Ces changements ne sont pas « révolutionnaires ». On sait d’une part que la technique de l’écriture est en perpétuelle reconstruction; d’autre part, on verra que les objets et les méthodes informatiques se sont mis en place depuis plusieurs décennies.
Pour une meilleure compréhension des potentialités —fastes ou néfastes— et des enjeux politiques et économiques de cette technique, nous limiterons volontairement notre étude aux « professionnels de l’écriture », c’est-à-dire aux personnes confrontées au quotidien avec du texte, même si toutes ne s’interrogent pas sur les fonctions de l’écrit: universitaires, érudits et chercheurs actuels, personnes des métiers du livre (journalistes, graphistes, correcteurs, secrétaires de rédaction, etc.), ingénieurs et informaticiens. Bien sûr, ces transformations touchent aussi un public plus large, mais il semble raisonnable dans un premier temps de se cantonner à des pratiques et des outillages mentaux relativement homogènes, de façon à pouvoir réaliser des mesures et des analyses qui permettent la comparaison et la généralisation.
Nous mettrons tout d’abord en évidence des transformations élémentaires, concrètes, des outils d’écriture contemporains, puis détaillerons les transformations intellectuelles qu’ils induisent, sans négliger les formes spécifiques de culture nécessaires à l’actualisation de ces dernières. Enfin, nous exposerons les enjeux économiques et politiques tels qu’ils se dévoilent à la lueur de cette compétition intellectuelle.