Quelques éléments

de

conclusion ?

 


Le parcours que l'on a pu faire à travers l'internet offre le spectacle d'une singulière effervescence : le travail des juristes paraît ébranlé dans ses fondements, puisque la territorialité des systèmes juridiques est remise en question par la dématérialisation des pratiques et des échanges, et que les puissances souveraines qui donnent et disent le droit ne peuvent plus isolément prescrire les règles des comportements en réseau ; une nouvelle organisation économique des échanges se fait jour, non pas tout à fait originale, mais qui semble devoir revendiquer son « autonomisation » et se fixer d'elle-même les cadres concurrentiels de son développement ; enfin certains clivages culturels, les frontières entre compétence et incompétence, croyance et savoir, paraissent se fondre dans une distribution nouvelle des discours, prétendûment garante d'une jouissance universelle de la liberté de penser et du droit de s'exprimer.

On préfèrera pourtant donner à cette promenade dans le monde des réseaux une allure plus sceptique, et mesurer les incertitudes qu'elle suscite plutôt que les utopies qu'elle entretient.

Il n'est pas aisé par exemple de faire la part de ce qui participe d'une problématisation nouvelle de la vie humaine, intellectuelle ou sociale, et de ce qui n'en est qu'une nouvelle dynamique, une inflexion originale ou une accélération momentanée ou durable. Faut-il par exemple dire que la « net-économie » est une nouvelle forme d'économie, dont les lois doivent surgir d'une réorganisation forcée des sphères de production, ou bien reconnaître que les réseaux ont enfin conduit les échanges économiques à leur propre vérité, et qu'ils en constituent l'espace authentique et l'horizon naturel ? Sans doute les choix interprétatifs qu'on fera seront-ils « idéologiques », comme ont disait il y a un quart de siècle, tout comme le sont ceux qui infléchissent les travaux des législateurs (lois sur la communication, en France par exemple), les pouvoirs judiciaires (affaire Altern.org, ici et ), et jusqu'aux entreprises commerciales et aux groupes d'intérêts (comme l'association des producteurs de contenus musicaux, la R.I.A.A. aux États-Unis).

Ce qui est clair, c'est que l'intrication des intérêts (économiques, politiques, sociaux), des idéaux (« philosophiques », comme on dit par euphémisme, ou « idéologiques», dira-t-on par dysphémisme), des anticipations géniales ou des craintes irréductibles est en raison de l'internet indémêlable, et que l'internet lui-même aura constitué une secousse tellurique dont les répliques n'ont pas fini de se faire sentir.

Il reste à remarquer que l'internet ouvre la voie à des pratiques nouvelles, et donne peut-être le spectacle de ce que par emphase on pourrait nommer le travail de l'humanité sur elle-même.

On s'en fera une idée à partir de trois travaux singuliers :

  1. une étude sur le travail collaboratif d'Anne-Cécile Staman, qui fait écho à ce qu'on a pu déjà lire de Laurent Cyterman ;
  2. un compte-rendu assez détaillé d'une œuvre réputée de Pierre Lévy par Damien Caillard sur l'« intelligence collective » ;
  3. enfin — et la difficulté n'est pas de petite importance — un tableau relativement large des problèmes que pose la consolidation de l'internet en une mémoire collective et « universelle ».

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