Aux questions « votre culture informatique vous semblait-elle un gage de succès de votre entreprise » et « sinon, avez-vous ressenti le besoin de compléter cette culture technique, voire de l’acquérir entièrement pour mener à bien votre projet », six personnes ont répondu « non »; mais quatre d’entre elles ont assuré disposer du réseau de compétences leur permettant d’éviter cet apprentissage: « non, étant donné le savoir et le savoir-faire d’autres membres de l’équipe »; « [non,] par contre, je travaille en liaison étroite avec des informaticiens et je suis persuadé de l’importance réciproque de ces collaborations »; « non, mais cela n’avait aucune importance compte tenu de la facilité de fonctionnement. Par ailleurs, mon mari —ingénieur généraliste— a assuré le côté vraiment technique »; enfin, une experte en bases de données affirme ne pas vouloir s’« occuper de la ‘cuisine’ », car elle dispose pour cela d’un ingénieur.
Pour ces répondants, le faible besoin de culture informatique s’explique par la densité et la qualité de leur réseau social d’entraide.
Restent 22 personnes qui affirment avoir eu besoin de compléter leur culture technique, que celle-ci fût faible ou déjà conséquente. Certes, divers témoignages rappellent la facilité du code html; d’autres manient sans vergogne l’euphémisme: « Elle [ma culture] était minimale, et l’est restée d’ailleurs », affirme une manipulatrice régulière des protocoles telnet et ftp, quand, enfin, certaines ont une consience aiguë des problèmes rencontrés: « besoin de maîtriser protocoles rigoureux (syntaxe) ». Pour les uns, l’acquisition de ces connaissances s’est faite aisément: « oui, c’est même l’un des plaisirs et des enjeux de la création d’un site que de se retrouver contraint d’apprendre —ou de mettre à jour— des compétences nouvelles »; « certes, il m’a bien fallu compléter cette culture, mais je l’ai fait avec plaisir et intérêt grâce aux publications papier actuelles et au soutien compréhensif des techniciens informatiques »; « on apprend tous les jours en pratiquant, et c’est appréciable pour juger autant que faire se peut des différentes offres techniques/commerciales qui nous sont faites ».
D’autres ont mis en évidence les contraintes douloureuses de cet apprentissage, ou les conséquences prévisibles de leur trop faible investissement: « j’ai dû tout apprendre au fur et à mesure; la volonté ‘politique’ et les fins visées pour la qualité du service ont porté le besoin et le souci d’apprentissage pour des outils et techniques qui par ailleurs ne m’attirent pas vraiment en tant que tels »; « ce sont mes insuffisances techniques, et ma dépendance vis-à-vis des informaticiens qui empêchent la plupart de mes projets d’aboutir »; « les lacunes de ma culture informatique risquent effectivement de me poser des problèmes ».
Évidemment, les personnes ayant le plus conscience de la complexité de la mise en place et de la maintenance d’un site web qui dépasse quelques pages affirment clairement avoir eu besoin de compléter leurs connaissances déjà solides: « j’ai toujours été un autodidacte en matière informatique... Je continue à m’autoformer constamment. En matière informatique où tout bouge constamment, qui n’avance pas, recule »; « je me suis autoformé à la programmation en C, en bases de données... Je ressens le besoin de compléter ma culture, en autodidacte, car je n’ai que des lacunes »; Cette culture, « obligatoire », plusieurs ressentent le besoin de la compléter « tous les jours ». Et le partage des tâches ne se décrète pas d’avance, au vu de leur complexité: « elle [la culture informatique] est indispensable, pour évaluer correctement ce qui est possible. C’est la culture d’une équipe car un tel travail met en jeu des compétences assez diverses: conception de logiciels (avec recherche d’information et sélection de pré-produits existants, veille technologique), achat et programmation du matériel, conception du produit scientifique, coordination entre les qualités scientifiques et les possibilités techniques ».
Ainsi, on peut admettre que l’implication dans un projet scientifique dans le cadre de l’internet nécessite de passer beaucoup de temps à assimiler des connaissances autant liées à l’informatique qu’à la discipline initiale du chercheur (ce besoin de double culture expliquant les réticences de nombreux chercheurs à utiliser l’internet dans un cadre professionnel). On retrouve aussi le besoin de constituer un réseau social dense pour arriver à de telles fins. La norme semble être la constitution d’une petite équipe motivée par un projet, équipe qui inclut des informaticiens. Cette référence à l’assistance des informaticiens revient très souvent, et on verra que plusieurs projets ont obligé les équipes à en embaucher. Ce clair besoin d’assistance nécessite parfois des efforts de socialisation: « beaucoup de sollicitations des collègues —à faire avec doigté!! ». Une seule fois, il n’a pas été entendu: « blocage total par l’informaticien, qui ‘ne croyait pas à Internet 1’ ».
La maîtrise de l’informatique apparaît donc incontournable en même temps qu’elle conditionne une activité prenante et quotidienne.