NEF - Le Livre 010101 de Marie Lebert - Enquête
9.1. L'édition en braille
9.2. Les perspectives offertes par le livre numérique
9.3. Le livre numérique vocal
9.4. Un publiphone pour écouter la presse
9.5. Un web plus accessible aux aveugles et malvoyants
Alphabet tactile inventé en 1829 par le français Louis Braille, le braille est le seul système d'écriture accessible aux aveugles. Il s'agit d'un système de six points composé de deux colonnes de trois points. La combinaison de ces six points permet de former toutes les lettres de l'alphabet, les signes de ponctuation, les symboles techniques, etc.
Le braille est d'abord embossé sur papier au moyen d'une tablette et d'un poinçon. A la fin des années 70, il est produit à l'aide d'un afficheur braille piézo-électrique permettant un affichage dynamique. Vient ensuite la machine Perkins avec son clavier de six touches. Puis apparaît le matériel informatique, par exemple le blocs-notes braille, qui sert à la fois de machine à écrire le braille et, quand il est connecté à un PC, d'écran tactile permettant de lire l'écran. Le braille informatique s'affiche sur huit points, ce qui permet d'augmenter par quatre le nombre de combinaisons possibles.
Dans de nombreux pays, malgré l'existence de matériel informatique, l'édition en braille reste encore confidentielle - pour la France, 400 titres par an dont 200 scolaires - et même clandestine, le problème du droit d'auteur sur les transcriptions n'étant pas résolu. Les livres en gros caractères et en version enregistrée sont eux aussi peu nombreux par rapport à la production imprimée standard, malgré tous les efforts dispensés par quelques éditeurs spécialisés et nombre de bénévoles depuis tant d'années.
Pourtant les choses peuvent aller vite quand existent à la fois la motivation et les moyens. Aux Etats-Unis, le dernier titre de Harry Potter (Harry Potter and the Goblet of Fire, de Joanne K. Rowling) est publié en braille par la National Braille Press (NBP) le 27 juillet 2000, soit vingt jours seulement après sa sortie, avec un premier tirage de 500 exemplaires. Les 734 pages du livre imprimé chez Scholastic donnent 1.184 pages en braille, mais le prix du livre braille n'est pas plus élevé. Ce très court délai a été possible grâce à deux facteurs. D'une part Scholastic a fourni le fichier électronique, une initiative dont feraient bien de s'inspirer nombre d'éditeurs . D'autre part les 31 membres de l'équipe de NBP ont travaillé sans relâche pendant quinze jours. Comme les titres précédents de la série, le livre est également disponible au format PortaBook, à savoir un fichier en braille informatique abrégé stocké sur disquette et lisible au moyen d'un lecteur braille portable ou d'un logiciel braille sur micro-ordinateur (voir 16.2 pour le récit détaillé des aventures de Harry Potter sur l'internet).
La généralisation des livres numériques offre enfin aux malvoyants et aux aveugles la possibilité d'accéder à de très nombreux textes, chance qu'ils n'avaient pas jusque-là. Le document numérique permet de dissocier contenu et présentation. Le lecteur peut modifier la présentation à son gré. Quant au contenu, on dispose maintenant des technologies permettant de le convertir automatiquement dans un autre système de codage ou une autre langue, y compris le braille et la synthèse vocale. De l'avis de Patrice Cailleaud, directeur de la communication de HandiCaPZéro, le livre numérique "devrait s'imposer comme une nouvelle solution complémentaire aux problèmes des personnes aveugles et malvoyantes". Toutefois "les droits et autorisations d'auteurs étaient et demeurent des freins pour l'adaptation en braille ou caractères agrandis d'ouvrage. Les démarches sont saupoudrées, longues et n'aboutissent que trop rarement."
Lors du Salon du livre de la jeunesse de Montreuil de décembre 1999, les éditions 00h00.com et l'association BrailleNet lancent l'opération "2000 livres jeunesse sur internet pour les aveugles et malvoyants en l'an 2000", à savoir un service internet permettant de commander en ligne des ouvrages en différents formats. Ces ouvrages sont soit des versions numériques téléchargeables et consultables sur micro-ordinateur, terminal braille électronique ou synthétiseur de parole, soit des versions imprimées en gros caractères ou en braille.
Pour répondre au problème soulevé par le manque d'ouvrages adaptés, BrailleNet crée aussi la base de données Hélène, qui propose en accès restreint des livres numériques (oeuvres littéraires récentes, documentations techniques, ouvrages scientifiques, ouvrages scolaires, supports de cours adaptés) permettant des impressions en braille ou en gros caractères, en partenariat avec les organismes (associations, éditeurs, établissements d'enseignement) réalisant ces versions adaptées. Dans le cadre de sa participation au projet de BrailleNet, l'INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique) développe une bibliothèque numérique comportant des ouvrages du domaine public mis en ligne sur différents serveurs web et des ouvrages préparés pour une impression braille par des écoles ou des centres de transcription.
Mais il reste encore beaucoup à faire pour proposer un véritable service public du type de celui qui est proposé aux Etats-Unis par la Library of Congress depuis août 1999. Géré par le National Library Service for the Blind and Physically Handicapped (NLS/BPH), un serveur permet aux aveugles et malvoyants de télécharger des livres au format braille pour une lecture sur plage tactile et par synthèse vocale. Les collections de départ - 2.700 livres en braille abrégé disponibles en téléchargement ou consultables en ligne - augmentent de plusieurs centaines de titres par an. Les sources sont codées pour une impression (à l'aide d'une imprimante braille) ou une lecture en ligne en braille abrégé (à l'aide de plages tactiles ou toute autre interface d'accès braille). Ce service fournit aussi un logiciel de relecture, qui permet de désagréger le texte pour l'utiliser sur synthèse vocale.
Dans le domaine des livres électroniques - appareils de lecture permettant de lire à l'écran des livres numériques - les choses bougent aussi.
En novembre 2000, Microsoft décide de collaborer avec Pulse Data, une entreprise néo-zélandaise spécialisée dans les produits informatiques pour non-voyants. Pulse Data est l'auteur de BrailleNote, un PDA (personal digital assistant) sans écran utilisant le système d'exploitation Windows CE. Une interface permet de transformer en braille les textes lus au moyen du Microsoft Reader. Les aveugles peuvent ainsi avoir accès à un catalogue de près de 2.000 livres numériques. Après ouverture du fichier, ils ont le choix entre la version vocale et la version en braille électronique. Alors qu'il faut en général des mois pour qu'un livre soit traduit en braille, la traduction des livres numériques est instantanée.
Livre électronique conçu par la société Cytale et commercialisé depuis janvier 2001, le Cybook permet l'agrandissement des caractères, l'inversion des contrastes, la suppression de la couleur, le changement de police, etc., en bref tout ce qui permet de contourner un handicap visuel. Cytale travaille avec l'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) à l'adaptation de son logiciel pour permettre la lecture de livres numériques au moyen d'une extension braille ou d'un système de synthèse vocale.
Depuis vingt ans sinon plus, les aveugles et malvoyants écoutent des livres enregistrés sur bande magnétique ou sur cassettes, le plus souvent par des bénévoles. Depuis quelques années, ils ont à leur disposition des livres en version audio sur CD-Rom. Depuis peu, il existe des technologies permettant de convertir automatiquement un document dans un autre système de codage ou une autre langue, y compris le braille et la synthèse vocale. Des logiciels - notamment ceux de Quack - permettent la lecture d'un fichier texte au moyen d'une voix synthétique. Les outils informatiques standard sont en train d'intégrer la synthèse de parole, avec possibilité de traduction automatique. Et la qualité de la synthèse de parole s'améliore.
Cependant, les aveugles s'accordent souvent à dire que rien ne remplace une "vraie" voix, moins parfaite peut-être, mais vivante, avec des nuances, des intonations, des inflexions, etc. C'est ce que pense l'équipe du RAAMM (Regroupement des aveugles et amblyopes du Montréal métropolitain), qui a choisi d'enregister la presse sur publiphone (voir 9.4). Des dizaines de titres sont lus par plus de 150 volontaires voyants. L'enregistrement ou l'écoute se fait à domicile à partir de son poste de téléphone.
Par ailleurs, nombreux sont les organismes qui disposent d'enregistrements réalisés en analogique au fil des années, sur bandes magnétiques et sur cassettes. On envisage maintenant la numérisation et le stockage informatique de tous ces enregistrements, qui pourraient être utilisés non seulement par la communauté desservie par l'organisme propriétaire mais partout ailleurs. Ce potentiel à destination des bibliothèques audio permettrait à chaque organisme d'accroître ses collections de manière exponentielle. De nouvelles bibliothèques audio pourraient être constituées à moindre coût, notamment dans les pays en développement. Pour ce faire, le consortium international DAISY (digital audio information system) a été créé en 1996 afin d'élaborer une norme internationale pour la production, l'échange et l'utilisation du livre numérique vocal et organiser la numérisation du matériel audio à l'échelle mondiale.
Le consortium DAISY regroupe des organismes du monde entier au service des personnes handicapées visuelles. Ses activités comprennent entre autres la définition de normes de spécification de fichiers (à partir de celles du Consortium W3C), la conception de logiciels nécessaires à l'industrie du livre numérique vocal (notamment pour passer de bandes son analogiques à des bandes son numériques), la normalisation de lignes directrices de production, l'échange de livres numériques vocaux entre bibliothèques, la définition d'une loi internationale du droit d'auteur pour les personnes atteintes de déficience visuelle, la protection des documents faisant l'objet d'un droit d'auteur, et la promotion de la norme DAISY à l'échelle mondiale.
Même si elle n'a pas (encore) directement trait au numérique, il importe de revenir sur l'expérience du RAAMM, brièvement mentionnée plus haut. Le RAAMM (Regroupement des aveugles et amblyopes du Montréal métropolitain) est une association à but non lucratif qui rassemble des personnes ayant une déficience visuelle, afin de défendre leurs droits, promouvoir leurs intérêts et favoriser leur intégration à part entière dans tous les domaines (emploi, sécurité du revenu, transports en commun, santé, services sociaux, habitation, éducation, loisirs, culture, etc.). Des bénévoles offrent des services d'accompagnement pour les activités de la vie quotidienne (recherche d'emploi ou de logement, sorties, inscriptions, courses, achats, etc.). Ils assurent aussi des services de lecture à domicile (contrats d'affaires, manuels, notes de cours, articles de revues, recettes de cuisine, etc.) et de lecture sur cassettes, ainsi que la production de documents en braille. A cela s'ajoutent des activités de formation et de loisirs.
Entre autres activités, le RAAMM a mis sur pied un publiphone, qui est un système téléphonique interactif. Créé en 1993, le publiphone proposait à l'origine une vingtaine de rubriques d'information. Trois ans après, en 1996, elles sont au nombre de 67. Sept ans après, en 2000, on en compte 350, avec plusieurs rubriques pour un quotidien comme La Presse par exemple. Les chiffres sont éloquents: 10.500 connexions et 100.000 rubriques consultées par mois, et 163 bénévoles pour assurer la lecture. "Avant l'instauration du publiphone, je n'avais accès à l'information écrite que lorsque les autres avaient le temps et le goût de me lire cette information, déclare un auditeur. Maintenant, à toutes fins pratiques, je lis ce que je veux, quand je le veux."
En composant un simple numéro de téléphone, on a accès à des menus à touches permettant de sélectionner la rubrique souhaitée. De ce fait, les rubriques sont réparties en neuf grandes catégories: 1) les informations provenant du RAAMM et d'autres organismes desservant la population des handicapés visuels; 2) les rubriques "consommation et emploi": marchés d'alimentation, produits en pharmacie, produits en quincaillerie, magasins à rayons, magasins de disques, offres d'emplois; 3) les horaires: télévision, radio, cinémas, arts et spectacles, expositions des musées et des maisons de la culture de Montréal, événements spéciaux, livres et autres documents adaptés ; 4) les quotidiens: La Presse, Le Journal de Montréal et Le Devoir; 5) les hebdomadaires: 7 Jours, Les Affaires, Le Courrier Laval, Le Courrier du Sud, Voir, Ici; 6) le coin jeunesse; 7) les revues: Le Bel âge, Coup de pouce, Capital santé, Femme plus, Elle Québec, Infotech, L'Actualité, Québec science, Guide ressources, Protégez-vous, Enfants Québec, Clin d'oeil; 8) les programmes de télévision et les quotidiens en langue anglaise (Lottery results, TV listings, The Gazette, The Globe & Mail, The Mirror, Hour); 9) les périodiques en langue anglaise (Time Magazine, Today's Parent Magazine, National Geographic, Sports Illustrated Magazine).
Dans un deuxième temps, un nouveau système devrait être mis en place, qui utiliserait les technologies les plus récentes ainsi que l'internet. Il permettrait notamment d'archiver les enregistrements précédents, ce qui n'est malheureusement pas le cas pour le moment.
"Réflexions, conceptions, tests ont longtemps été à l'étude pour donner aux internautes aveugles et malvoyants un véritable outil doté d'informations pragmatiques, explique Patrice Cailleaud, directeur de communication de HandiCaPZéro. Depuis le 15 septembre 2000, tous les services de l'association dans des domaines comme les loisirs, la télé, la communication, la santé sont accessibles sur le site www.handicapzero.org. Plus de barrage pour les internautes aveugles: quel que soit le type de périphérique employé (synthèse vocale, plage braille), la navigation se fait sans obstacle. Par exemple, les images et illustrations qui abondent sur la toile et rendent les sites inaccessibles à cette population sont légendées. Plus d'illisibilité pour les internautes malvoyants: pour la première fois sur le web, le site dispose, dès la page d'accueil, d'une interface 'confort de lecture' qui permet, en fonction de son potentiel visuel, de choisir la couleur de l'écran, la taille et la couleur de la police. Les pages vues à l'écran sont également imprimables selon le format défini."
L'activité de Patrice Cailleaud consiste à "convaincre les décideurs socio-économiques de prendre en compte les besoins spécifiques des usagers, clients et citoyens déficients visuels. Mettre en oeuvre les dispositifs d'accessibilité. J'ai participé à la conception éditoriale et graphique du site. Aujourd'hui, mon rôle consiste à développer de nouveaux services accessibles pour le site."
"Internet n'est pas entré dans la majorité des foyers des personnes déficientes visuelles, ajoute Patrice Cailleaud. A cela, trois principales raisons: l'âge du public concerné, qui se situe au delà de la soixantaine (pour 70% du public); le coût trop élevé pour une acquisition personnelle d'un matériel spécialisé; le nombre trop restreint de sites accessibles de façon autonome. L'avenir de l'accès à l'information pour les personnes aveugles devrait passer par le web. Ce support, à condition d'une responsabilité des développeurs de sites sous l'impulsion d'une autorité qui commence à légiférer, donne un accès instantané à une information actuelle au contraire des supports braille ou caractères agrandis qui nécessitent des délais et des coûts d'adaptation, de transcription et fabrication. (...) Pour les développeurs de sites que ça intéresse, des recommandations sont disponibles en nous contactant à HandiCaPZéro, ou sur des sites comme VoirPlus ou BrailleNet. En règle générale, les dispositions à prendre ne sont pas trop contraignantes. Il ne faudrait pas que le message pour rendre un site accessible soit trop compliqué au risque de dissuader les bonnes volontés."
Quelles sont les suggestions des professionnels du livre voyants pour rendre le web plus accessible aux aveugles et malvoyants?
Jean-Pierre Balpe, directeur du département hypermédias de l'Université Paris 8: "Le son est une solution, les claviers adaptés en sont une autre, je ne sais s'il existe des écrans spécialisés, mais peut-être... On peut aussi imaginer des interactions sonores, Denize en a utilisé quelques-unes dans son cédérom Machines à écrire (Gallimard, 1999, ndlr)."
Olivier Bogros, créateur de la Bibliothèque électronique de Lisieux: "Autant que possible j'essaie de rendre accessible à tous la bibliothèque électronique de Lisieux. Les recommandations du consortium W3C ne sont pas toujours évidentes à suivre. Les sites textuels ne requièrent pas une charte graphique sophistiquée à base de Java et autres niaiseries."
Marie-Aude Bourson, créatrice des sites littéraires La Grenouille Bleue et Gloupsy: "La Grenouille Bleue (qui a dû fermer pour un problème de marque et qui a été remplacée par Gloupsy, ndlr) avait une partie destinée aux malvoyants: il suffit de créer des pages sans images ni tableau. Uniquement du texte, et une structure de site plus simple qui va droit à l'info. Ainsi les logiciels de reconnaissance/lecture de pages web sont très efficaces. Il faut donc sensibiliser les webmestres."
Richard Chotin, professeur à l'ESA (Ecole supérieure des affaires) de Lille: "Il faudrait une réelle motivation des concepteurs de sites envers le problème des aveugles et une volonté politique d'intégration des handicapés (et pas seulement financière)."
Jean-Pierre Cloutier, auteur des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités de l'internet: "Mes suggestions s'adressent surtout aux diffuseurs de contenus qui ne respectent pas les normes techniques. Je m'explique. Le Consortium W3C est un organisme de normalisation des techniques du web. Ses comités étudient les nouvelles techniques, et prescrivent des normes d'utilisation. Or les producteurs et diffuseurs de contenus utilisent souvent des techniques propriétales, hors normes, propres à un logiciel ou à une plate-forme, ce qui donne lieu, par exemple, à des 'sites optimisés' pour Netscape ou pour Internet Explorer. Si ces sites soi-disant optimisés pour un fureteur ou un autre causent des problèmes pour les utilisateurs ordinaires, imaginez la difficulté d'adapter des contenus livrés hors normes à un consultation pour non-voyants. Il y a des efforts énormes pour rendre accessible à tous le contenu du web, mais tant et aussi longtemps que les diffuseurs utiliseront des technologies hors normes, et ne tiendront pas leurs engagements pris, notamment, dans le cadre du Web Interoperability Project (WIP), la tâche sera difficile."
Luc Dall'Armellina, co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écritures hypermédias: "Jakob Nielsen évoque dans La Conception de sites web - l'art de la simplicité (Campus Press, 2000) un système vocal basé sur la lecture de balises HTML ou XML capables d'interfacer un synthétiseur vocal qui paraît convaincant. La WAI (Web Accessibility Initiative) du Consortium W3C a publié, le 5 mai 1999, la première version des directives (téléchargeables) pour un accès web aux personnes handicapées, accessible en français."
Anne-Bénédicte Joly, écrivain qui auto-édite ses oeuvres: "Je pense que nous devrions voir apparaître des sites disposant de modes d'emplois ou de guides de découverte sonores. L'idéal serait de pouvoir guider un internaute malvoyant, depuis la mise en route des navigateurs (pour taper l'adresse du site ciblé), jusqu'à l'arrivée sur un site. Sur un site équipé, un assistant guide l'internaute en lui exposant les fonctionnalités du site. L'accès aux rubriques se fait via des codes alphanumériques (sur le même principe que les serveurs téléphoniques à fréquence vocale). Le code d'accès à la rubrique est possible grâce à un clavier adapté (touche possédant des caractères braille). Puis l'assistant propose des choix: téléchargement des rubriques pour éditions sur imprimante braille ou lecture de la rubrique sous forme d'extraits sonores. Il faudra se montrer vigilants face au temps de chargement du son. Puis, pour favoriser les échanges, prévoir la possibilité de déposer des témoignages vocaux (voire des images via des webcams) sur le serveur du site."
Olivier Pujol, PDG de Cytale et promoteur du Cybook, livre électronique, préconise "le développement des moteurs de type BrailleSurf associés à de la synthèse vocale, et le respect par les concepteurs de sites de quelques règles (documentation des images, ou association de commentaires textuels à certaines applications telles que les animations flash). Dès que notre site atteindra un niveau opérationnel suffisant, il sera entièrement adapté à cet effet."
Patrick Rebollar, professeur de littérature française dans des universités japonaises, suggère d'"améliorer les logiciels de lecture orale de l'écrit. Créer des écrans tactiles qui affichent le texte en braille et développer des logiciels de traduction automatique et d'affichage sur écran braille (sous l'égide d'une fondation internationale subventionnée par les gouvernements, l'Unesco, etc., et qui lèverait des fonds auprès des entreprises intéressées)."
Zina Tucsnak, ingénieur d'études en informatique à l'ATILF (Analyses et traitements informatiques du lexique français): "Il faudrait fournir des alternatives équivalentes au contenu visuel et auditif: le texte peut être expédié directement à des synthétiseurs vocaux et à des générateurs de braille et peut être représenté sur du papier. La voix synthétique et le braille sont indispensables aux individus non voyants et mal entendants."
Plusieurs des réponses reçues, non citées ici, montrent qu'il serait nécessaire de sensibiliser les voyants au fait que les aveugles ont eux aussi droit à deux modes de connaissance, la lecture et l'écoute, tout comme les voyants. Pourquoi les aveugles devraient-ils se limiter à l'écoute, alors que le numérique permet enfin la conversion facile du document, et donc la lecture de ce document en braille?
La conclusion de ce chapitre appartient à Richard Chotin, professeur à l'Ecole supérieure des affaires (ESA) de Lille. A la question: "Quoi de neuf cette année?", il répond en mai 2001: "Une seule nouveauté, mais de taille, les conséquences de l'accessibilité du web aux aveugles: ma fille vient d'obtenir la deuxième place à l'agrégation de lettres modernes. Un de ses amis a obtenu la maîtrise de conférence en droit et un autre a soutenu sa thèse de doctorat en droit également. Outre l'aspect performance, cela prouve au moins que si les aveugles étaient réellement aidés (tous les aveugles n'ont pas évidemment la chance d'avoir un père qui peut passer du temps et consacrer de l'argent) par des méthodes plus actives dans la lecture des documents (obligation d'obtenir en braille ce qui existe en 'voyant' notamment), le handicap pourrait presque disparaître."
Chapitre 10: Librairies
Table des matières
© 2001 Marie Lebert