La réflexion que l'on peut conduire sur les phénomènes
de « communautarisation » liés au développement
de l'Internet ne concerne donc pas seulement leur accroissement numérique,
et ne résulte pas d'une approche descriptive des intentions et des
comportements.
De manière assez inattendue, nous sommes plutôt tentés
de porter notre attention sur au moins deux choses :
-
la subversion des modes traditionnels d'exercice de l'autorité au
sein de groupes humains dont les membres sont appelés à manifester
des intentions et des aspirations divergentes : les communautés
virtuelles paraissent garantir aux particuliers non seulement d'entériner
des procédures publiques, mais aussi et surtout de définir
l'« agenda » selon lequel celles-ci sont progressivement
instituées.
-
le caractère encore indéterminé de la rhétorique
au moyen de laquelle les institutions construisent sur les réseaux
l'image qu'elles entendent donner d'elles-mêmes : les réseaux
ne sont pas simplement un instrument nouveau qui requiert une simple maîtrise
technique de l'outil informatique, mais l'ambiance dans laquelle s'élabore,
pour l'instant confusément, une certaine « conscience
de soi électronique » dont les grandes formations gouvernementales,
par plus que les particuliers, ne détiennent à ce jour les
clés.
La réflexion sociologique s'avère ainsi très proche
de l'herméneutique, de l'interprétation des énoncés
non seulement au point de vue de leur contenus, mais aussi au point de vue des
représentations qu'ils trahissent. À cet égard, l'Internet
pourrait en effet être perçu comme une sorte de miroir aux
alouettes, où l'on croit exprimer ce que l'on pense, mais où
l'on pense aussi ce que l'on ne sait pas exprimer et qui se trahit par
inadvertance.