NEF - Le Livre 010101 de Marie Lebert - Enquête

Le Livre 010101: Enquête (2001)
19. Expériences et souvenirs

Plutôt que de rédiger une conclusion, difficile à envisager pour un sujet aussi neuf, on préfère laisser la parole aux professionnels du livre cités tout au long de ces pages. Tous utilisent l'internet depuis plusieurs années. Beaucoup ont un souvenir particulièrement marquant lié au réseau, que celui-ci soit bon ou mauvais, ou alors une expérience particulièrement marquante, que celle-ci soit positive ou négative. Quels sont ces souvenirs et ces expériences?

19.1. Les auteurs et l'internet
19.2. Les bibliothécaires- documentalistes et l'internet
19.3. Les concepteurs d'appareils de lecture et l'internet
19.4. Les créateurs de sites littéraires et l'internet
19.5. Les éditeurs et l'internet
19.6. Les gestionnaires et l'internet
19.7. Les libraires et l'internet
19.8. Les linguistes et l'internet
19.9. Les professeurs et l'internet


19.1. Les auteurs et l'internet

Alex Andrachmes (Europe) est producteur audiovisuel, écrivain et explorateur d'hypertexte. Son meilleur souvenir: "Incontestablement quand apparaissent mes propositions de mails ou de design de site sur le web. Quand je revois les préparatifs, les brouillons, et que je vois ce que ça donne, c'est comme un flash. Au fond, c'est le même plaisir lorsque sur des Napster ou Gnutella, on trouve enfin 'le' morceau introuvable qu'on avait perdu d'ouïe depuis dix ans, on le charge, on attend, 1%>50%>99%>file complete, on le lance. Raaaah..."

Son pire souvenir: "C'était au tout début, une de mes premières utilisations du médium. Je recherchais dans le cadre d'un projet des sites un peu rebelles, anarchisants, des trucs comme ça. Je tape 'cyberpunk' dans Yahoo!, s'affiche la classique liste de sites. 'Anarchy on the net, cyberpunk rock the web', ce genre... J'essaye d'en ouvrir quelques uns... Surprise! Un banner 'NetNanny' m'interdit l'accès aux sites. Emanation d'un groupuscule de la 'majorité morale' américaine, ce 'NetNanny' s'autorisait à interdire les sites qui ne lui plaisent pas... Je ne l'ai plus jamais rencontré depuis, mais quelle saleté, ce truc. Enfin, à l'autre extrémité, il y a bien le procédé dit de 'l'exit console' où, au moment de sortir d'un site, on vous 'propose' une autre page, puis une autre, puis une autre, impossible de sortir. Ça, je n'en ai pas fait l'expérience, mais ça doit être hard. C'est d'ailleurs un procédé de site hard, ai-je lu quelque part..."

Jean-Pierre Balpe (Paris) est directeur du département hypermédias de l'Université Paris 8. Son meilleur souvenir: "Pas un en particulier. Disons que je suis heureux chaque fois que ça marche... et ce n'est hélas pas si souvent..." Son pire souvenir;: "Même réponse qu'à la question précédente mais inversée..."

Michel Benoît (Montréal), écrivain, utilise l'internet comme outil de recherche, de communication et d'ouverture au monde. Son meilleur souvenir: "Les mails que j'échangeais avec les gens de B-52, la radio libre et clandestine de Serbie, pendant le conflit du Kosovo. En 1978, j'ai visité cette région. Je pouvais sentir leurs souffrances, leurs anxiétés, leurs espoirs. C'est vrai que je me sentais impuissant devant le drame qui se jouait à des milliers de kilomètres de chez moi, mais, au moins, je pouvais parler, témoigner."

Son pire souvenir: "Les quelques rares visites que j'ai faites sur les chats. Le vide, l'ennui qui s'y distille. L'inculture qui s'y exprime aussi. Désolant, en même temps paniquant. Quelqu'un qui écrit: 'Ya man, yyyyyyeeeeeeesssssss, j't'aim 4 ever my luuuuuuvvvvvvvvvvvv' me semble incroyablement désespéré. Un jour, les travailleurs de rue, qui s'occupent actuellement des itinérants et des drogués, travailleront sur le net à récupérer cette humanité souffrante. Je pense sincèrement que, avec la porno, le chat est la poubelle du net."

Silvaine Arabo (Poitou-Charentes), poète et plasticienne, a créé la cyber-revue Poésie d'hier et d'aujourd'hui. Son meilleur souvenir: "Les ami(e)s que ce mode de communication m'a permis de rencontrer dans la francophonie ainsi que tous ceux et celles qui m'ont dit avoir, grâce à moi, découvert ou redécouvert la poésie et avoir compris qu'il s'agissait là d'un mode de fonctionnement majeur de l'esprit humain." Son pire souvenir: "Certaines mesquineries de webmasters, parfois un esprit de compétition et d'arrivisme... On retrouve sur internet la société telle qu'en elle-même, ni plus, ni moins."

Lucie de Boutiny (Paris), écrivain papier et pixel, est l'auteur de NON, roman multimédia publié en feuilleton sur le web. Son meilleur souvenir: "En 1997 ou 1998, j'ai eu droit aux honneurs de la censure. L'une de mes nouvelles mises en ligne, aujourd'hui publiée honorablement sur support papier, était censurée par mon hébergeur. Il était inexact que ma petite histoire noire quoique teintée d'humour était un hommage rendu à un tueur en série pédophile, et cela bien que ce soit en effet le sujet. Mais voilà, par un matin gris acier, on apprit que quelques fournisseurs de services en ligne avaient été embarqués au commissariat de police le plus proche. Ils étaient tenus pour responsables du contenu des dizaines de milliers sites qu'ils hébergent! Et fatalement quelques-uns étaient suspects d'invitation à la haine raciale, au non-respect de la personne, etc. Ma petite nouvelle n'en faisait évidemment pas partie mais j'étais très amusée du fait qu'un 'robot trieur', le genre de nettoyeur informatique qui obéit aux ordres des censeurs, ait attenté, par erreur, à ma liberté d'expression."

Son pire souvenir: "Il s'agit d'une vraie anecdote virtuelle: un soir, je reçois un mail sous pseudonyme m'annonçant que NON, mon roman hypermédia, avait été éradiqué de la planète net. Immédiatement, je me connecte sur mon site. Rien. Je me débranche, ouvre mon disque dur à la recherche de NON. Rien. Je cherche mes disques de sauvegarde. Volatilisés. Cinq ans de travail broyés par la masse des pixels!... Et c'est à ce moment là que je me suis réveillée... Le mauvais rêve!"

Alain Bron (Paris) est consultant en systèmes d'information et écrivain. Son meilleur souvenir: "A la suite de la parution de mon deuxième roman, Sanguine sur toile (publié en 1999 par les éditions du Choucas, ndlr), j'ai reçu un message d'un ami que j'avais perdu de vue depuis plus de vingt ans. Il s'était reconnu dans un personnage du livre. Nous nous sommes revus récemment autour d'une bouteille de Saint-Joseph et nous avons pu échanger des souvenirs et fomenter des projets..."

Son pire souvenir: "Virus, chaînes du 'bonheur', sollicitations commerciales, sites fascistes, informations non contrôlées, se développent en ce moment à très grande échelle. Je me pose sérieusement la question: 'Quel bébé ai-je bien pu contribuer à faire naître?'"

Jean-Pierre Cloutier (Montréal) est l'auteur des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités de l'internet. Son meilleur souvenir: "Ce n'est pas très gai, et ça n'a rien à voir avec le rayonnement important qu'ont acquis Les Chroniques de Cybérie au fil des ans. Début 1996, j'ai reçu un message qui disait à peu près ceci: 'Mon fils, dans le début de la vingtaine, était gravement malade depuis des mois. Chaque semaine, il attendait avec impatience de recevoir dans sa boîte aux lettres votre chronique. Ne pouvant plus sortir de la maison, votre chronique lui permettait de 'voyager', d'ouvrir ses horizons, de penser à autre chose qu'à son mal. Il est décédé ce matin. Je voulais simplement vous remercier d'avoir allégé ses derniers mois parmi nous.' Alors, quand on reçoit un message comme ça, on se fout pas mal de parler à des milliers de gens, on se fout des statistiques d'achalandage, on se dit qu'on parle à une personne à la fois."

Son pire souvenir: "Pas vraiment un seul 'gros et méchant' souvenir. Mais une foule de petits irritants. Le système est fragile, le contenu passe au second plan, on parle peu du capital humain, on nous inonde de versions successives de logiciels, etc. Mais c'est très vivable..."

Luc Dall'Armellina (Paris) est co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écritures hypermédias. Son meilleur souvenir: "Je n'ai pas de souvenir unique mais plutôt des événements marquants: avoir pu contacter et converser par e-mail avec des inconnus dont j'avais lu les travaux, avoir vu des travaux d'amis publiés en livre alors qu'ils étaient écrits initialement et après qu'ils aient existé d'abord pour le web, avoir échangé des vidéos et des photos de famille à l'autre bout du monde en quelques secondes. Quelques instants fugaces de babillard avec des Canadiens perdus dans les grands froids."

Ses pires souvenirs: "L'arrivée de ce qu'on appelle l'e-business, pas l'arrivée du commerce qui est une activité respectable (activité naturelle d'échange qui crée du lien), mais celle du discours, du vocabulaire et de l'état d'esprit qui l'accompagne: rentabilité, business plan, parts de marché, agressivité... et de toute l'économie faite de flan, d'effets d'annonce et dont le paroxysme s'est appelé Nasdaq. La mise à mort de Mygale par un système et sa récupération par un des acteurs du marché a montré que la communauté de partage et d'intérêt avait elle aussi un prix (élevé) en fonction de son potentiel d'acheteurs."

Jacques Gauchey (San Francisco) est spécialiste en industrie des technologies de l'information, "facilitator" entre les Etats-Unis et l'Europe, et journaliste. Son meilleur souvenir: "J'ai publié quelques numéros d'une lettre d'information en anglais gratuite il y a quatre ans sur internet. Une dizaine de lecteurs par numéro jusqu'au jour (en janvier 1996) où l'édition électronique de Wired Magazine créa un lien. En une semaine j'ai eu une centaine de courriers électroniques - y compris de lecteurs francais de mon livre La vallée du risque - Silicon Valley (publié en 1990 chez Plon, ndlr) contents de me retrouver." Son pire souvenir: "L'internet est un médium et comme tout médium un facteur d'éclatement du pire. La fusillade d'Atlanta fin juillet 1999 par un 'day trader'. La pornographie. La vente libre des armes en ligne. Les mails non sollicités."

Jean-Paul (Paris) est le webmestre du site des cotres furtifs, qui raconte des histoires en 3D. Son meilleur souvenir: "Le vertige qui nous a pris à la réception du premier message... venant du Canada. 10.000 (?) ans après les Inuits, des cotres venaient de découvrir l'Amérique!" Son pire souvenir: "Tout ce sommeil en retard..."

Anne-Bénédicte Joly (Antony, région parisienne), écrivain auto-éditeur, utilise le web pour faire connaître ses livres. Son meilleur souvenir: "Le franchissement de la barre des 200 visiteurs sur mon site." Son pire souvenir: "Je n'en ai pas encore..."

Naomi Lipson (Paris et Tel-Aviv) est écrivain multimédia, traductrice et peintre. Son meilleur souvenir: "Pour moi, le réseau est un vivier de gens exceptionnels. J'ai fait des rencontres réelles et virtuelles absolument incroyables en deux ans. Ces gens préexistaient au réseau, bien sûr, mais sans lui, et surtout sans le mél, je ne les aurais jamais contactés!" Elle n'a pas de mauvais souvenirs: "J'ai eu beaucoup de chance. En restant très courtoise aussi, je crois avoir évité les désagréments les plus courants de la vie sur la toile. C'est aussi simple que ça. Et avec un peu de prudence, on évite très bien les virus."

Tim McKenna (Genève), écrivain, s'interroge sur la notion complexe de "vérité" dans un monde en mutation constante. Son meilleur souvenir: "L'utilisation du courrier électronique pour rester en contact avec mes amis." Son pire souvenir: "Apprendre à utiliser l'internet, avant que la technologie n'apporte les améliorations me permettant de ne plus me préoccuper de mon inaptitude dans ce domaine."

Xavier Malbreil (Ariège, Midi-Pyrénées), auteur multimédia, a créé le site www.0m1.com et il est le modérateur de la liste e-critures. Ses meilleurs souvenirs: "Une rencontre amoureuse. La rencontre de plusieurs communautés d'écrivains." Son pire souvenir: "Au tout début, ne pas avoir maîtrisé les codes de communication liés à l'internet. M'être laissé entraîner dans des polémiques vaines."

Murray Suid (Palo Alto, Californie), écrivain, travaille pour EDVantage Software, société internet de logiciels éducatifs. Son meilleur souvenir: "La rencontre avec des experts et des auteurs qui ont participé à mes projets de publications." Son pire souvenir: "Avoir été insulté par une personne que je ne connaissais pas, et qui avait très mauvaise opinion de moi alors qu'elle ne savait absolument rien à mon sujet."


19.2. Les bibliothécaires-documentalistes et l'internet

Emmanuel Barthe (Paris) est documentaliste juridique chez Coutrelis & Associés, cabinet d'avocats, et modérateur de la liste de discussion Juriconnexion. Ses meilleurs souvenirs: "Parmi mes bons souvenirs, je pense à ma première publication sur le web: celle de mon bookmark sur le site ForInt Law (Foreign and International Law), en 1996, grâce à la webmestre de ce site, une collègue bibliothécaire juridique dans une université américaine. Je pourrais aussi citer les (trop rares) découvertes de sites juridiques français dotés d'un réel contenu (un contenu inédit et de valeur) et les remerciements que j'ai reçus pour la rédaction de la FAQ (foire aux questions) de la liste de discussion de Juriconnexion que j'ai récemment rédigée (à la date de l'entretien, en octobre 2000, ndlr)."

Son pire souvenir: "Ce fut la destruction involontaire de mon fichier bookmark de Netscape, à une époque où il était heureusement moins volumineux qu'aujourd'hui. À partir d'une sauvegarde ancienne, j'ai dû retrouver, de mémoire, près d'un tiers des URL (uniform resource locators) et réécrire les descriptions des sites."

Olivier Bogros (Lisieux, Normandie) a créé la Bibliothèque électronique de Lisieux et il est le directeur de la bibliothèque municipale. Son meilleur souvenir: "Les courriers électroniques reçus, à propos des textes que nous mettons en ligne et qui témoignent de la vivacité de la langue française sur le réseau." Son pire souvenir: "Deux jeunes collégiennes (4e ou 3e) faisant des recherches sur la Résistance en France, à partir de la station internet de la bibliothèque, sont tombées sur un site négationniste. Elles n'ont visiblement pas compris pourquoi nous leur avons interdit toute copie papier ou disquette dudit site et avons effacé les pages à l'écran. Tout simplement les mots 'révisionnisme' et 'négationnisme' leur étaient totalement inconnus. Moralité: le libre accès au réseau, mais accompagné d'une médiation par le personnel de la bibliothèque. Le pire des maux: l'ignorance!"

Bakayoko Bourahima (Abidjan) est documentaliste à l'Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée (ENSEA). Son meilleur souvenir: "C'est quand j'ai pu tirer d'embarras un de mes amis, thésard en médecine, qui n'arrivait pas à boucler sa bibliographie sur un sujet sur lequel il n'y avait pratiquement aucune référence au plan local." Son pire souvenir: "Les méls indésirables, tous ces trucs bidons qu'on peut vous faire suivre, avec cinq correspondants ou plus qui vous envoient le même message."

Bruno Didier (Paris) est le webmestre de la médiathèque de l'Institut Pasteur. Son meilleur souvenir: "Le jour où j'ai gagné une boîte de chocolats suisses sur le site de Health On the Net (ne vous précipitez pas, le jeu n'existe plus...)." Son pire souvenir: "Les dérives du courrier électronique: des mal élevés qui profitent de la distance ou d'un certain anonymat pour dire des choses pas très gentilles, ou adopter des attitudes franchement puériles, avec, hélas, des conséquences qui ne sont pas toujours celles d'un monde d'enfant... Par exemple, une personne a un jour profité de ce que je lui avait fait copie d'un message, pensant que le sujet l'intéresserait, pour intervenir entre mon interlocuteur et moi, et me discréditer."

Michael Hart (Illinois) est le fondateur du Project Gutenberg, la plus ancienne bibliothèque numérique sur l'internet. Son meilleur souvenir: "Le courrier que je reçois me montre combien les gens apprécient que j'aie passé ma vie à mettre des livres sur l'internet. Certaines lettres sont vraiment émouvantes, et elles me rendent heureux pour toute la journée." Son pire souvenir: "Etre convoqué par le président de l'Université d'Illinois suite à une plainte (relative à un problème de copyright, ndlr) déposée par l'Université d'Oxford. Mais j'ai été défendu par une équipe de six avocats, la moitié étant de l'Université d'Illinois, et j'ai gagné le procès. On pourrait voir cela comme un bon souvenir, mais je hais ce genre de politique politicienne... Le président de l'université se trouvait être l'oncle de Tom Cruise, amusant, non?"

Pierre Le Loarer (Grenoble) est directeur du centre de documentation de l'Institut d'études politiques de Grenoble et chargé de mission TICE (technologies de l'information et de la communication pour l'éducation). Ses meilleurs souvenirs: "Quand j'ai pu aider tel(le) internaute à l'autre bout du monde (Australie, par exemple) sur une question précise, via le hasard du questionnement. Mais ce n'est pas si fréquent (manque de temps, participation aujourd'hui plus que limitée aux listes et forums). Quand j'ai pu échanger des propos avec tel ou tel chercheur de l'autre bout du monde et avoir ensuite le plaisir de le rencontrer in situ. Etc., etc."

Ses pires souvenirs: "L'avalanche de messages 'spam' a le don de m'agacer, voire de m'irriter. De même, je n'apprécie guère (euphémisme) certain(s) fournisseur(s) d'accès qui rédui(sen)t la vision de l'internet à l'espace de leurs propres sites et ressources, et exigent l'utilisation de leur seul logiciel de messagerie (propriétaire) pour communiquer par mél. Une tromperie quant à la vision et aux potentialités de l'internet."

Peter Raggett (Paris) est directeur du centre de documentation et d'information (CDI) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Son meilleur souvenir: "Avoir trouvé en dix minutes les informations biographiques et les articles d'un professeur reçu par l'OCDE." Son pire souvenir: "Les problèmes de lenteur pour la connection à l'internet et le transfert des données."


19.3. Les concepteurs d'appareils de lecture et l'internet

Olivier Pujol (Paris), PDG de la société Cytale, promeut le Cybook, livre électronique. Ses bons souvenirs: "Découvrir instantanément une réponse à une question qui m'aurait demandé des heures de recherche il y a quelques années est un 'meilleur souvenir' quotidien, et recevoir un mail d'un ami brésilien ou hongrois en est un autre." Ses mauvais souvenirs: "De tomber systématiquement sur des sites pornos ou de pédophilie en faisant certaines requêtes anodines."

Pierre Schweitzer (Strasbourg), architecte designer, est le concepteur d'@folio (support de lecture nomade) et de Mot@mot (passerelle vers les bibliothèques numériques). Son meilleur souvenir: "Au tout début, quand vous réalisez le système: le matin, à l'heure où vous vous levez, les derniers messages arrivent de la côte ouest de l'Amérique. Le jour se passe et le soir, quand vous allez vous coucher, ce sont les tous premiers messages qui arrivent des Dragons. C'est comme la lumière autour de la nouvelle lune." Son pire souvenir: "Je ne l'ai pas gardé comme souvenir."


19.4. Les créateurs de sites littéraires et l'internet

Gérard Fourestier (Nice) est le créateur de Rubriques à Bac, bases de données destinées aux étudiants du premier cycle universitaire. Son meilleur souvenir: "Quand j'ai sorti mon premier ordinateur de son emballage." Son pire souvenir: "Cet été (été 2000, ndlr), à la plage: mes ordinateurs étaient en panne :-)"

Fabrice Lhomme (Bretagne) est le créateur d'Une Autre Terre, site consacré à la science-fiction. Son meilleur souvenir: "Dans un article 'spécial science-fiction' de Club-Internet, Jacques Sadoul (auteur, directeur de collection, anthologiste...) a parlé de mon site comme faisant partie des meilleurs sites francophones traitant de SF. Quand ça vient d'une personne telle que lui, on ne peut qu'être ravi..."

Blaise Rosnay (Paris) est le webmestre du site du Club des Poètes. Ses meilleurs souvenirs: "D'innombrables rencontres avec des poètes du monde entier que nous avons découverts sur internet et qui sont venus nous rendre visite au Club des Poètes. D'innombrables messages de soutien et d'encouragement." Son pire souvenir: "Le constat que, faute d'une volonté politique de partage culturel, les initiatives les plus belles sont le plus souvent découragées par la logique marchande et que l'internet risque de se transformer peu à peu en vitrine de supermarché."


19.5. Les éditeurs et l'internet

Nicolas Ancion (Madrid) est écrivain et responsable éditorial de Luc Pire électronique. Son meilleur souvenir: "Plusieurs fois, les réactions de lecteurs, notamment des adolescents qui réagissent très spontanément et s'expriment sans détour, m'ont fait pleurer devant mon écran. On passe sa vie à écrire des histoires pour donner des émotions aux lecteurs et voilà que ce sont eux qui nous en renvoient de plus fortes ! Je n'ai jamais eu cet effet-là qu'avec des messages électroniques. En face à face ou par courrier postal, l'émotion est bridée par les formules de politesse et les circonlocutions en tous genres."

Son pire souvenir: "A une époque où j'étais entre deux déménagements, que je n'avais plus ni adresse fixe ni téléphone, je me connectais dans les bibliothèques. J'avais participé à un concours sur internet pour être reporter radio pendant deux jours et gagner un téléphone portable, ce qui m'aurait été bien utile. J'avais laissé les coordonnées de mes parents. J'ai gagné, on a téléphoné pour me prévenir mais ma mère a mal compris le message et n'a pas jugé bon de me mettre au courant. Quand j'ai finalement appris ce qui était arrivé, il était trop tard. Internet va vite, les possibilités sont fantastiques, mais il faut aussi que le reste de la planète suive le mouvement, sinon on fabrique du vent. C'est une bonne morale."

Marie-Aude Bourson (Lyon) est la créatrice de la Grenouille Bleue et de Gloupsy, sites littéraires destinés aux nouveaux auteurs. Son meilleur souvenir: "La rencontre avec des personnes qui sont devenues de vrais amis et que je fréquente dans la 'vie réelle'." Son pire souvenir: "Pas vraiment de pire souvenir mais un ras-le-bol répété contre les lenteurs du web et les déconnexions intempestives."

Pierre-Noël Favennec (Paris & Lannion, Bretagne) est expert à la direction scientifique de France Télécom R&D et directeur de collection. Son meilleur souvenir: "Les premiers méls." Son pire souvenir: "Le temps passé à la réception d'images."

Pierre François Gagnon (Montréal) est le créateur d'Editel, pionnier de l'édition littéraire francophone en ligne. Son meilleur souvenir: "La découverte de quelques amitiés affinitaires, indéfectibles, m'enchante encore, tandis que l'étroitesse de vision, le scepticisme négatif qu'affichait la vaste majorité des auteurs de science-fiction et de fantastique vis-à-vis du caractère pourtant immanent et inéluctable de ce qui n'est après tout qu'un fantasme à la Star Trek, qui hante depuis longtemps l'imaginaire collectif, soit l'e-book tout communicant qui tienne dans le creux de la paume, ne cesse pas de m'étonner et de me laisser pantois rétrospectivement."

Olivier Gainon (Paris) est le fondateur et gérant de CyLibris, maison d'édition littéraire en ligne. Son meilleur souvenir: "La première fois que des étudiants dans une école d'ingénieurs m'ont montré le web. C'était en 1992, et j'ai trouvé cela génial. D'où la création de CyLibris en 1996 (j'ai quand même mis quatre ans)." Son pire souvenir: "La disparition progressive de CyLibris dans certains moteurs de recherche parce que, soit nous ne voulions pas payer, soit des accords d'exclusivité avaient été signés avec des libraires en ligne et que nous étions déréférencés brutalement (passer de la première page à la cinquième page est une forme de déréférencement brutal). Bref, aujourd'hui plus rien ne me trouble et on a appris à vivre avec ce genre de phénomène. Il n'empêche qu'une structure comme CyLibris qui se créerait juste aujourd'hui aurait les pires difficultés pour être visible sur internet."

Jacky Minier (Orléans) est le créateur de Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques et littéraires. Son meilleur souvenir: "L'écriture d'une pièce de théâtre 'carabinée' (genre chansons de carabins ;c)) en 1.300 alexandrins, avec un ami rencontré sur le net sans jamais l'avoir rencontré de visu. En symbiose complète avec un parfait inconnu, et une grande jubilation éprouvée à cette écriture à quatre mains." Son pire souvenir: "Les consommations téléphoniques des débuts, avant que je ne sois câblé, ou quelques engueulades sur certains forums avec des paranos."

Nicolas Pewny (Annecy) est le créateur des éditions du Choucas. Son meilleur souvenir: "Un message enthousiaste d'un prêtre bouddhiste du Tibet qui a adoré l'exposition Lorca." Son pire souvenir: "Un orage tandis que j'envoyais l'image de la couverture à un auteur. Plus rien... le néant. Plus d'ordinateur. Heureusement que je sauvegarde tout au fur et à mesure. Chez l'auteur tout a 'sauté' aussi, et il n'y avait pas d'orage. Dans la présentation du livre Sanguine sur Toile, d'Alain Bron (publié en 1999 par les éditions du Choucas), on lit: 'Les images ne sont pas si sages. On peut s'en servir pour agir, voire pour tuer...' Le contexte m'avait fait ressentir une peur instinctive, jusqu'à ce que la logique reprenne le dessus."


19.6. Les gestionnaires et l'internet

Gérard Jean-François est directeur du centre de ressources informatiques de l'Université de Caen (Normandie). Son meilleur souvenir: "La remarque faite par un internaute d'Outre-Atlantique qui, ayant examiné une photo, nous a averti qu'elle était à l'envers." Ses pires souvenirs: "Pas vraiment de mauvais souvenirs, simplement une amertume envers les mauvais usages qui sont faits d'internet."

Pierre Magnenat est responsable de la cellule "gestion et prospective" du centre informatique de l'Université de Lausanne. Son meilleur souvenir: "Lorsqu'en 1995, je me suis retrouvé à mon premier GT (get together) en Californie, une party à laquelle participaient plus de cinquante personnes que je n'avais jamais vues, mais que je connaissais déjà bien pour avoir 'chatté' avec elles pendant deux ans sur IRC (Internet relay chat)." Son pire souvenir: "Lorsque je me suis fait avoir par une fausse information concernant une société dont je possédais des actions. C'est un mauvais souvenir mais une bonne leçon."

Jacques Pataillot (Paris) est conseiller en management chez Cap Gemini Ernst & Young. Ses bons souvenirs: "C'est quand je trouve rapidement l'info que je cherche." Ses mauvais souvenirs: "C'est à l'inverse lorsque je n'en sors pas!"

François Vadrot (Paris) est le fondateur et PDG de FTPress (French Touch Press), société de cyberpresse. Son meilleur souvenir: "Quand nous avons franchi la barre des 10.000 abonnés à LMB Actu, début 1998 (remplacé par Internet Actu en septembre 1999, ndlr)." Son pire souvenir: "Une fois, quand nous avons écrit une bêtise dans Internet Actu, et que les messages incendiaires des abonnés ont commencé à arriver en trombe, dans les dix minutes suivant l'envoi. On a tous commencé à paniquer, car on venait de basculer LMB Actu dans le privé et la société FTPress ne reposait que sur le successeur, Internet Actu. Un désabonnement massif et c'en était fini de nous. Mais finalement, toutes ces réactions nous ont permis de démarrer la tribune des lecteurs, qui a été bien appréciée! Souvent, les erreurs ont du bon, du moment qu'on les avoue, et qu'on l'affiche ouvertement: ces échanges créent des liens entre les lecteurs et les auteurs."


19.7. Les libraires et l'internet

Pascal Chartier (Lyon) est le créateur de Livre-rare-book, site professionnel de livres d'occasion. Son meilleur souvenir: "La lettre d'une vieille dame québécoise à qui j'ai pu faire retrouver un livre de son enfance." Son pire souvenir: "Les injures gratuites."

Catherine Domain (Paris) a fondé la librairie Ulysse, la plus ancienne librairie de voyage au monde. Son meilleur souvenir: "Un dialogue quotidien avec ma soeur qui habite Sri Lanka et mes potes mexicains, américains, anglais, sud-africains, etc., car j'ai beaucoup voyagé, longtemps et partout." Son pire souvenir: "Ma première année ordinateur-internet: une longue souffrance technique!"

Alain Marchiset (Paris) est président du Syndicat de la librairie ancienne et moderne (SLAM). Ses bons souvenirs: "Notre étonnement initial face aux premières ventes réalisées. Nous avions en effet du mal à imaginer des personnes pianotant sur un clavier pour faire leurs achats." Ses mauvais souvenirs: "Tous les messages publicitaires dont nous sommes inondés."

Denis Zwirn (Paris) est co-fondateur et PDG de Numilog, librairie en ligne de livres numériques. Son meilleur souvenir: "Le jour de ma première connexion à domicile, le 31 décembre 1995: c'est un de mes plus beaux souvenirs de réveillon!"


19.8. Les linguistes et l'internet

Guy Antoine (New Jersey) a créé Windows on Haiti, site de référence sur la culture haïtienne. Ses bons souvenirs: "Certaines personnes. Le web est un réseau de serveurs et d'ordinateurs personnels reliés les uns aux autres. Derrière chaque clavier se trouve une personne, un individu. L'internet m'a donné l'occasion de tester mes idées et d'en développer d'autres. Le plus important pour moi a été de forger des amitiés personnelles avec des gens éloignés géographiquement et ensuite de les rencontrer." Ses mauvais souvenirs: "Certaines personnes. Je ne souhaite pas m'étendre sur ce sujet, mais certains ont vraiment le don de vous énerver."

Arlette Attali (Paris) est responsable de l'équipe "Recherche et projets internet" à l'Institut national de la langue française (INaLF). Ses bons souvenirs: "La découverte de bons sites littéraires. Par exemple Zvi Har'El's Jules Verne Collection, consacré à Jules Verne, ou le Théâtre de la foire à Paris (au 17e siècle)."

Robert Beard (Pennsylvanie) est le co-fondateur de yourDictionary.com, portail de référence pour les langues. Ses meilleurs souvenirs sont liés à son site web: "Sa popularité continue de me stupéfier. Je reçois quotidiennement une douzaine de lettres de visiteurs, dont la moitié au moins me félicite pour mon travail. Je ne veux pas tomber dans une autosatisfaction démesurée, mais ces compliments me font très plaisir. Je suis également stupéfait du fait que, six ans seulement après les débuts du web, je puisse dénombrer plus de 1.200 dictionnaires en ligne qui soient dignes d'intérêt, dans plus de 200 langues différentes." Son pire souvenir: "Mon pire souvenir a été de voir mon site web copié sans mention de mon nom. Mais j'ai toujours pu résoudre ce problème. En général, mes souvenirs liés à l'internet sont positifs et ils le seront plus encore si yourDictionary.com a du succès."

Alain Clavet (Ottawa) est analyste de politiques au Commissariat aux langues officielles du Canada. Son meilleur souvenir: "La découverte des toutes les possibilités du modem-câble. La très grande vitesse du modem m'a permis de voir la puissance de ce mode de communication. Internet comme encyclopédie universelle m'est indispensable." Son pire souvenir: "La lenteur, mais c'est réglé."

Cynthia Delisle (Montréal) est consultante au Centre d'expertise et de veille inforoutes et langues (CEVEIL). Son meilleur souvenir: "Le maintien régulier et à moindre coût, grâce au courriel, du contact avec mes proches lors de séjours prolongés à l'étranger." Son pire souvenir: "D'avoir vécu des problèmes de harcèlement (envois répétitifs de courriels personnels non sollicités... c'était il y a plusieurs années, avant que les logiciels de messagerie ne soient équipés de fonctions de filtres!)."

Bill Dunlap (Paris & San Francisco) est le fondateur de Global Reach, société qui favorise le marketing international en ligne. Son meilleur souvenir: "Le fait de travailler avec des centaines de personnes tout en évitant la pression. Cela rend la vie vraiment agréable." Son pire souvenir: "J'ai plusieurs fois mis en place un forum en ligne, et plusieurs individus animés de mauvaises intentions ont commencé à envoyer des messages injurieux à l'ensemble du forum. Ces messages ont atteint des centaines de personnes qui ont à leur tour répondu par des messages injurieux, avec un effet boule de neige. Je me rappelle m'être réveillé un matin avec plus de 4.000 messages à télécharger. Quelle pagaille!"

Barbara Grimes (Hawaii) a été la directrice de publication de l'Ethnologue, encyclopédie des langues, jusqu'en décembre 2000. Son meilleur souvenir: "Le fait de recevoir des corrections et de nouvelles informations fiables." Son pire souvenir: "Des critiques peu aimables sans proposition de corrections."

Christiane Jadelot (Nancy) est ingénieur d'études à l'Institut national de la langue française (INaLF). Son meilleur souvenir: "Lorsque, pour mon problème de polices de caractères, qui était très local, j'ai reçu des réponses du monde entier! (...) J'avais à cette époque des problèmes avec un logiciel qui s'appelait Paradox et des polices de caractères inadaptées à ce que je voulais faire. J'ai tenté ma chance et posé la question dans un groupe de News approprié. J'ai reçu des réponses du monde entier, comme si chacun était soucieux de trouver une solution à mon problème! Je n'étais pas habituée à ce type de solidarité. Les habitudes en France sont plutôt de travailler avec des cloisons étanches."

Son pire souvenir: "Celui d'avoir envoyé un courrier électronique à une personne qui n'était pas destinataire. Ce mode de communication doit être utilisé avec prudence parfois. Il va plus vite que la pensée elle-même, et peut être utilisé de manière très perverse, après coup, par le destinataire."

Steven Krauwer (Utrecht, Pays-Bas) est le coordinateur d'ELSNET (European Network of Excellence in Human Language Technologies). Son meilleur souvenir: "Une nuit, j'ai entendu le fragment d'une chanson sur une station de radio étrangère, ainsi que le nom d'une personne, et par le seul biais de l'internet j'ai été capable de trouver que ce nom était celui du compositeur de la chanson, trouver le titre de la chanson, vérifier qu'il s'agissait bien de la chanson dont j'avais entendu un fragment, découvrir qu'elle faisait partie d'une comédie musicale, trouver le titre du coffret de CD de cette comédie musicale, acheter le coffret de CD en question, trouver le site web de la comédie musicale, trouver le pays et l'endroit dans lesquels cette comédie musicale était toujours à l'affiche, y compris le détail du programme avec les jours et heures des représentations, trouver le numéro de téléphone et les heures d'ouverture du bureau de location, me procurer un plan de la ville et les indications nécessaires pour trouver le théâtre. J'aurais pu également réserver mon hôtel et mon vol par l'internet mais, dans ce cas précis, cela n'a pas été nécessaire. La seule chose que je n'ai pas pu faire fut la réservation elle-même parce que, à l'époque, les réservations par l'internet venant de l'étranger n'étaient pas acceptées, pour des raisons de sécurité. J'ai passé un très bon moment au théâtre, et je ne pense pas que ceci aurait été possible sans l'internet!"

Ses mauvais souvenirs: "Rien de vraiment spécifique, mais plutôt des choses répétitives comme les courriers électroniques non sollicités à caractère commercial, les pages web remplies de publicités, les pages surchargées de graphiques inutiles et dont le téléchargement prend du temps, les liens cassés."

Caoimhín Ó Donnaíle (Ile de Skye, Ecosse) est le webmestre du principal site d'information sur le gaélique écossais, sur lequel il tient à jour une liste des langues européennes minoritaires. Son meilleur souvenir: "Avoir trouvé des informations utiles dans le cadre de ma vie privée." Son pire souvenir: "Je n'ai pas de souvenir qui soit vraiment mauvais. Juste le courant: le courrier non sollicité (spam) ou les piratages informatiques."

Paul Treanor (Pays-Bas) gère sur son site personnel une section consacrée à l'avenir des langues européennes. Il n'a pas de bons souvenirs. "Je ne me fais aucune illusion sur l'internet. Il ne me vient à l'esprit aucune exception à citer." Son pire souvenir: "La pire chose que j'aie vue sur l'internet est le fait que des milliers de personnes aient ajouté le logo de la radio B92 de Belgrade sur leur site, sans se poser de questions sur la nature de cette radio ni sur la politique qu'elle représentait. En fait cette radio émettait déjà d'un avion de l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique Nord). La campagne menée montre combien il est facile de manipuler le public de ce nouveau médium."

Zina Tucsnak (Nancy) est ingénieur d'études en informatique à l'ATILF (Analyse et traitements informatiques du lexique français). "Mon meilleur souvenir est lié à la mise en oeuvre d'un serveur qui permet la lecture de son courrier depuis n'importe quel ordinateur muni d'une connexion internet. Le principe d'un tel serveur existait déjà, surtout sur des grandes sites américains. Mais rien ne remplace la sensation du devoir accompli." Son pire souvenir: "Ce sont les CV bidons, publiés sur des pages personnelles. Surtout quand les auteurs s'appropient des réalisations ou des activités qu'ils n'effectuent pas. Mais cela ouvre un débat plus large sur la répression des fraudes sur internet."


19.9. Les professeurs et l'internet

Richard Chotin (Paris) est professeur à l'Ecole supérieure des affaires (ESA) de Lille. Son pire souvenir: "C'est lorsque j'ai découvert qu'il me faudrait plusieurs vies pour tenter d'épuiser les possibilités de l'outil. Quand j'ai compris que je n'y arriverais pas, je me suis remis à lire Le mythe de Sisyphe d'Albert Camus afin de ne pas sombrer dans une mélancolie maniaco-dépressive due à l'absurdité de la situation."

Maria Victoria Marinetti (Annecy) est professeur d'espagnol en entreprise et traductrice. Ses bons souvenirs: "Le fait que je puisse communiquer avec ma famille et mes amis partout dans le monde." Ses mauvais souvenirs: "Quelquefois ça ne marche pas, c'est lent, imprécis, l'information est énorme et peu structurée, et en plus c'est très cher (en France, ndlr)."

Patrick Rebollar (Tokyo) est professeur de littérature française dans des universités japonaises, créateur d'un site web de recherches et activités littéraires, et modérateur de la liste de diffusion LITOR (littérature et ordinateur). Ses meilleurs souvenirs sont liés à "l'écoute de radios françaises. Dès qu'elle a été possible, en 1997, puis améliorée jusqu'à aujourd'hui, elle m'a permis de rester en contact étroit avec l'actualité culturelle et politique françaises. De même, la possibilité d'acheter des livres et des disques, et d'être livré dans des délais raisonnables à des prix normaux."

Henri Slettenhaar (Genève) est professeur en technologies de la communication à la Webster University. Son meilleur souvenir: "La vision d'images venant directement de l'espace, et particulièrement de Jupiter." Son pire souvenir: "La surcharge d'information. Je suis submergé par toutes ces informations et je ne dispose pas encore des outils qui me permettraient de ne trouver que ce que je cherche."

Russon Wooldridge (Toronto) est professeur au département d'études françaises de l'Université de Toronto et créateur de ressources littéraires librement accessibles en ligne. Son meilleur souvenir: "Une lettre que j'ai reçue par courriel à propos de mon site sur le Dictionnaire de l'Académie française. Je la cite intégralement: 'Sujet: 'Bravo! mais encore un effort'. Bonjour, je m'appelle Sophie, j'ai 10 ans, et je suis contente de trouver un dictionnaire sur internet. Mais je voudrais tout trouver, j'ai un exposé à faire sur la Fête du travail (1er mai) et ma requête n'a pas abouti... L'on voudrait tout trouver... Merci encore. Sophie'."

Son pire souvenir: "Voyons... (j'ai tendance à évacuer les mauvais souvenirs). Je pense ne pas avoir vraiment de 'pire souvenir' en fait. Disons plutôt quelques déceptions quand je donne à X, Y et Z (et à d'autres) et que X, Y et Z ne donnent rien en retour. Je connais pas mal de 'chercheurs' carriéristes. Stoïque et un peu cynique, j'observe d'un oeil désabusé, mais quand même dégoûté, le détournement mercantile de matériaux créés en premier lieu dans le but de les mettre librement en ligne (un cas particulier est documenté sur le site du Projet d'informatisation du Dictionnaire de l'Académie française). La nature humaine est partout la même: la soif de pouvoir chez certains vs. le partage et le pouvoir individuel."

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Ce livre vient toutefois de montrer que nombreux sont ceux qui pratiquent le partage et le pouvoir individuel. Le tout est qu'ils puissent continuer de résister à la soif de pouvoir de certains.


Chapitre 20: Répertoire
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© 2001 Marie Lebert