Deux écueils se présentent quand nous désirons analyser notre propre univers professionnel et apporter une contribution scientifique qui dépasse le simple témoignage —même si celui-ci peut être fort utile: le premier est celui de la prise de distance d’avec son propre monde, de « la rupture avec la connaissance indigène »; il n’est pas propre à un terrain donné: que l’on soit universitaire, médecin, ou ouvrier, l’analyse des tensions, des conflits, des enjeux, au sein de son univers professionnel, ne peut se réaliser si la description proposée reste dépendante des codes implicites de son fonctionnement. Mais ensuite (et là apparaît le second écueil, propre à la sociologie des chercheurs), il faut « revenir », c’est-à-dire réussir à exprimer en des termes scientifiques —et donc conformes aux critères de rigueur et de rationalité appris et développés au sein de l’Université— les connaissances obtenues à l’occasion de cet éloignement 1. Autrement dit, après s’être écarté de son univers pour mieux en saisir le fonctionnement, l’explicitation du savoir acquis par cette prise de distance ne peut se réaliser qu’en effectuant un retour, en reprenant les normes scientifiques de la démonstration et du raisonnement typiques du monde que l’on étudie 2.