Lorsqu'un dérivé est donné à l'intérieur d'un article-vedette ou même d'un sous-article, non seulement il est moins visible mais en même temps son statut dans l'énoncé lexicographique est compromis. Dans le système, les sous-vedettes sont placées en tête d'un article dont le début coïncide avec celui d'un alinéa. Nous considérerons donc comme sous-vedette cachée tout dérivé présenté comme unité de traitement à l'intérieur d'un article à la suite du traitement d'un autre membre de la même famille, et comme simples éléments de la métalangue de traitement ceux qui n'y jouissent d'aucune indépendance. Ainsi, dans l'article
Le contexte étymologique dans lequel toute sous-vedette se trouve engagée est le plus souvent explicite lorsque celle-ci est traitée à l'intérieur d'un article. Par exemple:
Et parce que la bourre est veluë ... on appelle vin bourru, celuy qui ... Mais le verbe Bourrer est en frequent vsage, pour ... (s.v. Bourre 1606) [73]
Les items bilingues présentent un autre problème de consultation. Dans le dictionnaire avant Nicot, les articles sont formés d'une suite d'items-alinéas illustrant différentes valeurs d'emploi ou acceptions du mot-vedette qui est avant tout une forme (cf. 2.2.1.3). Dans les éditions d'Estienne, l'unité de l'article est garantie par la typographie (première ligne en saillie -- cf. supra 2.2.1.1.1), mais a partir de 1564 l'oeil doit parcourir une liste uniforme pour déterminer d'abord quelles sont les sous-vedettes enregistrées et ensuite quelles sont les frontières de leurs articles. Le macro-article ARRESTER en 1549 est clairement subdivisé en ARRESTER (131 lignes), ARRESTANS (2 lignes), ARRESTÉ (7 lignes) et ARREST (65 lignes). Cependant, ESTIENNE a ajouté à la fin de l'article (c.-à-d. dans le microarticle ARREST) l'entrée: "Vng homme arresté & posé ...". D'après la typographie, cette occurrence de arresté n'est pas observable. À partir de 1564, la situation est changée puisque l'oeil peut aussi bien rencontrer arresté (adj.) qu'autre chose dans l'article, et en fait ce mot jouit d'une position privilegiée, à savoir finale; si le regard saute, dans le Thresor, de "Arresté, Retentus, Coercitus, Status" à "Vn homme arresté & posé ...", on peut penser que tout ce qui est entre ces deux a trait à ARRESTÉ. De 1549 a 1573, le macro-article ALLER se termine par trois entrées pour le mot ALLURE. La dernière, "Aller de plus grande allure ...", devenant en 1606 "Aller de plus grande singlée, ou singleure ..." (Nicot aussi peut prêter plus d'attention au latin qu'au français), le seul élément formel qui se rattache alors à l'article global est aller, de sorte que les sous-vedettes ALLEE et ALLURE sont dans une certaine mesure masquées. Quant à BOUGE/BOUGETTE, sa physionomie change d'édition en édition:
BOVGE, BOVGETTE. Ils uiennent de ...
Bougette de cuir, Bulga ... (E 1549)
2.2.1.1.4. Conséquences du classement étymologique latin
Lorsque, dans E 1549, on lit pour l'article ARBITRE la
séquence d'entrées suivante:
ARBITRE ...
la raison de l'ordre est à chercher plutôt du côté
du latin que de celui du français. Les équivalents latins sont
donnés grosso modo dans l'ordre suivant: arbiter,
arbitrari, arbitrarium, arbitrium. Dans E 1539 cet ordre
est encore plus clair et plus strict:
... ung arbitre ...
... en arbitres ...
... par arbitres ...
Deux arbitres ...
... l'arbitre ...
... l'arbitrage de l'arbitre ...
... l'arbitre ...
Arbitrage, c'est ...
Arbitrage ou ...
Franc arbitre ...
... liberal arbitre ...
Vng arbitre esleu par les parties ... Arbiter ...
Franc arbitre, Arbitrium liberum. [76]
De même, ACQUERIR, ACQUESTER, ACQUIS et ACQUISITION, réunis en un macro-article depuis 1539, ont
des liens de ressemblance plus marqués en latin qu'en français;
à partir de 1564 on y trouve, par exemple: "ACQVERIR, Acquirere, Parere, Quaerere // Acquester &
amosser, Quaerere // Acquereur, ou Acquesteur ... Partor //
Acquis, Partus, Quaesitus, Acquisitus // Acquisition,
Acquisitio". L'article DECERNER s'attribue DECRET à travers la conjugaison latine: "DECERNER, Decernere // Decerné, Decretus //
Qui decernera, Decreturus // Decret, Decretum" (1549); de
même, DISCRETION "Discrimen" (1539) se rattache
à la vedette DISCERNER "Discriminare" avant tout
par la voie du latin. Plus troublant encore, à cause de la plus grande
disparité alphabétique, est le cas de DILATION "Dilatio" [< differo] classé dans le
macro-article DIFFERER (1549).
Prendre ung arbitre ... Arbitrum capere ...
La sentence de l'arbitre, Arbitrium.
Quand l'arbitre donne sa sentence, Arbitrari.
Chose qui est soubiecte a l'arbitrage de
l'arbitre,
Arbitrarium.
On est frappé dans toutes les éditions du dictionnaire par le grand nombre d'entrées, données dans l'article d'un verbe, qui commencent par la formule "Qui ..." ou "Celuy qui ...", et ne servant qu'à definir un nom latin. Elles sont toutes à faire remonter à E 1539 [77] où, bien que n'offrant aucun élément formel nouveau du côté français, elles sont très souvent données en sous-vedettes (ligne en saillie ou pied-de-mouche). Par exemple, "Celuy qui abandonne ... Proscriptor" (s.v. Abandonner), "Qui appelle & huche, Euocans" et "Qui ua appeler & ... Accersitor" (s.v. Appeler), etc. Le plus souvent, les éditions postérieures laissent ces items 'latins' tels quels; quelques-uns sont quand même 'francisés': ainsi T 1564 change "Qui allaicte, Lactans" (s.v. Allaicter) en "Enfant qui allaicte, Lacteus puer // Mere allectant son enfant, Mater lactans filium"; dans le commentaire que N 1606 consacre à l'entrée "Celuy qui abbandonne ...", le mot abbandonneur est employé; "Qui abbaye, Latrator" (s.v. Abbay), enfin, se transforme graduellement -- en "Qui abbaye, ou Abbayeur, Latrator" (1549) puis "Abbayeur, Latrator" (1573). [78]
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