FRE 389F
Notes: Semaine 4

[Documents: exemplier 7]

Domaines du lexique et marques d'usage (voir exemplier 7)

En examinant les articles fric-fril français on constate que moins le nombre de dictionnaires donnant un mot X est élevé, plus ce mot X tend à être qualifié d'une marque d'usage. En principe un mot non marqué est courant, un mot marqué est non courant. Un mot marqué « Fam. » (langue familière) est à mi-chemin entre le lexique usuel et le lexique non courant.
L'exemplier 7 donne: a) la distribution des mots français non marqués et marqués d'après la tranche fric-fril; b) les principaux domaines du lexique non marqué et marqué.

La nomenclature: le choix des entrées (cf. Rey-Debove 1971)

1. Notion de 'mot courant' (MC) vs. 'mot non courant' (MNC) basée sur la fréquence intuitive (compétence linguistique). En principe tous les mots courants sont contenus dans tout dictionnaire général quelles que soient ses dimensions (réstrictif ou extensif).
Principe de l'inclusion: Si Dictionnaire A est plus extensif que Dictionnaire B, tous les mots de B sont dans A:

Dérogations: A est plus extensif ou de même taille que B, mais B a des mots qui manquent à A: Par exemple, PR (Petit Robert) contient des mots qui manquent à PL (Petit Larousse), PL contient des mots qui manquent à PR.

2. Zones problématiques de la nomenclature (causes de ces dérogations).

2.1. Incertitudes quant à l'unité linguistique
2.1.1. Le statut de signe linguistique
2.1.1.1. Symboles chimiques
2.1.1.2. Sigles: Questions de la forme phonétique (cf. SMIC, SVP), de la forme graphique (cf. SVP, cégep), de la catégorisation grammaticale (SMIC / smic = n.m.; SVP = adv. (?); CQFD = phrase (?))
2.1.1.3. Onomatopées: Signes ou signaux? Elles ont rarement une forme codée; on peut en allonger la liste à l'infini; ce sont en quelque sorte des interjections en marge de la langue.
2.1.2. Noms propres et leurs dérivés: La frontière entre nom propre (NP) et nom commun (NC) est fragile. Lexicalisation du NP: un Don Juan (= NC), une poubelle, un jules, « a sheila ». Noms de marques: boire un Martini, écrire avec un bic; ce sont des NP devenus NC; le dictionnaire les écrira avec une majuscule (contrainte juridique), le sujet parlant les pensera ou les écrira en minuscule. Noms de peuple, ce qu'en français canadien on appelle des gentilés (voir l'article "Je rediiens Trifluvien"): il s'agit d'une « classe » de personnes (NC) et non d'une personne particulière (NP). Les dérivés de NP ne sont en général enregistrés par les dictionnaires que s'ils ont pris un sens particulier: marxiste, freudien.
2.1.3. Les dérivés virtuels: Ce sont des dérivés disponibles, que l'on peut créer selon les besoins du discours à partir des règles de formation données par le système de la langue; ex. infréquentable (fréquenter -> fréquent- + -able -> in- + fréquentable), politiquement (politique + -ment), superchic (super- + chic).

2.2. Incertitudes quant à l'homogénéité du lexique: La langue décrite par le lexicographe est un ensemble de sous-langues, dont essentiellement 4 types: langues régionales (espace), langues sociales (milieu), langues thématiques (activité), états de langue (temps). Chaque sous-langue a des mots qui appartiennent au noyau commun, mais en même temps recèle une cause propre de dispersion du lexique hors de ce noyau commun. La norme impose une certaine langue régionale, un certain parler social; les cas marqués sont indiqués dans le dictionnaire: « Rég. », « Pop. », « Tech. », « Vx », etc.
2.2.1. Langues régionales
Les dictionnaires enregistrent des mots désignant des particularités régionales importantes: pissaladière, orignal. Les emprunts externes sont voisins des mots régionaux: kibboutz (concept étranger), week-end (concept naturalisé).
2.2.2. Langues sociales
Dichotomie: langue familière vs. langue officielle/soignée. L'enseignement proscrit la langue familière: raison de l'exclusion des dictionnaires de beaucoup de mots familiers très courants. (Le dictionnaire est un objet social.) – cf. un texte sur le mot doudou
2.2.3. Langues thématiques
Ici se joue particulièrement la double opposition MC/MNC (mot) et CC/CNC (concept). Par exemple, pour CC: jaunisse (MC) vs. ictère (MNC), bad tooth (MC) vs. carious tooth (MNC)
2.2.4. États de langue (sur l'axe du temps)
Synchronie théorique et synchronie pratique (+/- 60 ans). Les vieillards emploient des mots vieillis. Un état révolu présente des mots archaïques: importance du passé sur le plan culturel. Un dictionnaire peut présenter sans les marquer des mots réellement archaïques: manque de documentation; reproduction servile d'une nomenclature ancienne (ex. certaines éditions du Dictionnaire de l'Académie française, les PL 1906-1948). Au début les néologismes sont MNC; par la suite, soit ils disparaissent, soit ils deviennent MC ou restent MNC.

2.3. Choix dans les concepts: L'aspect conceptuel, relevant des signifiés seuls, et non des signes, n'a pas en principe à intervenir. Il intervient de deux manières: a) censure conceptuelle de la société, même pour des mots très fréquents; b) manque de données sur la fréquence du mot.
2.3.1. Les tabous
1) La sexualité; tendance actuelle: MNC -> MC.
2) La race, la politique, la religion, le sexe; tendance actuelle: MC -> MNC
2.3.2. Les préférences référentielles
Le dictionnaire de langue étant un ouvrage didactique qui vise à une information générale non pratique, les thèmes de la connaissance y sont privilégiés par rapport aux autre thèmes. On y voit apparaître plus aisément les mots thématiques que les mots renvoyant à des réalités familières et communes (et moins stables - mots-concepts précaires: cure-pipe, porte-jarretelles, yéyé). Un domaine thématique/technique de choix: la terminologie métalinguistique, mots peu fréquents mais toujours présents dans le dictionnaire à cause du discours proprement lexicographique des articles (transitif, gérondif, préposition).


Devoir (à remettre la semaine prochaine, semaine 5)

Exercice sur les zones problématiques du lexique: voir Exemplier 7, section 4.