Afin d’expliciter les enjeux de l’outillage mental au sein du monde universitaire, nous commencerons dans cette partie par décrire précisément les modes de diffusion de l’informatique et de l’internet au sein de la division littéraire de l’École normale supérieure 1. L’influence majeure des informaticiens, l’amusement ou le désarroi des premiers expérimentateurs, puis la constitution de laboratoires et la mise en place d’une réflexion sur les processus de l’écrit —à l’occasion de la découverte du web— seront détaillés.
Enfin, viendra le temps des conflits entre les partisans de la machine à écrire, d’une informatique à usage administratif, d’un outillage mental immuable, et entre ceux qui auront décidé d’aller aux limites des processus d’écriture permis par le renouvellement de cet appareillage intellectuel.
Cette histoire brève mais tumultueuse ne se termine pas comme un conte de fée. Elle est cependant riche d’enseignements: un des effets réflexifs de l’écriture consiste en l’explicitation de nos pratiques, intellectuelles, gestuelles et, pour les professionnels de l’écrit, sociales. Il s’ensuit que l’organisation du monde universitaire et les tensions qui le traversent se donnent « à lire » au travers de l’étude de la socialisation de l’internet.
Pour décrypter de tels usages, un instrument s’impose. Il va de soi que son emploi et la maîtrise des savoir-faire associés peut —sans boutade— se résumer en l’application d’une technique sociologique. C’est celle que Pierre Bourdieu a développée dans Homo Academicus que nous privilégierons 2, tant pour sa mise en valeur de l’économie symbolique du monde universitaire que pour ses mises en garde méthodologiques.
Aussi, commencerons-nous par proposer une grille de lecture des normes et des codes qui régissent les chercheurs en sciences humaines.