2. Les balises du texte imprimé

2.1. Article simple et conforme au système

Commençons par un cas simple, conforme à la norme rédactionnelle, l'article TILLAC dans la première édition. En règle générale, l'alinéa liminaire d'un article est, dans le DAF, le plus normé. Les informations sur le mot-adresse y sont signalées, en premier lieu, par leur position relative: 1) graphie; 2) catégorie grammaticale, 3) définition, 4) exemple(s). Le caractère d'imprimerie et la ponctuation viennent seconder la position: romain pour le mot-adresse-vedette (= graphie), la catégorie grammaticale et la définition, italique pour la séquence des exemples; capitales pour le mot-adresse-vedette (graphie), majuscule initiale pour la définition et la séquence des exemples; point final pour le mot-adresse-vedette (graphie), la définition et chacun des exemples. Quand la valeur d'une information relève d'une classe générale, elle peut être codifiée; c'est le cas de la catégorie grammaticale: il y a de nombreux mots, en plus de tillac, qui sont des substantifs masculins, d'où l'abréviation conventionnelle "s. m.", dans laquelle les points sont des points d'abréviation et non une ponctuation de la séquence informationnelle. (Voir tableau synoptique,
Figure 1.)

Parmi les exceptions au modèle décrit ci-dessus, on peut mentionner le fait que la vedette ne donne pas toujours la graphie effective du mot: par exemple, dans l'article QUEUE de A1, après la vedette, imprimée sans signe diacritique, on ne trouve que les deux formes queuë (75 fois) et queüe (48) (cf. Wooldridge, in Cahiers de lexicologie, 66 (1995): 55-66). Est considérée hors de propos ici la question de savoir si la définition est "bien formée" ("Le premier pont..." plutôt que "Premier pont...").

2.2. Les unités de traitement

Le statut des unités de traitement peut varier d'une édition à l'autre: vedette, sous-vedette, sous-adresse. Gras-fondu n'est donné par A1 que dans l'expression Un cheval est gras-fondu s.v. GRAS: "On dit, qu'Un cheval est gras-fondu, pour dire, que La graisse luy est fonduë dans le corps par l'excés du chaud, ou du travail." Cet item est gardé, avec modifications diverses, par les six éditions suivantes. A4 ajoute un article indépendant GRAS-FONDURE, qui devient GRAS-FONDU dans A5. A6 donne les deux formes en vedette et ajoute un renvoi à la fin de l'item Ce cheval est gras-fondu s.v. GRAS. A8 élimine la redondance en supprimant ce dernier item. (Voir Figure 2a.)

Parmi d'autres variations de statut, notons:

2.3. La catégorie grammaticale des unités de traitement

Le DAF indique systématiquement la catégorie grammaticale des vedettes, quoique de façon variable. Cette indication est toujours donnée en caractères romains, presque toujours sans majuscule initiale; mais alors que la première édition emploie presque toujours la forme la plus abrégée pour marquer une catégorie, les autres, notamment la 2e et la 5e, connaissent plus de variation. Par exemple, A1 utilise presque toujours "s." pour marquer la catégorie des noms, tandis que la deuxième utilise tantôt "s.", tantôt "sub.", tantôt "subst.", tantôt "substan.", tantôt enfin "substantif"; de même, A5 met tantôt "s.", tantôt "sub.", tantôt "subst.", tantôt "substant.". Les formes nettement les plus utilisées pourtant, toutes éditions confondues, sont les suivantes: La catégorie des sous-adresses tend à être indiquée par des formes développées: "substantif", "substantivement" ("X est quelquefois substantif", "X s'employe quelquefois substantivement"), "adjectif", "verbe"; mais "adv." est aussi fréquent que "adverbialement", "participe" bien plus fréquent que "p." ou "part.". (Voir
Figure 3.)

La catégorie grammaticale de quelques mots pose problème. DOUZE est simplement "Nombre qui contient dix et deux." (définition comprenant la catégorisation "nombre") dans A1-4; A5 fait précéder la définition de l'indication "adject. numéral des 2 g.". Dans A1-3, QUE est "Accusatif singulier et pluriel de pronom relatif Qui."; A4 donne "Pronom relatif servant de régime au verbe qui le suit.", ce qui devient dans A5 "Pronom relatif des 2 g. et des 2 nombres, servant de régime au verbe qui le suit.", et dans A8 "Pronom relatif des deux genres et des deux nombres, servant de complément au verbe qui le suit.".

2.4. La définition en métalangue de signifié

D'après le modèle décrit à 2.1, nous considérerons qu'une définition conforme à la norme commence par une majuscule initiale. Parmi les définitions introduites par la copule signifie, on trouve ainsi, entre autres: CLOCHE "Certain ustensile..." (A1), GAGNER "S'emparer..." (A1), GRAS "Imbu de graisse..." (A1), DOUX, adv. "Ni bien ni mal" (A3), LOIN DE "Au lieu de" (A5), LOIN QUE "Tant s'en faut que" (A5) (voir Figure 4a).

À cette règle générale il y a maintes exceptions. Toujours parmi les définitions introduites par signifie:

On peut considérer qu'il y a dysfonctionnement syntaxique de la définition lorsque celle-ci est dépendante d'une autre information, par exemple la reprise anaphorique d'un élément du classème qui la précède: ou quand le définissant appartient à une catégorie grammaticale différente de celle du défini: Lorsque le DAF met signifie que, et non signifie, il s'agit d'une "définition" du référent et non d'une définition du signe:

2.5. La définition en métalangue de signe

La construction métalinguistique du signifié est très souvent portée par des séquences introduites par les copules "on dit de", "se dit de" ou "en parlant de": Du point de vue du balisage typographique, on constate la difficulté que connaissent les rédacteurs de savoir à quel endroit de la séquence marquer le début du traitement sémantique. La marque utilisée à cet effet serait la majuscule, placée tantôt sur la préposition "de" (troisième exemple donné ci-dessus), tantôt sur le déterminant qui la suit (premier exemple), tantôt sur le nom (deuxième exemple), voire tout simplement nulle part. Chaque édition a ses tendances et ses variations: Une analyse exhaustive chiffrée est donnée dans la
Figure 5a, une synthèse chronologique des pratiques majeures dans la Figure 5b.

2.6. Synonymes, antonymes, dénominations, définitions isomorphes

Posent problème pour le balisage typographique la synonymie: l'antonymie: la dénomination: et la définition isomorphe: Le dernier cas illustre le dilemme du choix de caractère, puisque les séquences de métalangue (catégorie grammaticale, marque d'usage, classème, définition) sont normalement imprimées en romain, alors que les extraits de langue (dont les sous-adresses et les exemples) sont normalement imprimés en italique; la définition isomorphe est donc sémiotiquement une séquence métalinguistique, mais elle coïncide quantitativement (et sémantiquement) avec le synonyme, extrait de langue. En revanche, il est difficile de justifier l'emploi de la minuscule initiale pour ces unités.

Pour les copules qu'on appelle (aussi/autrement), que l'on appelle (autrement), qu'on appeloit/appelait autrefois, que nous appel(l)ons, on l'appelle autrement/quelquefois, quelques-uns l'appellent aussi, que les Marins/marins appellent, qu'on nomme (autrement / plus exactement), se nomme, vulgairement nommée, on dit aussi/maintenant/aujourd'hui, la distribution des balisages typographiques [3] des synonymes et dénominations est la suivante (la liste complète des items comptabilisés est donnée dans la Figure 6a):

* Sont compris dans ces chiffres quelques cas où le synonyme est précédé d'un article et c'est cet article qui reçoit la majuscule initiale: "Une lentille" (A4-5), "La barre du gouvernail" (A4-7). On notera que A6 et A8 donnent respectivement "Lentille" et "Barre", sans article.

Pour les copules opposé à, par opposition à, s'oppose à, la distribution des balisages typographiques des antonymes est la suivante (la liste complète des items comptabilisés est donnée dans la Figure 6b):

Ne sont pas comptés ci-dessus les cas où le terme antonymique est précédé d'un article, ce qui a pour effet de doubler le discours sur le signe d'un discours sur le référent. Si l'opposition minuscule/majuscule initiale est cohérente dans

elle ne l'est pas dans La majuscule de ces deux derniers exemples ("par opposition à L'eau", "par opposition Aux murs") n'a pas la fonction de marque d'autonymie, mais celle de frontière entre copule et information évoquée ci-dessus à 2.5: copules par opposition à et ?par opposition, informations L'eau de la mer, qui est salée et ?Aux murs de refend et de cloison. (Voir la liste complète des séquences antonymiques avec article dans la Figure 6c.)

2.7. Langue, extralangue, métalangue

Tout dictionnaire de langue contient presque inévitablement des informations sur les choses, sans que les auteurs ou l'utilisateur éprouvent le besoin d'un marquage spécial. On trouvera donc normal qu'un traitement sémantique mi-linguistique, mi-encyclopédique soit donné entièrement en caractère romain:

Il en va de même pour les exemples, imprimés en italique qu'ils soient linguistiques ou à valeur encyclopédique:

L'exemple encyclopédique peut cependant être un élément perturbateur. La raison d'être de l'article ACANTHE:

est le terme d'architecture feuille d'acanthe, rendu célèbre par la traduction du traité d'architecture de Vitruve par Claude Perrault (1673, 1684), après celle de Jean Martin en 1547. Cependant ce terme n'est présent que de façon implicite dans l'exemple: ni l'entrée, ni le traitement sémantique n'en fait cas.

Autrement troublants sont les exemples métamétalinguistiques qui, par définition, ne contiennent pas une occurrence de l'unité de traitement linguistique, puisqu'ils sont là pour illustrer la chose et non le mot. Ainsi, l'exemple donné pour voyelle douteuse n'est pas une illustration de voyelle douteuse mais d'une voyelle douteuse:

De la même façon, esprit doux, exemple du mot doux dans les cinq premières éditions, devient terme de grammaire grec à partir de la sixième et y est illustré par un exemple d'un mot grec portant un esprit doux.

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Notes

3. "Rom" = séquence en romain à majuscule initiale; "rom" = à minuscule initiale; "Ital" et "ital" = séquence en italique.