant) et l'objet (par exemple, la langue française), alors que la pédagogie se situe dans les rapports que l'agent entretien avec le sujet (l'apprenant) et l'espace d'apprentissage ("E" dans le diagramme).

Les questionnaires à choix multiple (QCM) (cf. Enseignement programmé et Exercices programmés)

Un QCM est un exercice aimé de beaucoup d'enseignants, puisqu'il est assez facile à composer et très facile à corriger. Mais que teste-t-il? La compréhension de la matière enseignée (c'est le but avoué) ou la logique inhérente à la plupart des QCM? Cf. l'exemple de la connaissance du code de la route dans les tests de conduite automobilière passés par RW en Angleterre, en France et en Ontario : dans les tests anglais et français, les questions ont été posées de vive voix par l'examinateur – il fallait bien connaître le code pour y répondre ; dans le test ontarien, les questions sur le code de la route étaient posées dans un QCM que l'on remplissait à tête reposée – certaines des réponses proposées étaient absurdes et un peu de logique permettait de bien répondre aux questions sans difficulté.

Exemple de l'exercice sur les expressions idiomatiques sur le site Bonjour de France :

Remarque critique. Dans ce qu'il est convenu d'appeler une "expression idiomatique", le sens global est autre chose que la somme des parties. Par exemple, le sens de il n'y a pas de quoi ne fait pas partie du paradigme il n'y a pas de sucre/difficulté/erreur ; il est synonyme de bienvenu (français canadien) ou je vous en prie. En ce qui concerne l'exercice de Bonjour de France, on peut dire que pour chacune des expressions idiomatiques, on peut éliminer au moins une des réponses proposées puisque basée sur le sens littéral d'un des termes de l'expression. Par exemple : le foudre (n° 1) peut tuer (cf. réponse a) et est souvent accompagné de pluie (cf. réponse c) ; le lapin (n° 2) fait souvent partie du menu d'un restaurant (cf. réponse b), après qu'on l'a fait cuire au four (cf. réponse c).

Enseignement programmé et exercice programmé

La différence est relative : un site comme Bonjour de France est compréhensif (grammaire, vocabulaire, compréhension, etc.), alors que le site Exercices de français ne concerne essentiellement que la grammaire.

La simulation

Le Web offre une pléthore de ressources qui peuvent servir d'exercices de simulation. Il y aurait en fait deux types de simulation : a) une ressource qui est par nature une simulation de la réalité, tels les deux sites Polar FLE. Apprendre le francais avec l'inspecteur Roger Duflair et Meurtre à Beaugnaloux, tous deux basés sur l'idée du roman policier (ou polar, en français familier), comme c'est aussi le cas du Chien jaune de Georges Simenon (cf. section 6 du document "Pour une typologie des applications didactiques") ; b) une ressource du monde réel qui peut servir d'exercice de simulation dans le contexte d'un cours d'apprentissage de la langue, telle la page de la SNCF permettant d'acheter son billet de train en ligne ou de s'informer sur l'horaire des trains – soit on simule un voyage, soit on s'informe ou on achète dans le but de faire un vrai voyage. On appellera le premier type de simulation simulation-fiction et le deuxième type simulation du réel. On peut noter aussi que la simulation du réel ne peut exister que dans le code écrit ; la simulation orale est toujours une simulation-fiction.

Les bases de données

Les bases de données électroniques offrent certaines fonctions qui sont difficiles ou impossibles à réaliser dans les bases de données diffusées sur papier. Par exemple, le dictionnaire est par sa structure une base de données : les informations véhiculées sont traditionnellment structurées dans ce qu'on appelle la nomenclature, ou macrostructure, et dans des articles organisées au niveau de la microstructure. La macrostructure contient les unités lexicales (les "mots") généralement rangées par ordre alphabétique ; la microstructure renferme les informations linguistiques données dans un ordre récurrent : par exemple, orthographe, prononciation, catégorie grammaticale, étymologie, définition(s) du (ou des) sens chacune suivie d'exemples d'emploi, synonymes, antonymes, homographes. Le dictionnaire papier permet la consultation de la macrostructure (étape de repérage), puis la lecture de la microstructure de telle ou telle unité lexicale. L'ordre alphabétique regroupe tous les mots commençant par telle ou telle suite de lettres (par exemple, les mots en anti-) et permet d'aller de la forme écrite d'un mot à sa forme orale (prononciation). L'inverse n'est pas possible : avec le dictionnaire papier, on ne peut pas regrouper les mots se terminant par telle ou telle suite de lettres (par exemple, les mots en -tion), ni peut-on retrouver la forme écrite en partant de la forme orale d'un mot.

Ces dernières fonctions deviennent possibles dans le dictionnaire électronique, qui n'étant que virtuel peut se réaliser de différentes façons. Par exemple, Le Petit Robert sur CD-ROM peut afficher son contenu selon la structure de base du dictionnaire papier (sur l'écran principal, la nomenclature s'affiche dans l'ordre alphabétique des mots dans la colonne de gauche, alors que la microstructure du mot choisi s'affiche à droite comme dans le dictionnaire papier). Il peut aussi réaliser et afficher les informations qu'il contient selon des fonctions spéciales : par exemple, les anagrammes, les mots en -tion ou -ment, la (ou les) forme(s) écrite(s) correspondant à telle ou telle forme orale, les citations de tel ou tel auteur, les occurrences de tel ou tel mot dans tout le texte du dictionnaire. (Voir la page à part concernant Le Petit Robert sur CD-ROM.)

On dira alors que le dictionnaire papier offre un accès hiérarchique du haut vers le bas et que le dictionnaire électronique offre des accès multiples non hiérarchisés à l'avance :

Dictionnaire papier     Dictionnaire électronique

Le dictionnaire – comme l'annuaire téléphonique, l'encyclopédie ou le catalogue de bibliothèque – est un texte discontinu, composé d'un ensemble ordonné d'articles (l'anglais exprime mieux la notion générique par le mot record, "an ordered collection of records"), que l'on consulte ; le roman ou la lettre ou le poème ou la pièce de théâtre sont des genres de textes continus que l'on lit (ou écoute) depuis le début jusqu'à la fin.

Les bases de données offrent non seulement la possibilité d'afficher du texte selon différents critères, mais peuvent donner des statistiques, comme par exemple, le nombre de mots en anti- ou en -tion. Pour citer le cas d'une base de données littéraires, celle du Chien jaune de Georges Simenon, on peut demander le nombre de fois qu'une forme s'emploie dans tout le texte. Le personnage principal du Chien jaune est le commissaire Maigret ; la fréquence, ou nombre d'occurrences, du mot maigret est 197, alors que celle du mot commissaire est 108. Nous reviendrons aux bases de données littéraires dans la semaine 11.

Les bases de données électroniques engrangent toutes les informations, "utiles" ou "inutiles" (on peut parler de la mémoire totale de la machine), alors que l'être humain n'engrange que des informations sélectives dans sa mémoire. "J'ai déjà rencontré le personnage X dans ce roman (ou article de journal), mais où? à quelle page? (c'était une page de gauche, mais quel numéro de page?) dans quelle colonne de l'article? combien de fois l'auteur a-t-il déjà parlé de ce personnage? qu'a-t-il dit à son propos?". La "mémoire totale" de la machine est capable d'afficher tout de suite les réponses à toutes ces questions.

Aide à la compréhension

Quand on lit un texte imprimé sur papier ou affiché à l'écran et qu'on rencontre un mot ou expression qu'on ne comprend pas ou qu'on comprend mal, ou sur lequel on aimerait en savoir davantage, on trouve un grand nombre de ressources en ligne qui aident à la compréhension. D'abord, un moteur de recherche, tel que Google, retrouve à travers le Web un grand nombre de textes qui contiennent une occurrence du mot. À l'intérieur du Web, il y a des sites spécialisés offrant des informations sur les mots ou sur les concepts : Wikipédia traite beaucoup de termes sous l'angle du sens du mot et d'une description du concept exprimé par les mots (par exemple, le mot didactique et le domaine de la didactique) ; les dictionnaires en ligne, tels que le TLFI ou le PR sur CD-ROM, donnent des articles détaillés sur les propriétés linguistiques des mots. Dans le cas des textes oraux, il y a des sites comme French Audio Gazette at CHASS ou Auditorium qui aident à la compréhesion de l'oral en donnant une transcription écrite de textes lus ou de chansons.

Aide à l'expression

Le Web n'offre plus ou moins rien dans le domaine de l'aide à l'expression orale (cf. ci-dessous ce qui est dit à propos du besoin essentiel d'un interlocuteur humain). En ce qui concerne des aides à l'expression écrite, les ressources sont assez rudimentaires. Des sites comme Orthonet ou Le conjugueur peuvent donner des réponses ponctuelles concernant l'orthographe des mots ou la conjugaison des verbes, informations que l'on retrouve déjà soit dans les dictionnaires imprimés ou dans les logiciels de traitement de texte, soit de façon peut-être plus satisfaisante dans Le Petit Robert sur CD-ROM. On verra un produit plus sophistiqué quand on examinera un logiciel sur CD-ROM, le Correcteur 101, au laboratoire du bâtiment CCIT (semaine 12). La compréhension est mieux servie par les machines que l'expression, ce qui nous mène à dire un mot sur les habiletés langagières et les nouvelles technologies.

Les nouvelles technologies et les habiletés langagières

D'abord, dans quelle mesure les habiletés langagières sont-elles des activités sociales ou des activités solitaires? La lecture, l'expression écrite et la compréhension auditive sont essentiellement des activités solitaires, du moins pour l'adolescent et l'adulte (l'enfant apprend la langue et s'exprime en milieu social) : on est seul quand on lit un manuel, un journal ou un roman ; on écrit tout seul en classe, à la bibliothèque ou à la maison ; on écoute soit en groupe (salle de classe, en famille devant la télévision) ou tout seul (par exemple, quand on écoute la radio dans sa chambre), mais la compréhension de ce qu'on entend se fait essentiellement en autonomie. On peut demander au Web, au dictionnaire ou à une autre personne, le sens ou l'orthographe de tel ou tel mot, de telle ou telle chaîne de sons ("que veut dire X?", "commene écrit-on [X]?", "qu'est-ce qu'elle a dit?", etc.). Donc on a besoin de modèles ponctuels. Pour écrire mieux on a besoin de modèles plus suivis, d'où une partie des fonctions du professeur ou la fonction de base du laboratoire de rédaction ("writing lab") ; il y a aussi le modèle indirect donné par la lecture : plus on lit, mieux on écrit. Bref, pour la compréhension (de l'oral ou de l'écrit), on a besoin de modèles ponctuels ; pour l'expression écrite, on a besoin de modèles suivis.

À l'opposé des trois autres habiletés, l'expression orale n'a de sens que dans un contexte social : pour ne pas être pris pour un fou ou une folle, on a besoin d'un interlocuteur quand on parle. L'expression orale est aussi différente de l'expression écrite en ce que la première est immédiate (on parle directement à son interlocuteur, qui doit essayer de comprendre sur le champ), alors que la seconde se fait en différé ou en deux temps : on écrit à un moment donné, mais son lecteur prendra connaissance du texte produit (lettre, composition, roman) à un autre moment, plus tard. S'exprimer oralement signifie idéalement s'exprimer avec aise, s'exprimer idiomatiquement. L'adolescent ou l'adulte est-il à l'aise oralement en langue seconde dans la classe de L2? S'exprime-t-il bien, de façon idiomatique, dans les groupes de conversation où il converse avec d'autres apprenants? Dans quelle mesure faire une réservation simulée d'une chambre d'hôtel parisien dans un groupe de conversation à Toronto (l'étudiant A joue le client, l'étudiante B joue l'hôtelière) correspond-il à la vraie réservation d'une chambre d'hôtel à Paris lorsqu'on se retrouve devant une vraie hôtelière parisienne?

On peut conclure de ce qui précède : que l'on peut améliorer la compréhension de l'écrit et tout seul et dans le cours de langue et à l'aide des nombreuses ressources du Web ; que l'on peut améliorer la compréhension auditive et tout seul et dans le cours de langue et à l'aide de certaines ressources du Web (moins nombreuses que pour la lecture) ; que l'on peut améliorer l'expression écrite et tout seul (surtout à travers la lecture) et dans le cours de langue ou au labo de rédaction et, de façon ponctuelle, à l'aide de certaines ressources en ligne (ou imprimées). Pour l'expression orale, on ne peut vraiment améliorer sa performance qu'avec des interlocuteurs natifs dans un milieu où on parle la langue qu'on apprend – les nouvelles technologies n'offrent rien d'efficace dans ce domaine de la langue.

[À noter qu'il s'agit ici en grande partie des convictions de RW et que des revues comme ALSIC continuent à publier des articles sur l'apprentissage de toutes les quatre habiletés langagières dans le contexte du cours de langue. L'enseignant est payé pour enseigner les quatre habiletés, alors il faut essayer de s'y faire.]