Actes des Journées "Dictionnaires électroniques des XVIe-XVIIe s.", Clermont-Ferrand, 14-15 juin 1996 | N. Catach, "Pour un meilleur traitement des textes et graphies anciennes sur ordinateur" |
L'étude du livre ancien est et doit rester en partie artisanale, archéologique, c'est-à-dire manuelle. Pour le XVIe s., et même pour les deux siècles suivants au moins, elle relève encore d'une certaine façon de ce que l'on appelle la codicologie, qui a été définie par G. Ouy (1966-1967) comme
Prenons le Livre par excellence, la Bible. Il a subi plusieurs métamorphoses historiques majeures: passage de l'oralité à l'écrit (IIIe s. av. JC), volumen, codex, imprimé, aujourd'hui édition synoptique sur ordinateur. Nous avons tout à apprendre de cette extraordinaire expérience. Durant deux millénaires et encore aujourd'hui, certains tentaient, pour la Bible comme pour les livres les plus anciens, d'atteindre toujours et sur chaque cas au plus près de la vérité, par la recherche éternelle de l'"exemplar", exemplaire idéal. Ils prenaient par exemple tous les exemplaires disponibles d'une édition (ou, pire, de plusieurs) et choisissaient les passages les "meilleurs" de chacun. Ainsi, ils recontituaient quelque chose, mais ce n'était plus le même livre. Qu'est-ce que la vérité en dehors de la vérité historique? Un exemplaire, comme un objet archéologique, est toujours unique, ici et maintenant. La notion de l'exemplaire idéal est dangereuse et elle est aujourd'hui abandonnée. La vérité historique exige le retour constant au Texte de base Zéro. Il faut donc rendre ce retour possible à chaque instant.
Avec l'ordinateur, grâce aux éditions synoptiques, on a moins de problèmes. Tous les exemplaires seront à consulter, certains retenus, mais ce seront autant d'objets archéologiques différents, reposant sur les mêmes bases méthodologiques, y compris la version modernisée.
Citons également le remarquable système TUSTEP, tourné vers l'édition (cf. W. Ott, in Problèmes 1987), mis au point à l'Université de Tübingen, qui permet d'apporter une aide efficace et d'intervenir de façon quasi autonome dans les principales étapes techniques nécessaires à l'éditeur scientifique.[2] Aux États-Unis, il existe également des logiciels très performants (comme URICA, Université de Caroline du Sud, cf. A. Oliver 1987). En Allemagne, citons les travaux sur les Oeuvres de Heine ou les poèmes de Hölderlin (F. Beissner), en Suisse ceux de C.F. Meyer (H. Zeller), qui présentent toute la sophistication que la technique peut mettre dès à présent à notre disposition. Il n'est certes pas pensable d'en faire autant pour toutes les publications et rééditions, même critiques, mais cela nous donne à réfléchir.
[Suite] -- [Retour à la Table des matières]
Notes
1. Ce texte est écrit conformément à la nouvelle orthographe recommandée par l'Académie française.
2. Ces étapes TUSTEP sont: - mise en page automatique du texte de base, avec numérotation des pages et des lignes; - neuf étages de notes disponibles, avec rappels et renvois automatiques; composition, à volonté, de caractères et de sigles ou signes spéciaux; enregistrement automatique du texte, ce qui permet ensuite la confection automatique des index, avec numéros de renvoi aux pages et aux lignes; confection des tables des matières, des concordances, tris, listes de mots, etc.; - possibilité de distribuer au fur et à mesure aux chercheurs concernés, en format légèrement réduit, l'état du texte et l'apparat, avant la sortie définitive du livre, pour remarques éventuelles; - traitement assisté des variantes; correction conversationnelle à toutes les étapes; - comparaison par fenêtrage des sources et des états du texte, etc.