Actes des Journées "Dictionnaires électroniques des XVIe-XVIIe s.",
Clermont-Ferrand, 14-15 juin 1996
M.-L. Demonet, "Pour une édition électronique de la Briefve Declaration de Rabelais"

Introduction

L'inventaire de la partie la moins visible de la lexicographie renaissante, les lexiques, les glossaires et les commentaires, est loin d'avoir été réalisé. On devrait cependant tenir compte, dans une base dictionnairique informatisée, de ces contributions que les grands dictionnaires de l'époque ont eux-mêmes refondues. On sait qu'il a existé un incessant va-et-vient d'emprunts, de copies et de réutilisations d'un groupe d'ouvrages à l'autre, comme d'un dictionnaire à l'autre.

Dans une communication donnée à Rome en mars dernier, j'ai exposé mon interprétation littéraire de la Briefve Declaration, lexique annexé à certains exemplaires du Quart Livre de Rabelais en 1552 et à tous ceux de 1553: une forme spéciale de satire, dirigée à la fois contre les impostures de la papauté et contre les apparentes certitudes des lexicographes contemporains[1]. L'un des intérêts de ce texte pour l'histoire de la lexicologie française est d'avoir été rédigé probablement entre 1548 et 1552, au moment où cette discipline s'affirme avec la nouvelle édition du Dictionaire d'Estienne (1549). En se livrant à cet exercice, Rabelais aurait utilisé le matériau sérieux disponible en même temps qu'il l'aurait soumis à la parodie, comme en témoigne l'inadéquation flagrante de certaines définitions au contexte du Quart Livre, que ce lexique était supposé éclairer. Pour cette raison et à cause de la relation privilégiée qu'elle entretient avec le texte du roman, la Briefve Declaration relève du genre du commentaire lexical. Une édition hypertextuelle devrait proposer tous les liens avec les contextes du Quart Livre, qui ne sont pas si aisés à retrouver.

La forme hypertextuelle que pourrait prendre une édition informatique de ce texte paraît maîtrisable parce que le corpus n'est pas trop long (17 pages). Un tel objet concentre les problèmes posés par l'édition génétique hypertexuelle et l'édition informatisée des dictionnaires.

1. Principes

Cette forme d'édition n'a pour l'instant été testée que sous Toolbook et en format Internet[2]; dans les deux cas, les différentes éditions de la Briefve Declaration, appelées BD1, BD2, etc., sont liées les unes aux autres en hypertexte par l'intermédiaire du bloc formé par le mot vedette et sa définition (voir Annexe [à paraître]). Mais l'édition de référence (BD1) serait elle-même la base d'autres liens hypertextuels, avec:
  1. les définitions des mêmes mots telles qu'on pouvait les lire dans les dictionnaires, lexiques et commentaires antérieurs.
  2. le contexte du Quart Livre, ce qui permettra de vérifier la pertinence de la définition avec le sens mis en évidence dans le roman.
On pourrait envisager ultérieurement des liens avec l'ensemble de l'oeuvre de Rabelais (le CD-ROM Rabelais le permet déjà), et avec des définitions postérieures à l'oeuvre rabelaisienne.

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Notes

1. Demonet 1996b.

2. Ces tests n'auraient pas pu être effectués sans la collaboration précieuse d'Eric Astruc et de Dalila Chrifi-Alaoui (laboratoire EQUIL XVI, Clermont-Ferrand).